Elle se rappelait avoir lu que les pharaons comparaient le Nil à une fleur de lotus : le cours du fleuve représentait la tige et son large delta les pétales épanouis.
Les falaises bordant le désert prenaient une teinte rose sous le soleil, une couleur irréelle, et Octavia comprit soudain pourquoi jadis les Egyptiens faisaient de ces régions le pays des dieux et des morts.
Parfois, entre les palmiers, apparaissaient les eaux sombres du grand fleuve nourricier. Qu’il devait être agréable de se laisser glisser au fil du courant sur une felouque à voile triangulaire ! C’est ainsi que voyageaient les habitants d’autrefois, puisque le Nil constituait leur seule voie de communication.
Il avait vidé le contenu des caves, et c’était nouveau pour Octavia qui ne l’avait jamais vu ivre auparavant ; il aimait le bon vin comme la bonne chère, mais sans excès. Et voilà que, soudain, la boisson était devenue pour lui le moyen d’oublier la réalité. L’abus d’alcool n’était peut-être pas étranger à son attaque, de même que cette lettre qui l’avait rendu blanc de rage. Il était ensuite devenu écarlate, et avait débité une série de jurons dignes d’un charretier. Puis, avec un curieux bruit de gorge, il s’était effondré et n’avait plus repris conscience.
Les Egyptiens avaient récemment découvert que le moindre objet sorti de leur sol excitait la convoitise, non seulement des touristes, mais des collectionneurs du monde entier. Et ils avaient commencé à creuser n’importe où, sans méthode ni précautions.
Lorsqu’ils découvraient une tombe, ils saccageaient aussitôt les sculptures et les fresques, mutilant les murs à jamais. Ils trouvaient parfois plus simple de voler les trésors patiemment accumulés par les archéologues, si ces derniers commettaient l’erreur de ne pas les mettre en lieu sûr.
La jeune fille avait du mal à imaginer la ronde sans fin des plaisirs goûtés par l’aristocratie. A partir de midi et jusqu’à une heure avancée de la nuit, ce n’étaient que parties de chasse, ou de cartes, sorties au théâtre, ou au music-hall, réceptions chez les plus grands noms du Gotha.
Les bals succédaient aux parties de chasse, les pique-niques aux courses… On pariait sur tout et n’importe quoi, sur les chances de tel cavalier, sur la couleur de telle carte à jouer. Les enjeux atteignaient souvent des milliers de livres.