Si je dois te trahir

Critique élogieuse à chaud pour ce roman commencé par les explications de la fin, mais que j'ai ensuite dévoré.

Un livre jeunesse que je qualifierais d'extraordinairement bien documenté et que je conseille à tout lecteur intéressé par la vie quotidienne sous le communisme et par les événements de décembre 1989 en Roumanie.

Sans voix devant le tour de force de l'autrice. Dans un style simple et très fluide, sur la seule base d'une conséquente bibliographie elle restitue avec justesse admirable toute une époque et ses affres. J'attendais ce travail synthétique de vulgarisation de l'un ou l'autre écrivain roumain de talent mais, hélas, c'est une Américaine (sans lien particulier avec la Roumanie) qui m'a ébahie.
Un travail rigoureux et méthodique. Une réussite littéraire qui mérite tous les superlatifs.

De l'émotion, de l'action, de belles idées universelles à inculquer à la jeunesse, tout y est, y compris des photos hautement symboliques.

Glaçant ! Et d'autant plus glaçant que c'est une histoire vraie, racontée de main de maitre par la spécialiste des romans historiques pour adolescents/jeunes adultes, Ruta Sepetys.

Par l'intermédiaire d'un narrateur de 17 ans, elle nous fait part des dernières semaines de la dictature de Ceaucescu en Roumanie. Draculescu, comme le surnommait son peuple … en cachette, est mort fusillé en compagnie de sa femme, fin décembre 1989.
Cela a mis fin à une époque horrible qui a duré plusieurs décennies, où les Roumains n'avaient quasi rien à manger (pas de friandises, pas de fruits, pas de viande, à part les pattes de poulet ou de porc), mouraient de froid en hiver dans des appartements exigus et glacials où des familles entières s'entassaient, et surtout, surtout, n'avaient pas le droit de dire ce qu'ils pensaient. Même dans les familles, la méfiance était de mise ! On soupçonnait son meilleur ami, sa copine d'être des informateurs à la solde de la Securitate.

Bref, l'enfer sur Terre. Littéralement. Et le jeune Cristian n'en peut plus. Nous verrons donc comment il va faire pour sortir de cet engrenage diabolique, enferré dans les mensonges, les trahisons, les peines profondes, et ce profond désir de liberté, qui sera transcendé avec la Révolution.

Avec un vocabulaire précis, des phrases incisives qui vont droit au but, Ruta Sepetys nous révèle la vérité dans toute son horreur, après un travail documentaire inouï et allant interroger de multiples témoins.
Ce livre est une référence pour les faits qui se sont déroulés mais aussi pour la psychologie des Roumains et l'ambiance (morose, grise, désespérante, puis exaltante) de cette époque.

L'auteure, une fois de plus, n'a pas trahi la confiance que j'ai en elle !

Pour les moins de 20 ans, Ceaucescu est un nom qui ne signifie pas grand-chose. Mais pour ceux qui avaient la vingtaine en 1989, c'est le nom d'un tyran qu'on croyait indéboulonnable et qui est mort quasiment en direct à la télé après un « procès » expédié. Cet excellent roman jeunesse se déroule en novembre 1989, au moment où le Mur de Berlin s'effondre. Mais cette nouvelle parvient à peine en Roumanie tant la dictature y est implacable. Et les roumains ont d'autres chats à fouetter : ils ont faim, ils ont froid et ils ont peur. La Securitate est partout et le moindre mot peut vous amener des ennuis. C'est ce qui arrive à Cristian, lycéen de 16 ans, qui devient informateur contre son gré. On lui demande de sympathiser avec un adolescent américain et de rendre compte de tous les propos, de tous les gestes de ce garçon et de sa famille. Cristian obéit mais tourmenté par sa conscience, il cherche à contourner cette « mission », se mettant en danger par la même occasion.

