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sur 2422 notes
Comme il le dit lui-même à plusieurs reprises, Emmanuel Carrère ne 'sait' pas écrire les bons sentiments, les longues descriptions ou la vie au grand air. Mais il sait faire du Carrère, du grand Carrère, et c'est déjà énorme ! Sa biographie de Limonov, aventurier décadent, sulfureux et flamboyant, est tout simplement bluffante !

Il faut dire que Limonov constituait un matériau idéal : une vie plus romanesque que beaucoup de romans, une personnalité complexe, tout aussi controversée que volontaire, et surtout une multitude d'expériences, d'errances et de rencontres. Peut-être suis-je naïve, ou trop fascinée par son destin étonnant pour voir le vrai fasciste derrière l'aventurier, mais j'ai trouvé le personnage admirable et attachant. Par son amour sincère et loyal à ses femmes. Par son énergie et son incroyable capacité à rebondir. Par sa discipline et sa grande puissance de travail. Par son refus du politiquement correct. Par ses positions toujours minoritaires. Par son choix d'une vie intense, la vie d'un héros de roman, et son refus de la banalité et de la médiocrité. Alors je lui 'pardonne' ses dérives, je les comprends avec Carrère : en Serbie, c'est l'ivresse de la guerre; le parti national-bolchevique, c'est une façon de donner de l'espoir aux obscurs et de choquer les bien-pensants... Homme bien ou mégalomane sans scrupules, Limonov ne m'a en tout cas pas laissée indifférente.

Et le talent de Carrere, c'est de mêler à cette biographie des passages sur sa vie à lui, sur la marche du monde, sur la littérature. le livre devient un petit rappel de l'histoire récente de la Russie, la grande faite par le goulag, Gorbatchev et les oligarques (entre autres) et la petite, celle du zapoi, des nasbols et des nouveaux pauvres... la Russie des écrivains Soljenystine, Brodsky ou Prilepine aussi, que j'ai très envie de lire maintenant ! Bref, une lecture passionnante à tous égards.
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Édouard Veniaminovitch Savenko dit Limonov a eu, au regard du portrait dressé par Emmanuel Carrère, une vie pour le moins atypique et hors norme.
Né en 1942 d'une ouvrière et d'un tchékiste subalterne de ce qui allait devenir le KGB. le récit de cette existence marquée par la pauvreté et un besoin dévorant de connaître la gloire et l'admiration de tous nous transporte de l'URSS au New York de la fin des seventies, de la France littéraire des années 1980 aux Balkans avant de revenir à la Russie métamorphosée suite au démantèlement de l'Empire soviétique.
La personnalité même de Limonov se révèle très ambiguë. C'est un homme dur et doté d'un ego surdimensionné. Il est difficile d'éprouver de l'empathie pour lui, en dépit des épreuves qu'il a dû traversées. Pour autant, je ne peux pas affirmer l'avoir détesté. C'est plus complexe que cela et il se dégage de cet homme une fascination indéniable. Ce que rend à merveille Emmanuel Carrère.
Au début, j'ai été surprise de trouver dans une biographie de Limonov tant d'éléments autobiographiques de l'auteur. Assez surprenant mais finalement, ça offre une mise en perspective de son personnage par rapport à la vie beaucoup plus sage et mesurée d'Emmanuel Carrère. Il faut dire qu'il ne partait vraiment pas avec les mêmes cartes en mains.

