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Jean-Pierre Vallotton (Traducteur)
EAN : 9782825103098
75 pages
L'Age d'Homme (01/04/1993)
4/5   1 notes
Résumé :
Titre(s) : La neige qui jamais ne neige [Texte imprimé] : et autres poèmes / Ion Caraion ; préf. et trad. de Jean-Pierre Vallotton

Publication : Lausanne ; Paris : l'Age d'homme, 1993
Impression : (70-Héricourt : Impr. du Paquis)
Description matérielle : 75 p. ; 22 cm
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Critiques, Analyses et Avis (1) Ajouter une critique
Je place cette lecture sous le signe de cette citation :« Modulation splendide de la douleur, le chant recoud ce que le cri déchire » (Carole Martinez, du domaine des murmures).

Je déplore l'absence d'indication concernant l'original sur la page de copyright. On sait néanmoins qu'il s'agit de traduction (très certainement du roumain) et que le sous-titre est « et autres poèmes ». On peut donc, en l'absence de précision de la part de l'éditeur ou du traducteur et préfacier Jean-Pierre Vallotton, déduire qu'il s'agit d'une anthologie de poèmes de Ion Caraion et non d'un recueil publié en tant que tel.

Je ne connais pas assez l'oeuvre poétique prolifique (elle s'étend sur plus de quatre décennies puisque le début littéraire date de 1943, avec « Panopticum ») de Ion Caraion pour juger de la pertinence de la sélection, mais les choix de Jean-Pierre Vollotton ont comme fil rouge cette notion de chant de douleur. Comme il s'en explique dans la préface : la quête du poète est une « quête éperdue qui, sous le ressac imperturbable du temps, conduit aussi fatalement à la souffrance : « (...) les eaux roulent dans l'éternité,/comme la forme de la pensée vers la fin de la douleur. » […] Dès lors, en pleine conscience de la faillite générale, quelle attitude le poète va-t-il adopter ? Quels accents donner à son oeuvre ? […] «Chanter en vain/l'indéfectible éloge de la beauté ? » Bien : chantons. Mais que le chant se déploie la mesure de l'univers, obscur et clairvoyant, multiple et solitaire, inespéré, désespérant. Puisque douleur il y a, que le poème se fasse chant de la douleur humaine, fraternité dans la souffrance – germe ténu de l'espoir ».

Force est de constater que la douleur chez Ion Caraion n'est pas que métaphysique. En effet, le poète a passé onze ans en tout en prison, chose que Jean-Pierre Vallotton évoque à peine, au détour d'une phrase en mentionnant que « Sommeil » « appartient également aux poèmes d'incarcération ».

J'ai cherché à en savoir plus avec ce que j'avais sous la main. Ainsi Nicolae Manolescu, dans Istoria critică a literaturii române, commence par douter de la « postérité » de ce poète, auteur toutefois de plus d'une vingtaine de livres (pour la plupart des recueils de poésie) tous publiés « avec l'accord personnel de Nicolae Ceaușescu ». Par delà quelques considérations assez elliptiques sur les relations troubles qu'a entretenues le poète avec le régime communiste, il importe de retenir que le critique littéraire, n'apprécie pas trop cette poésie. Pourtant, je vais vous traduire un passage dans lequel il constate lui aussi l'omniprésence de la douleur : « le plus inattendu est qu'une poésie [...] dans laquelle crie, comme chez Munch une conscience hantée par des anxiétés, tout à la fois paranoïaque et scindée, une poésie d'un expressionnisme natif, comme la respiration, peut prendre, par endroits, une tournure tout aussi spontanée, surréaliste ». (p. 925) Cela me semble pertinent à l'aune de ma lecture.

Sur sa vie et ses déboires politiques on en apprend plus chez Marian Popa, dans le premier tome I de Istoria literaturii române de azi pe mâine (2 volume). Je retiens pour vous ici, car cela m'apparaît finalement anecdotique (sic!) par rapport aux accents universels de sa poésie, simplement qu'il fut l'ami de Virgil Ierunca et de son épouse Monica Lovinescu.

Le poème qui donne le titre est à découvrir pages 41 à 48, tandis que mon poème préféré est « Continûment la discontinuité ».
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Citations et extraits (10) Voir plus Ajouter une citation
Logos

Ceux qui ne se pressent pas y parviennent.
Celui qui patiente l'emporte.
C'est toujours autrement. La connaissance est douleur.
La vie poursuit son propre moi comme eau vive.