Qu'importe, le vent de la liberté vient souffler en Roumanie et Cristian est prêt à agir pour faire tomber le Conducator (=Ceaucescu). Ce roman est destiné à la jeunesse mais je crois que tout le monde devrait le lire. L'auteure rend compte de la vie quotidienne des roumains faite de coupures d'électricité, d'absence de chauffage, d'heures interminables d'attente devant des magasins vides, de la surveillance continue de la redoutable Securitate. C'est elle d'ailleurs qui a combattu férocement contre l'armée qui s'était rallié au peuple et contre les insurgés, n'hésitant pas à arrêter et tuer tous ceux qu'elle trouvait dans les rues. Certains passages sont violents mais ils sont le reflet des événements de noël 1989. A lire !

Bucarest 1989. Ruta Sepetys se glisse dans la peau de Cristian Florescu, 17 ans, l'indigence extrême, le froid, la faim, la terreur d'être dénoncé par un voisin, un ami, sa famille, le bonheur si on peut recevoir une banane pour son anniversaire ou à défaut se consoler avec un champoing à la banane, les blagues sur le régime, et si on possédait des cigarettes Kent, une bouteille de vodka ou du vrai café on le conservait précieusement pour payer un médecin.

Et c'est assez incroyable que malgré l'isolement engendré par la terreur et la méfiance, des étudiants et la population finisse par se rassembler, manifester et renverser le régime.

Peu d'info nous parvenait de cette Roumanie qui sera la dernière à quitter le communisme, et les seules sources d'info pour eux étaient Radio Free Europe et Voice of America. Alors que Cristian se demandait quelle longueur avaient les files devant les magasins occidentaux, je me demandais si la misère à Bucarest était aussi extrême.

Il semble que oui, si on se réfère au gigantesque travail d'enquête effectué par l'auteure et qu'elle explique à la fin du livre.

"Quand la justice ne parvient pas à être une forme de mémoire, la mémoire peut être une forme de justice." -Ana Blandiana

Nouveau coup de coeur livresque de Ruta Sepetys, le voici : I must betray you !

Depuis le temps que je voulais le lire ! J'ai fini par mettre la main dessus à la bibliothèque, heureuse de me dire que j'allais enfin pouvoir le découvrir. Il s'agit en effet de la dernière sortie d'une autrice que j'aime énormément, dont la traduction française est sortie l'an dernier. Je mourrais d'envie de le lire mais je me suis retrouvée à attendre plusieurs mois avant de finalement l'avoir entre mes mains… et le dévorer en deux jours.

Les mots sont-ils suffisants pour exprimer à quel point j'aime les livres de cette autrice ?…

Nouveau roman historique de Ruta Sepetys, Si je dois te trahir nous transporte dans la Roumanie de 1989, où la dictature de Ceausescu est toujours au pouvoir. Comme dans ses précédents romans, l'autrice écrit du point de vue d'un jeune vivant cette période. Ici, le lecteur se retrouve à découvrir Cristian, dix-sept ans, vivant avec sa famille à Bucarest, écrivant le soir dans le cagibi qu'est sa chambre dans un carnet où il couche sur papier ses pensées, réflexions et questionnements quant à la société dans laquelle il vit. Il ne connait rien de la vie dans les pays extérieurs, mais il sait bien au fond de lui qu'il n'y a rien de normal dans ce régime lourdement oppressif où chaque conversation est susceptible d'être écoutée et où la population ne mange pas à sa faim.
Et Cristian, bien qu'il ne soit qu'un citoyen roumain comme un autre devant vivre sous le joug de Ceausescu, se permet d'avoir de l'espoir. Comme à chaque fois, c'est le point de vue d'un jeune main character qui permet cela : malgré la perte de l'insouciance en raison de la dictature en place, malgré le danger constant, il y a quand même des petits moments entre ados défiant l'autorité se permettant un instant de joie et de légèreté, ou des relations pouvant se tisser, le régime ne pouvant empêcher de tomber amoureux… Et malgré des évènements terribles, il y a, au milieu de tout cela, une volonté d'espérer pour un avenir meilleur…