Outre le récit biographique, ce qui m'a complètement emballée dans ce livre, c'est le contexte dans lequel il se déroule. L'auteur offre un panel historique depuis 1942 jusqu'à 2009. Vaste fresque entre la Seconde Guerre Mondiale, la guerre froide, le dégel et les années perestroïka de Gorbatchev, le démantèlement de l'URSS, les conflits des Balkans puis en Tchétchénie. La vie quotidienne des Russes sous Staline puis ses successeurs est bien définie tant par les souvenirs de Limonov que par les récits parallèles de dissidents célèbres tels que Soljenitsyne ou Sakharov. Les manoeuvres du KGB, les déportations en goulag sans procès, les interdictions qui ponctuent le quotidien, etc. Puis l'après URSS avec les coups d'État, avec les oligarques qui mettent la main mise sur l'argent dans un système capitaliste sauvage et déréglé tandis que les masses populaires se serrent toujours plus la ceinture, perdues dans cette "démocratie" qu'ils ne comprennent pas.
Emmanuel Carrère résume les guerres des Balkans avec les atrocités commises d'un côté comme de l'autre et la complexité d'une situation où les parties semblent se multiplier à l'envie.
L'arrivée de Eltsine au pouvoir et son alcoolisme pathétique puis la venue de Vladimir Poutine, que les oligarques choisissent en croyant pouvoir le contrôler et le manipuler. Dans le genre erreur stratégique, ils se posent là sur ce coup!

L'auteur réussit brillamment ce tour de force de mélanger éléments biographiques et récits historiques et géopolitiques. Il parvient à maintenir l'équilibre quant à la personnalité de son héros, avec franchise et discernement. Il raconte tout aussi bien ses écarts qui en font un salaud de première que ses mérites; il sait reconnaître les éventuelles affabulations de Limonov tout en expliquant que s'il a moult défauts, il ne ment pas facilement, plus par orgueil que par vertu.

Ce livre est passionnant et se lit avec bonheur. J'ai beaucoup apprécié le style et l'écriture de l'auteur, avec un petit bémol pour le recours à un langage ordurier qui n'était pas toujours de mise. Mais ce tout petit bémol n'entache en rien les grandes qualités de son ouvrage.
On m'a chaudement recommandé le royaume; ce sera certainement le prochain livre que je lirai de lui.
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Emmanuel Carrère s'empare à nouveau de la vie de l'un de nos contemporains, Limonov, né en 1943 en URSS.

Dans cette brillante biographie, des évènements de la vie d'Emmanuel Carrère s'entremêlent tout au long de son récit à ceux qui jalonnent la vie du sulfureux Edouard Limonov. Ce parallèle échappe d'emblée à un simple égarement narcissique mais constitue une mise en lumière passionnante de son parcours. Une vie hors du commun qui n'est pas due à une suite d'accidents du destin mais bien à une volonté farouche de mener une vie d'aventurier.

Le livre est écrit sans complaisance, avec des mots crus mais dans un style direct magnifique, Emmanuel Carrère nous livre sa vision de Limonov. « Pour lui tant qu'on est méchant, c‘est qu'on n'est pas de venu un animal domestique », « Lui, Edouard, on ne l'achète pas, on ne le domestique pas. Il est un bandit de grand chemin qui veut bien, si leurs routes se croisent, frayer avec le grand chef, d'égal à égal, mais ne se mêle pas à la racaille de ses valets, indicateurs et porte-flingues. »
Mais « c'est vrai, il ne juge pas. Il est sans illusions, sans compassion, mais attentif, curieux, serviable à l'occasion. »

Sur fond de chute du communisme, on suit son séjour en France puis à New York où il deviendra SDF, majordome, son retour en Russie, sa participation à la guerre des Balkans, ses activités politiques, son passage en prison. Il y a les femmes aussi, Anna, Elena, Natacha… et l'écriture. Limonov n'a pas froid aux yeux, rien ne lui fait peur et ses idéaux comme bon nombre de ses actes sont abjects. Tout au long de sa vie, il a publié une oeuvre autobiographique dont Emmanuel Carrère fait l'éloge littéraire. Il s'en est d'ailleurs largement inspiré pour appréhender l'homme tout en menant son enquête.

Une quête âpre, parfois écoeurante , mais on ne lâche plus le livre une fois qu'on l'a commencé.

En refermant ce livre, je n'étais pas fâchée de prendre enfin congé de ce personnage mais certaine de l'immense talent de Emmanuel Carrère qui rappelle avec force mais aussi beaucoup de subtilité qu'il existe des hommes comme Limonov.

