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4

sur 3292 notes

Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Bluffant
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Il y a que le talent d'Emmanuel Carrère pour rendre l'affaire Romand lisible. J'ai dévoré ce livre avec dégoût mais avec la nécessité d'essayer de comprendre ce qui peut pousser un homme à mentir durant des années et en venir à tuer sa famille pour ne perdre la face.
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Jean-Claude Romand est un solitaire. Depuis ses jeunes années, il aime s'attirer la compassion des autres en inventant des déboires invérifiables.

Il fait la connaissance de Florence sa première copine pendant ses années de Médecine. Sans le savoir, celle-ci sera à l'origine d'une grande imposture.
En effet, Jean-Claude dissimule à ses proches qu'il a séché la dernière épreuve de son concours ; certainement dans la crainte de perdre Florence. Et plutôt que de passer au rattrapage, il trompera : administration, parents, amis, femme et enfants pendant 15 ans.

Les années passent et Jean-Claude ne montre pas la volonté de dévoiler la vérité à qui que ce soit. Alors, il se construit de toutes pièces, une carrière de médecin-chercheur respectable. Il maintient le mensonge debout, en escroquant l'argent de ses amis et de ses beaux-parents.
Un jour, acculé, il massacre sa famille.

Fasciné par l'affaire Romand, Emmanuel Carrère lie correspondance avec l'intéressé, pour nous proposer une interprétation de l'absurdité de son histoire.