Tu as dormi sur des fleurs sauvages. Le sang du vent tombait goutte-à-goutte des arbres.
Et j'ai songé aux paysannes à leurs myrtilles et à leur doux parler.
Nous quittons notre moi, les objets, les brumes et les murmures
pour accomplir un dénouement dont la fragrance nous trouble.

J'ai vu aurores et crépuscules, lunes se levant, se couchant.
Toute chose est unique. Toujours différente. Et des oiseaux paradoxaux chantaient…
Et je les entendis, les entendis ! Femmes de fièvre délirant au torse des hommes.
Je sais la pâleur et la folie comme je sais mes deux bras las de se souvenir.

La vie a poursuivi son propre moi comme eau vive.
Les os de la lune s'enquièrent de nous dans l'air.
Il y eut d'étranges saisons… Les gens pourrissaient vivants.
Une bouche se pencha pour s'abreuver à la nuit.
Et dès lors tu attendis la fin comme on attend la tentation…

Harmonieusement fatigué, l'été s'achevait. La lune comme une nonne jacobine se leva
sur les genoux de l'Apocalypse. Pas de plus magnifique floraison qu'un corollaire.
Tu aimais les oiseaux, les arbres et les eaux,
mais tu n'eus pas d'eaux, pas d'arbres, ni d'oiseaux.

(p. 55)
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Bouts de soie

Je fus l'ami de toutes les solitudes.
J'allumais les lampes parmi les errants.
Le soir je prenais un peu de thé, ou même pas.
Les chemins se sont resserrés dans le passé–
et voici venir l'oubli.

Tout est comme cela fut un jour :
choses auxquelles je ne puis donner un nom.
Jeune fille aux cheveux emmêlés de féerie,
n'essayons plus de nous souvenir.

En automne les cirques partaient.
Les femmes vendaient pour nous de la marjolaine.
Obscurité favorable aux monts-de-piété,
le vent fait encore des culbutes et des papillons.

Naguère tu me montrais un écureuil menu comme une patate
et nous nous effilochions au gré des spectres.
Les gens savent quelque chose qu'ils ne disent pas.
Que fait l'eau dans laquelle tu as secoué tes brumes ?

Par les herbes et les saisons humides,
les cendres confondent leurs saints.
Le soir est venu comme un chien des montagnes,
pour lécher nos mains brûlantes.

Tu es toujours mon amour et
j'entends encore la lune serpenter entre les murs.
Oh ! Si seulement nous étions demeurés en imagination
comme les batailles sur les panoplies…

La vie fût toujours comme ne devrait pas être la vie.

(p. 15)
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Dehors à la lumière des branches

Éclatant sous leur propre sagesse, les cosses s'ouvraient.
La feuille tombait, grisée, fatiguant l'air.
Un oiseau se débattit au-dessus du mûrier.
Comme un saint Georges au cirque, en automne,
revenu du futur de mon corps,
je dessinai l'au-delà.
Les jours martelaient le silence comme un oreiller.
Forgeron et gardien du feu,
je regarde la montagne, cathédrale
aux blanches torchères de mélèze,
sous laquelle, en pleurs, s'est assise Eurydice.

Après minuit, quand les clowns philosophent,
je scrute la montagne.

(p. 32)
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Abysse

Je suis la pierre qui dévale
Je fus à la foire du prophète et
J'ai roulé dans l'herbe des dompteurs de mots.
Je connais la douleur dans les yeux
tournée vers l'intérieur pour dévorer leurs larmes.

L'eau a folâtré un moment parmi les truites.
Le vent s'est attardé un moment aux grilles de l'entrée.
Tu fais demi-tour en toi-même.
Tu t'enfermes dans les morts.
Tu es la pierre qui dévale.

(p. 51)
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Le cheval

Je suis l'idée par laquelle on pénètre dans la cité.
Ce n'est pas assez de donner un royaume contre un cheval.
Contre un cheval on doit tout donner,
pour ne pas être abandonné hors les murs
comme la solitude
comme le Grand Fils des Cendres.
Tout homme a besoin d'un cheval.
Les chevaux ne disparaîtront jamais de l'Histoire.
C'est une question de vie ou de mort.
Mais un cheval ne vaut pas plus qu'une idée
d'où sortiraient hommes et armes,
étant donné qu'on peut tirer un cheval de n'importe quoi,
même d'une compote ou de papillons,
à la seule condition qu'il ne soit jamais dévoré
ni par les loups ni par les allumettes.

(p. 59)
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