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1992, sur les hauteurs de Sarajevo. La guerre bat son plein. Edouard Limonov est filmé en compagnie de Radovan Karadzic, le chef des Serbes de Bosnie, par une équipe de la BBC qui réalise un reportage. Il sera diffusé sous le titre Serbian epics. On y voit Edouard Limonov, "the famous russian writer", qui s'essaye au tir à la mitrailleuse depuis les collines dominant la ville. Tir à l'aveugle. Pour voir. Dans les rues de Sarajevo, on rase les murs, on se jette au sol. La guerre donne libre cours à ce genre de comportement insensé ou situation dramatique selon que l'on se trouve d'un côté ou de l'autre de l'arme.

Cet épisode de sa vie vaudra à Limonov l'étiquette de fasciste qui lui collera désormais à la peau. Surtout dans les milieux intellectuels français. Il avait séjourné auparavant quelques temps à Paris, dans l'errance de sa vie de dissident russe, et déjà plus soviétique.

Curieuse ambivalence chez un personnage tout aussi singulier, fondateur et idéologue d'un parti politique atypique lui aussi, mais sans gloire, celui des nasbols, pour parti national-bolcheviks. Grand écart des idéologies dans les oscillations du balancier de l'irrésolution, entre la nostalgie d'un communisme moribond et les dérives extrémistes droitières. le tout sur fonds de chaos de l'effondrement de l'union soviétique, dans une Russie ressuscitée trop vite, que la pègre a prise de vitesse à la course vers l'économie de marché, doublant ainsi les nouvelles autorités maladroites dans leur nouveau costume pseudo libéral.

On peut se demander ce qui a pu inciter Emmanuel Carrère à se lancer dans la rédaction de pareille biographie d'un personnage encore de ce monde. le sentiment qui entre en jeu avec pareille intention est bien sûr celui de la fascination. Celle suscitée par un héros qui a, non pas tout réussi, mais bien tout foiré dans sa vie. Enfin presque, si l'on compare sa notoriété à son ambition. Celle de faire de sa vie un mythe. Exigence suprême d'un narcissisme prédateur. Il en convient lui-même, ne serait-ce que dans le titre de ses ouvrages tels le Journal d'un raté, le petit salaud et Autoportrait d'un bandit dans son adolescence.

La célébrité lui est quand même tombée dessus sur le tard. Elle est venue le chercher en prison alors qu'il purgeait une peine pour ses menées subversives. Sans doute parce que les autorités de l'époque, sous la férule de Vladimir Poutine, ont estimé qu'il était moins dangereux libre, en trublion à la maigre audience, que détenu. L'emblème du martyr aurait bien pu germer dans l'esprit des déboussolés que cette période de bouleversements a pu jeter à la dérive.

Limonov, le beau gosse, l'auteur prolifique en sa langue natale, mourir ne lui fait pas peur, ce qui le hante c'est de mourir dans son lit, inconnu. Aussi n'a-t-il cessé de braver les autorités, de choquer les esprits, de chercher la consécration dans le combat politique protestataire, puisque la séduction n'avait pas porté ses fruits. Autant d'actions désordonnées à travers le monde, New York, Paris, Moscou, Sarajevo et tant d'autres lieux où son entourage sera témoin de ses extravagances, de ses comportements licencieux, en butte à un monde qui ne l'adule pas à la hauteur de ce qu'il lui devrait. Ses ouvrages clament ses désillusions.

Emmanuel Carrère a été séduit par ce personnage fantasque. A-t-il éprouvé de l'affection pour lui ? Sans doute. A-t-il compati à sa déconvenue? Il s'en est bien gardé. C'eût été lui faire injure. Je dirais plutôt qu'il a compris les battements d'ailes de ce papillon contre le miroir du monde. Il a mis son style limpide au service de cet esprit engoncé dans le costume de l'intellectuel en mal de reconnaissance et qui n'a eu de cesse de tambouriner à la porte du succès. Elle lui restait obstinément close. Il a été doublé sur le fil par Joseph Brodsky dans la compétition au prix Nobel de littérature. Il s'en est estimé floué. Il conservera envers ce dernier une rancune tenace.