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Le parcours d'un tueur fou. Qu'est-ce qui a bien pu pousser Jean-Claude Romand, cet homme bien sous tous rapports, à tuer sa femme, ses enfants, ses parents et son chien lors d'une journée et d'une nuit d'horreur? Carrère reconstitue avec finesse et empathie la vie et la personnalité de cet homme qui s'est enfoncé dans le mensonge jusqu'au point de non retour.
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Emmanuel Carrère a l'habitude d'être toujours présent dans ses récits pour mieux justifier le choix de son sujet. Il ne se met guère en scène, ici, et pour cause: nul besoin d'expliquer d'où on écrit et pourquoi on écrit: il suffit d'être humain pour se sentir concerné par cette histoire stupéfiante et s'interroger.
Première question: comment J.-C. Romand est-il devenu ce menteur hors-catégorie? Généralement, on ment, au début, pour se simplifier la vie. Mais ce n'est pas pour cacher un échec honteux que Romand a plongé dans la clandestinité. Il ne s'est pas présenté à son épreuve, ni en juin, ni en septembre, alors même qu'il était parfaitement capable de valider son année. Qu'est-ce qui lui a paru si difficile dans cette carrière banale de médecin banal, au point de commencer à imaginer des subterfuges inouïs pour ne plus se retrouver dans la situation d'obtenir son examen? Carrère propose sans conviction quelques pistes: détestation des corps souffrants, peur de devenir un transfuge de classe, petits accomodements familiaux avec la vérité toujours vénérée, parfois écornée... Rien de consistant, donc, rien qui ferait que l'on s'écrierait: "Mais bon sang, c'est bien sûr!"
Autre question, beaucoup moins mystérieuse, me semble-t-il: comment a-t-il pu tromper ses proches si longtemps? Mais toute société repose sur la confiance, qui justifie qu'on passe quand le feu est vert en présumant que les autres automobilistes s'arrêteront au rouge. Quand tous les signaux de la normalité sont là, pourquoi s'inquiéter? Dans cet aimable et paisible entre-soi, des millions ont été confiés à Romand sans que quiconque s'avise qu'il pourrait être grugé.
Au-delà de la performance d'acteur, le trou noir auquel l'esprit se dérobe, c'est bien sûr les meurtres successifs et prémédités de toute la famille. Comment un homme, dont rien ne permet de douter qu'il était gentil et aimant, a-t-il pu tuer tous ceux qui lui étaient chers et qui l'aimaient? Notre conscience vacille, et nous voici à chercher des arrangements raisonnables qui expliqueraient l'impensable. Il aurait voulu protéger sa famille d'une souffrance qu'il ne pouvait plus leur éviter. Il aurait désormais recouvré sa dignité d'homme en renonçant aux faux-semblants. Il n'aurait évidemment pas poussé son beau-père dans l'escalier (puisqu'il le dit!). Et surtout: « Dire qu'il aura fallu tous ces mensonges, ces hasards et ce terrible drame pour qu'il puisse aujourd'hui faire tout le bien qu'il fait autour de lui… C'est une chose que j'ai toujours crue, voyez-vous, et que je vois à l'oeuvre dans la vie de Jean-Claude : tout tourne bien et finit par trouver son sens pour celui qui aime Dieu. »
À ces paroles d'un visiteur de prison, Carrère oppose la véhémence d'une journaliste, Martine Servandoni: "La seule chose positive qui, de ce point de vue-là, pou(v)ait lui arriver, c'était de prendre vraiment conscience de ce qu'il avait fait et, au lieu de pleurnicher, de plonger vraiment dans la dépression sévère qu'il s'était toute sa vie débrouillé pour éviter. À ce prix seulement il y avait une chance qu'il puisse un jour accéder à quelque chose qui ne soit pas un mensonge, une fuite de plus hors de la réalité. Et la pire chose, en sens inverse, qui pouvait lui arriver, c'était que des grenouilles de bénitier lui apportent sur un plateau un nouveau rôle à tenir, celui du grand pécheur qui expie en récitant des chapelets. « Il doit être ravi, non, que tu fasses un livre sur lui ? C'est de ça qu'il a rêvé toute sa vie. Au fond il a bien fait de tuer sa famille, tous ses voeux sont exaucés. On parle de lui, il passe à la télé, on va écrire sa biographie et pour son dossier de canonisation, c'est en bonne voie. C'est ce qu'on appelle sortir par le haut. Parcours sans faute. Je dis: bravo. »
Je pense que Carrère a eu raison d'écrire ce livre, mais qu'il n'est pas allé au bout de son projet. Finalement, ce n'est pas Romand qui importe, énième avatar de la banalité du mal, type piteux et falot qui n'aura eu d'envergure que par son mensonge. L'essentiel est plutôt dans le mythe que nous construisons à partir de ses meurtres: assassin sanguinaire pour qui il faudrait rétablir la peine de mort ou pécheur rédimé en voie de béatification, Romand est, dans l'anathème comme dans l'élection divine, pareillement exclu de la société des hommes - pour ne jamais nous contraindre à plonger dans les abysses de notre âme et à affronter l'adversaire qui est en nous.
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L'histoire incroyable de Jean-Claude Romand, cet homme qui s'est fait passer pendant près de 20 ans pour un médecin chercheur de L'OMS et qui en réalité passait ses journées sur des parkings à lire des journaux ou dans les bois. L'étau se refermant sur lui, il a fini par assassiner femme, enfants et parents.
Hormis la plume d'Emmanuel Carrère qui est toujours très agréable à lire, l'histoire est intéressante en ce qu'elle retrace la vie de Jean-Claude Romand et ses débuts dans le mensonge, qui vont s'enchaîner, irrémédiablement... jusqu'au procès qui ne donnera aucune réponse aux nombreuses questions : comment quelqu'un peut il se faire passer pour un médecin de L'OMS pendant aussi longtemps sans être jamais démasqué, de quoi vivait-il (une partie de la réponse est dans le livre même si ça semble quand même très improbable, de mon point de vue en tout cas) et comment à t il réussi à ne jamais éveiller les soupçons de la part de ses proches... Bref, Emmanuel Carrère ne donne pas d'explications, à chacun de se faire sa propre idée... Cette histoire tragique est tout de même incroyable. Lecture particulière s'agissant d'une histoire vraie, que je recommande si ce registre vous intéresse. L'approche de l'auteur et son intérêt pour cette histoire sont également intéressants et permettent d'avoir une lecture qui va au-delà du simple récit journalistique.
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Fait divers : l'expression est banale et inoffensive. Pourtant, elle cache parfois une réalité monstrueuse et cependant fascinante. Voici un fait divers : le 9 janvier 1993, Jean-Claude Romand assassine son épouse, leurs deux jeunes enfants et ses propres parents avant de mettre le feu à sa maison et d'avaler des médicaments pour se suicider. Il survit. En quelques heures d'investigation policière, c'est un monde qui s'effondre. Romand se prétendait médecin à l'OMS, à Genève : il n'en est rien. En quelques heures, donc, c'est une vie de mensonges qui est mise à nu : dix-huit ans d'un parcours impensable et cependant réel.

