Mitia

Les ports sont des endroits où il peut toujours arriver quelque chose, ports, portes, orifices, accueils. Il n'est pas de lieux au monde qui ne soient aussi connus, même de ceux qui n'y sont jamais entrés. Poètes et écrivains en ont chanté et décrit l'atmosphère et les populations. Frustration et extase. Qui n'a reniflé, du fond d'un fauteuil citadin, l'odeur goudronnée d'huile et d'algues, n'a dodeliné du chef aux complaintes de l'accordéon, rien qu'en tenant à la main un livre... Et la brume alcoolisée des ports du Nord et les criailleries colorées des ports du Sud. Tout le monde connaît tous les ports. La surprise y est bien moins fréquente que dans la vie de tous les jours.

On a du mal à suivre les grands mouvements d'idées. Et pourtant, ils balaient tout un continent, imposent une certaine manière de voir et, des salons mondains aux parlements, des écoles aux académies, ils exigent de tous la même manière de penser, les mêmes représentations, ne laissant à chacun qu'un étroit éventail de choix hors duquel il est certain de ne pas être compris, de ne pas être admis et même, d'être exclu sans discussion.

On va là où il n'y a rien pour qu'il y ait quelque chose, sinon quelqu'un. La solitude aussi c'est de l'orgueil.