Emmanuel Carrère a pu le désigner comme le prototype de qui ne se satisfait pas de l'ignorance dans laquelle le laisse ses congénères. A l'indifférence, il préfère le mépris. Même s'il faut choquer pour attirer l'attention sur soi. Voilà pourquoi le "salaud magnifique" relate ses frasques sexuelles durant sa vie de clochard à New York avec cet ouvrage: le poète russe préfère les grands nègres.

Le style d'Emmanuel Carrère, il est agréable à lire. Il fait courir les pages sous les yeux de son lecteur. Il est toutefois entaché à mes yeux de passages d'une grande obscénité qui nous replonge dans la bassesse de la condition humaine. Mais peut-être est-ce voulu pour s'identifier au comportement de son sujet. Bien qu'à la lecture du Royaume, j'avais déjà pu me rendre compte qu'Emmanuel Carrère ne s'embarrasse pas à tourner autour du pot. Appelons un chat un chat, et tant pis pour qui s'en offusque. Cela n'a pas empêché son auteur de glaner le Prix Renaudot 2011 avec cet ouvrage. Au diable le conformisme à la bienséance.

Limonov, ou ne pas "mourir obscur". Voilà quel pourrait être le sous titre de cet ouvrage passionnant.

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Si Emmanuel Carrère ne m'avait pas auparavant envouté par sa manière de mettre magistralement en écrit (comment peut-on dire «couché sur le papier» quand on se fait éditer en ePub?) de sordides récits de deuils, de pertes, de douleur, je n'aurais certainement pas fait l'effort de faire la connaissance de Limonov, ce personnage avec qui je n'ai aucune affinité. Mais encore une fois, le charme a opéré. Non que je ressente le moindre sentiment positif pour le héros (?), tout au plus un peu de pitié, mais cette plongée dans l'histoire de la Russie au cours des 50 dernières années a quelque chose d'édifiant, d'extrêmement angoissant également (quels mécanismes invoquer pour expliquer chez un être humain la prépondérance de la haine, le plaisir de tuer, et l'absence totale de compassion? Est-ce juste un concours de circonstances avec des carences diverses et une opportunité d'appartenir à un groupe, fut-il armé et destructeur? Peut-on se regarder en face, sans doute que non, puisque l'alcoolisation jusqu'au coma est une sorte d'échappatoire).

Revenons à Limonov : enfant unique, mère très dure, père peu valorisant, ce contexte amène Edouard à s'acoquiner avec les voyous de Kharkov, à la recherche déjà d'un statut de chef de bande. Les exactions diverses, peu glorieuses, auxquelles il se livre le lassent rapidement. C'est finalement le statut de poète qui le tente (le poète a une aura très positive en Russie d'autant plus qu'il n'est pas reconnu : c'est intrinsèquement un loser, ou alors c'est un vendu, un traitre. La concurrence fait rage car ils sont légion et ne devient pas vedette underground qui veut. Après avoir fait le tour de cette communauté artistique, tout en taillant des pantalons pour gagner sa vie, l'émigration semble être la solution pour des lendemains plus glorieux
L'arrivée aux Etats unis et les tentatives de se raccrocher à la jet-set sont assez sidérantes, mais restent sans succès : il va y survivre dans des conditions difficiles, avec dans la période la moins austère un boulot de larbin chez un milliardaire. Il y perd également sa compagne (rêvant d'une vie de topmodel elle va rapidement déchanter). Il écrit, sans succès immédiat, en prose, son épopée new-yorkaise. Lorsqu'un éditeur l'accepte il quitte New York et se retrouve à Paris, où il reste neuf ans, à l'époque de la décomposition du bloc soviétique.

