La Maison des voix

Pour un enfant, la famille est l𠆞ndroit le plus sûr au monde. Ou bien le plus dangereux.

On se rappelle le passé pour se préparer au futur.
Par conséquent, on oublie tout ce qui ne nous sert pas.

Hanna était moins nerveuse que la fois précédente et l’atmosphère était plus détendue. Le psychologue avait recréé les mêmes conditions que la première fois : cheminée allumée, tasses de thé, personne pour les déranger.
- Je croyais que vous ne vouliez pas me revoir, affirma Hanna de but en blanc.
- Qu’est-ce qui vous a fait penser ça ?
- Je ne sais pas… peut-être votre réaction à la fin de notre entretien de samedi.
- Je suis désolé que vous en ayez tiré cette conclusion.
Il regrettait qu’elle ait compris.
Hanna battit les paupières.
- Alors, vous allez m’aider, pas vrai ?
- Pour autant que ce sera possible, oui.

- Oui, mais que suis-je censé faire ? demanda à nouveau Gerber.
- L’écouter. Enfouie chez cette adulte, il y a une enfant qui a envie de parler : il faut que quelqu’un entre en contact avec elle et l’écoute.
Les enfants te font confiance, ça se voit, tu sais, avait dit la juge Baldi juste avant. Non seulement tu les encourages à s’ouvrir, mais en plus avec toi ils se sentent en sécurité… Il serait fier de toi.
Monsieur B. n’aurait pas reculé.

Un frisson qui s’insinuait.
Gerber n’aurait pu définir autrement ce qu’il ressentait et qui le poussa à se réfugier sous un porche.
- Que savez-vous de l’AS ? poursuivit le Dr Walker.
AS : amnésie sélective.
Gerber se sentit déboussolé. Le sujet était très controversé. Pour certains de ses collègues, ce trouble était difficile à diagnostiquer, d’autres en niaient fermement l’existence.

À part papa et maman, personne ne connaissait son prénom dans le monde des vivants.
C’était la « règle numéro trois ».
L’idée d’avoir violé l’une des cinq recommandations de ses parents l’effrayait. Ils lui avaient toujours fait confiance, elle ne voulait pas les décevoir. Surtout pas maintenant que papa lui avait promis de lui apprendre à chasser avec un arc et que maman était d’accord. Mais ensuite elle réfléchit : comment cela pouvait-il être sa faute ?
Règle numéro trois : ne jamais dire son prénom aux étrangers.
Elle n’avait pas révélé son nouveau prénom à qui que ce soit, et il était impossible qu’un étranger l’ait entendu par erreur.