J'ai lu toutes les oeuvres de Ruta Sepetys parues en France à ce jour, et il est indéniable qu'à chaque fois, ses livres m'instruisent. Je ne connaissais rien de la Roumanie pour être honnête, donc je n'avais aucune connaissance de cette dictature qui a isolé le pays pendant de nombreuses années.
J'ai de suite été plongée dans l'ambiance lourde du régime, sa plume nous le fait sentir très vite. La surveillance constante, notamment. Les conditions dans lesquelles ils vivent. L'endoctrinement. La méfiance de chacun envers tout le monde. La peur…

J'ai pratiquement lu ce roman d'une traite, captivée par son récit. Il m'était quasi impossible de le lâcher.
Durant ma lecture, j'ai eu de nombreux frissons. de l'émotion. Des larmes à l'intérieur menaçant parfois de déborder. J'ai été horrifiée par l'injustice et l'atrocité de certains actes. Mais j'ai aussi eu quelques moments de soulagement ou de joie, ressentis en même temps que les personnages. (Notamment, par exemple, le passage concernant le carnet de Cristian, où je me suis sentie emplie de fierté pour lui. Lui qui, malgré les risques immenses qu'il encourait, réussit à faire passer ses écrits et son témoignage au-delà des frontières roumaines !!)

Le dernier tiers du livre est particulièrement incroyable et bien rythmé, et j'ai eu l'impression de le lire en retenant mon souffle. C'était terrible. Mais intense. Je ne pouvais pas m'arrêter.
J'ai ressenti le chaos. La folie. Toutes les émotions accumulées pendant des années à se taire, à ne pouvoir s'exprimer. J'ai ressenti la colère, la volonté de se faire entendre, enfin. Cette rage et cette détermination de millions de personnes pour demander enfin ce dont ils avaient été privés pendant tant de temps… : la liberté. Tout cela, je l'ai ressenti à travers les pages.

J'ai presque eu envie de pleurer devant le courage extraordinaire de tous ces gens qui n'avaient plus rien à perdre.
Et de constater une énième fois mon confort de vie, presque écoeurant à côté…

Une part de moi a été frustrée, c'est vrai, car j'aurais voulu que le livre soit plus long, encore plus développé et enrichi par les détails. Je l'ai dévoré trop vite et c'est cela qui était frustrant, car je ne l'ai pas vu passer.
Cela dit, même si je ne pensais pas mettre 5/5 sur cette lecture, la façon dont j'ai été prise par le récit montre indéniablement à quel point j'ai aimé cette découverte du début à la fin.
Alors bon, voilà…

Dernier roman paru de Ruta Sepetys.
Un nouveau coup de coeur pour ma part.
Un autre roman historique, tellement fort, tellement poignant.
Accessible à un public jeunesse/ados, mais pouvant être lu et apprécié par tout le monde, sans nul doute.
Un récit captivant, terrible également, mais qui permet incontestablement d'en apprendre sur le régime qu'ont subi les Roumains durant tant d'années, bien méconnu par nombre d'entre nous.

Les images présentes à la fin du livre renforcent la puissance du récit. Elles nous rappellent que malgré l'histoire fictive qu'on vient de suivre aux côtés de Christian, le contexte historique, lui, fut bien réel.
Les images permettent d'ancrer cela dans la réalité. Voir les vrais visages de ces personnes ayant existé. Voir les lieux mentionnés dans le roman. Voir le monde lors de la révolution à Bucarest en décembre 1989.

Je vous invite vraiment à prendre le temps de lire la note de l'autrice à la fin, ainsi que les pages d'après, où elle détaille ses sources et documentation.

Après chaque lecture de Ruta Sepetys, j'en ressors grandie. Davantage informée. Et consciente de ma chance. Encore plus.

Encore une fois, je suis profondément admirative de cette autrice qui, chaque fois, met tout son être dans son projet d'écriture. Se documente, va à la rencontre des gens, et réalise un travail qui prend des années. Tout ça dans une volonté de transmettre et de rendre plus accessibles des évènements historiques pouvant être méconnus, surtout à des jeunes comme moi…
J'admire tellement son travail et la réussite que sont ses oeuvres à chaque fois. Il n'y a aucun doute sur le fait que je serai au rendez-vous à la sortie de son prochain roman.