A son retour en URSS, les choses sont en train d'évoluer. Son besoin d'action l'entraine sous différentes casquettes (reporter, soldat) au coeur des complexes conflits balkaniques. Ses opinions politiques prennent corps et se durcissent : il se dévoue corps et âme pour le parti national-bolchévique, créant un journal, Limonka, et rassemblant autour de lui nombre de partisans d'obédiences variées, voire opposées. Enfin, la période d'isolement dans l'Altaï, suivie des années de prison, révèlent une autre facette du personnage, assez suprenante




Qu'est ce rend ce texte attrayant? Sans doute le ton employé, celui d'une conversation entre amis, («j'en ai une bien bonne à te raconter....) longue et complexe, certes mais le style est celui d'un échange informel,naturel avec les expressions populaires voire vulgaires du langage courant, et c'est d'autant plus méritoire que le sujet est complexe et l'histoire rocambolesque. Cette synthèse de mes impressions n'est qu'un pâle reflet des multiples aventures de Limonov (j'ai presque totalement passé sous silence le récit de ses amours, à l'image du reste : complexe et tortueux). le futur lecteur est sûr d'une chose : ne pas s'ennuyer.

Cette lecture m'aura -t'elle donné l'envie de découvrir les écrits de Limonov : peut-être sur une île déserte, sans autre possibilité.....

Lien : http://kittylamouette.blogsp..
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Si le bonhomme Limonov a indéniablement un côté fascinant, il n'en reste pas moins un type obnubilé par sa personne et sa trajectoire personnelle : on sent dans Limonov, combien sa personnalité a marqué Emmanuel Carrère qui fait preuve dans ce récit d'une remarquable objectivité lorsqu'il s'agit de raconter la vie d'un homme sans scrupule au parcours erratique. Et il parvient à nous le rendre presque attachant à force de courage et de détermination. Cependant, si son parcours m'a intéressée (du moins l'ensemble de sa vie car certains épisodes m'ont plus dégoûtée qu'autre chose…) c'est en grande partie grâce au ton enjoué, intime et objectif de l'auteur, et c'est surtout, à travers sa vie, l'histoire contemporaine de l'ex-URSS et de l'Europe qui m'a véritablement passionnée !
Jamais je n'avais lu de décryptage aussi captivant de cette période de l'histoire proche qui a totalement transformé l'Europe et le monde. de l'apparition de Gorbatchev au 2ème mandat de Poutine, en passant par la chute du mur de Berlin, l'effondrement des dictatures communistes et le libéralisme sauvage de la période Eltsine, on découvre avec effarement la façon dont le peuple russe a été victime du manque de clairvoyance du nouveau régime d'abord et de la cupidité des oligarques ensuite pour se retrouver finalement plus pauvre qu'il n'a jamais été…
Un livre brillant qui allie la biographie au roman d'aventures et à la chronique historique, j'ai beaucoup aimé !
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SUITE de la critique : des passages effarants sur la guerre en ex - Yougoslavie , l'incroyable histoire du communisme en Russie , ce sont des passages hallucinants , quand l'auteur nous explique qu'en URSS le réel n'existe pas , en même temps , on se rend compte que l'analyse est d'une justesse incroyable , ce ce qui fait la plus value de ce livre , il nous donne envie d'en savoir plus , il développe notre esprit critique , l'auteur ne juge jamais . , il nous laisse faire notre propre opinion .
J'ai l'impression d'avoir encore pleins de choses à dire , j'ai envie de recopier des passages entiers mais NON .. simplement , il faut le lire .
Merci à Emmanuel Carrère pour cette magnifique lecture .
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Si vous souhaitez vivre une aventure hors du commun, parcourir les paysages hostiles et désolés de la campagne Ukrainienne profonde, sentir les bas-fonds d'un Moscou dévasté et désabusé par l'effondrement du communisme au début des années 90', vous frotter à la fange des ultra-nationalistes sanguinaires et brutaux des Balkans, vous immerger dans la puanteur moite et sordide des bas-quartiers New-Yorkais ou encore vous sentir porter par l'euphorie des soirées littéraires parisiennes et bien Limonov est fait pour vous.
Emmanuel Carrère s'est penché avec cet ouvrage sur une sorte de biographie romancée d'un certain Edouard Savenko, plus connu sous le pseudonyme d'Edouard Limonov, poète looser mais à l'indéniable talent, mercenaire, voyageur de l'extrême ou nationaliste intransigeant (c'est au choix) à la vie aussi romanesque que sulfureuse. Sans être réellement capable de l'expliquer clairement, cette lecture, qui m'a semblée plutôt étrange et fade dans un premier temps, aura très rapidement su me happer et m'obliger à tourner les pages avec une frénésie non feinte, un peu comme une sorte de marathon vers un dénouement catastrophe qu'on subodore et qui prend irrémédiablement forme au fil du temps.
Il est difficile voire impossible de décrire en quelques lignes la vie de Limonov. Ecrivain génial et productif à souhait, amoureux des femmes, indécrottable voyageur, étrange orateur au charisme bien ancré, il aura traversé et retraversé le monde au hasard de rencontres improbables et d'aventures aussi inattendues que rocambolesques, mais toujours avec cette volonté, cette force qui le pousse à avancer vers cet idéal que lui seul semble maîtriser. Quoi qu'on en pense, il ne laisse jamais indifférent, tantôt fascinant, tantôt effrayant, il est de ces personnages qui un jour suscitent l'admiration (je repense à ses séjours dans les tristes prisons russes) et le lendemain le dégoût (à l'image de sa participation aux exactions commises par les nationalistes Serbes dans les Balkans).
Limonov aura été pour moi un très bon moment de lecture, qui a su me plonger dans une ambiance, un univers si particulier, indéfinissable, étalé sur plus d'un demi-siècle et proposant d'innombrables rencontres : entre apparatchiks et dissidents soviétiques qui se taillent la part du gras, poètes géniaux et autres artistes maudits, despérados paumés des campagnes russes en recherche d'un guide visionnaire ou encore (personnage central à mes yeux) ce vieux sage qui apprendra à Limonov les vertus de la méditation… Pour conclure, je dirai qu'Emmanuel Carrère a su proposer un roman vraiment bien construit en évitant les pièges que ce type de récit lui tendaient (tomber dans une sorte de pathos soporifique et désuet), au contraire, il nous propose un texte léger, agréable à lire qui transportera le lecteur loin, très loin dans un monde que même John Ritchie (Sid Vicious pour les incultes) n'aurait pas osé imaginer.