C'est l'histoire d'un homme qui, pendant dix-huit ans, se prétend un autre homme ; dix-huit ans que sa famille et ses amis le croient ; dix-huit ans pendant lesquels, pour assurer un train de vie conforme à sa prétendue situation professionnelle, il escroque les membres de sa famille en leur soutirant leurs économies pour, soi-disant, les placer favorablement dans des établissements bancaires. Dix-huit ans pendant lesquels nul, dans son entourage, ne songea à s'immiscer dans sa vie professionnelle, même par un simple coup de fil. C'est l'histoire d'un homme dont la vie est un mensonge et qui, quand le mensonge devient invivable - pour des raisons financières seulement -, organise la disparition de son monde sans songer véritablement à dire la vérité ou à assumer seul les conséquences de ses actes.

Comme chacun de nous, Emmanuel Carrère est bouleversé par ce fait divers. Lui aussi est père de famille, lui aussi a ses secrets - bien moins lourds, évidemment. Bouleversé parce qu'il se demande comment l'on peut commettre le plus odieux des crimes. Bouleversé aussi, peut-être, parce que Romand a tout de l'homme socialement intégré, rôle qu'il joue parfaitement, même durant son expertise psychiatrique puis durant son procès. L'Adversaire est le livre que tire Emmanuel Carrère de cette atrocité. Nul besoin d'en retracer les horribles contours : on le fera aisément sur internet, ou même en lisant ce livre, dans lequel Carrère retrace minutieusement l'histoire de ce mensonge, et les conséquences dramatiques qu'il eut.

Lire le livre, c'est déjà, comme Emmanuel Carrère, se montrer fasciné par l'horreur extraordinaire. Partant, c'est aussi notre position de spectateur fasciné qui offre une tribune à l'auteur de ce drame et, en un sens, le met en lumière. Au contraire, c'est aussi plonger dans l'ombre ses victimes : on s'intéresse davantage à la personnalité hors-norme qui commet les meurtres plutôt qu'à celles, innocentes, de ses victimes. Une journaliste en fait le reproche, d'ailleurs, à Emmanuel Carrère, à la fin du livre, comme si s'intéresser à ce type de personnage, c'est lui permettre d'exister, c'est lui donner une nouvelle scène, un nouveau rôle à jouer. Derrière le livre, il y a bien-sûr l'intérêt pour ce qui n'est pas dit, qui n'est pas sensationnel mais constitue le coeur de ces dix-huit ans de mensonges. Que faisait Romand toutes ces années, lorsqu'il disait partir au travail ? de quoi vivait-il ? Quelle pouvait être sa véritable personnalité ? En avait-il encore une, lorsque mentir demande déjà tant d'effort, lorsque mentir revient à créer de toutes pièces une vie qui n'existe pas de façon solide, et pourtant existe comme simple façade ?

Le livre est aussi une interrogation de notre humanité profonde. En qualifiant Romand d'Adversaire, c'est-à-dire de Diable selon la terminologie chrétienne, ne simplifie-t-il pas les choses ? N'est-ce pas renier une part d'humanité qui, aussi sombre soit-elle, existe quand même ? Il y a lieu, bien-sûr, de s'interroger sur les motivations d'un tel mensonge. Au-delà de l'enfance jurassienne, au-delà d'une personnalité si discrète qu'elle se fait parfois invisible aux yeux des autres, y a-t-il une part métaphysique, une intervention divine ou diabolique, qui donnerait à ce drame familial l'épaisseur d'une tragédie antique ? Chacun, selon ses croyances, répondra. Pourtant, on est forcés de constater que, dix-huit ans durant, c'est une force hors du commun qui a conduit Jean-Claude Romand à mentir aux siens. La raison aurait voulu qu'il s'arrête rapidement : il ne l'a pas entendue.

Ce qui s'est passé après le meurtre - le procès, la peine de prison, la relation avec les visiteurs - n'est pas pour nous éclairer davantage sur la nature véritable du faux docteur Romand. Toujours subsiste ce doute quant à ses regrets, quant à sa douleur véritable, quant à l'amour, même, qu'il portait aux siens. Emmanuel Carrère en convient lui-même : il est impossible de juger, extérieurement, de la sincérité des paroles d'un tel homme. Comme si, par la nature des faits odieux qu'il avait commis, Jean-Claude Romand s'était mis en dehors du genre humain. Une raison de plus pour refuser la qualification de monstre et pour regarder cette horrible humanité en face ; une raison de plus pour s'interroger, à défaut de comprendre.
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Jean-Claude Romand tue toute sa famille : femme, parents et enfants. Il souhaite disparaître et même se tuer lui-même. J.C Romand qui aurait préféré mourir que se dévoiler face à sa famille et au monde. Il se disait médecin de l'ONU, en fait il n'est rien. Même ses études ont été interrompues pour soi-disant les reprendre plus tard. Mais, en fait, il n'en arien fait.
Dans la deuxième partie, on découvre comment il en est là. Sa vie n'a été que mensonges et mythomanie. Une fois engrangés, les mensonges ont été de plus en plus graves. Je vous laisse découvrir, lecteurs, comment J.C. Romand inversa finalement le cours des choses.