Lien : http://testivore.com/limonov/
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Je viens enfin de terminer Limonov .Ce fût pour moi ,n'en déplaise à certains, une lecture très laborieuse voire soporifique! Certes le parcours de cet homme permet à Emmanuel Carrère de retracer l'histoire récente de l'URSS puis celle de sa dislocation pour arriver à l'omniprésence de Poutine et en cela c'est très instructif..
Carrère nous parle abondamment de microcosmes intellectuels aussi bien à New-York qu'à Paris ,j'avoue que ma méconnaissance de ce milieu ne m'a pas permis d'apprécier certains pages .Bref , vous l'aurez compris je n'ai pas adhéré à ce livre ,encensé par les critiques et récompensé par le prix Renaudot! J"assume .
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Ce livre est extrêmement intéressant par sa dimension historique et par sa dimension "romanesque". Il s'agit pourtant d'une biographie, mais Limonov est un personnage hors norme, qui a vécu mille vies insensées et pourtant réelles!
Limonov a traversé la période probablement la plus forte de l'Histoire russe : celle qui commence par l'hyperpuissance de l'Empire soviétique, qui se poursuit par l'impensable chute du communisme, par les troubles associés à cette dégringolade, la débandade et le basculement dans la société capitaliste, le chaos politique et social, l'émergence des nouveaux riches et des oligarques, la nouvelle identité russe, Boris Eltsine, Vladimir Poutine.
La vision de Limonov sur son pays est très éloignée de celle qui a été véhiculée par notre vision occidentale. Par exemple, Gorbatchov est une icône à nos yeux d'occidentaux... pourtant, il semble être assez détesté par le peuple russe, en grande partie parce qu'il a été le liquidateur de la grande utopie communiste.
Je trouve que la pensée de Vladimir Poutine, mise en exergue par Emmanuel Carrère, est fondamentalement révélatrice de l'âme russe : "Celui qui veut restaurer le communisme n'a pas de tête. Celui qui ne le regrette pas n'a pas de coeur."
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