Premier livre de Emmanuel Carrère dont le sujet m'a vraiment plus, d'autant plus que c'est une histoire vraie. Il y a même eu un échange de lettres entre l'auteur et J.C. Romand.
Cependant, le narrateur du livre invente peut-être quand même ce que pense Romand se dérouler dans sa tête. Ses pensées finissent par aller dans le bon sens.
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Emmanuel Carrère revient ici sur la vie de Jean-Claude Romand, cet homme qui prétendait être médecin et travailler à l'OMS, et qui a tué femme, enfants et parents, un week-end de janvier 1993. Ce drame, à l'époque, m'avait profondément touchée et interpellée. Très vite, des dizaines de questions surgissaient : comment peut-on tuer ses enfants, ses parents ? comment en arriver à cet acte ultime ? comment réussir à jouer double-jeu aussi longtemps ? comment l'entourage, voisins, amis, famille, a-t-il été à ce point trompé, aveuglé, berné ? Toutes ces questions donnent le tournis …

Dans ce monde où chacun fait semblant, quoi de plus tentant de prétendre être celui qu'il n'est pas … Partout il faut tricher, je crois, pour séduire la personne désirée, pour décrocher le job tant convoité, pour convaincre un client potentiel d'acheter, pour se faire des amis. Partout on se présente sous son meilleur jour, moyennant quelques petits arrangements avec la vérité, n'est-ce pas ? Et malheur à celui ou celle qui ne joue pas le jeu … Comme sa vie parait triste, pauvre, peu enviable, comme sa compagnie est pénible …

Dans ce monde où tout le monde fait confiance aux apparences, parfois de façon aveugle. Cela me rappelle un épisode de ma vie : je sortais d'un salon pour l'emploi et je croise un ami, oenologue, à l'entrée du salon professionnel des Grands Vins de Bordeaux qui se tenait dans un bâtiment tout proche. L'ami m'invite à le suivre, je refuse, lui avouant que je n'y connais rien en vin. Il insiste et finalement je me laisse convaincre. Je me suis retrouvée entourée de « spécialistes », oenologues, sommeliers, journalistes, conseillers, formateurs, restaurateurs, acheteurs, bref de toute une foule très sûre d'elle, … et personne ne m'a demandé ce que je pensais des vins qu'on goûtait (ouf …), ni où j'avais étudié l'oenologie, où je travaillais … Non tout était dans l'apparence. Il suffisait d'être bien habillé, soigné et de sourire. Il suffisait de paraître. C'est dingue quand même …

Certes la confiance est la base de toute relation sociale, car qu'en est-il de l'amitié, de l'amour, du commerce si on ne peut plus avoir confiance ? Qu'en est-il même de notre humanité ? Et je me mets à la place des amis de Romand, comment ne pas se sentir trahi ? comment encore construire une amitié après ça ? comment ne pas devenir parano ?

L'écriture d'Emmanuel Carrère est journalistique, et c'est exactement l'approche appropriée, le ton juste selon moi. L'auteur relate les faits sans emphase, sans émotion, sans jugement. Libre à nous de nous faire notre propre opinion sur l'affaire, sur la personnalité de Romand. L'auteur lui ne donnera pas la sienne. de temps à autre, il met en parallèle sa vie d'auteur, de père de famille, avec celle de Romand, et cela donne le vertige, bien sûr. Carrère évoque aussi, en bon chrétien qu'il est, de pardon, de rédemption, de repentir, mais jamais il ne cherche des explications. D'ailleurs jusqu'au bout Romand reste une énigme … et c'est tant mieux, je pense.
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J'ai découvert Emmanuel Carrère et L'Adversaire à l'université.

J'ai tout de suite été charmé par le style d'écriture de cet auteur. L'histoire est connue de tous mais Carrère arrive à lui donner une nouvelle impulsion et finalement, une nouvelle dynamique ainsi qu'un nouveau regard.

Le genre littéraire du roman journaliste est plus que jamais présent à travers L'Adversaire.
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