Passe le temps des rouliers des mers occidentales des xve et xvie siècles. Leur effacement découle des évolutions technologiques (la taille croissante des bâtiments de commerce leur interdit l’accès à de nombreux ports dès le xviie siècle, tandis que des taux de fret à la baisse rendent les petits navires moins rentables) et capitalistiques, laminant à terme l’entreprise individuelle des capitaines-armateurs ou même celle des simples marchands-armateurs (on entre dans l’ère des grandes compagnies de négoce privilégiées, prélude colbertien à l’esprit d’aventure plus réussi des Malouins, puis à la fortune commerciale des Nantais) ; leur malheur découle aussi pour une bonne part des choix de l’État royal qui entame sur tous les terrains, y compris la mer pour laquelle il n’a aucune disposition, une lutte imprudente, vaine, épuisante pour ses périphéries maritimes, contre l’Angleterre et ses alliés (alors qu’au contraire les Bretons avaient fondé leur prospérité dans la seconde phase de la guerre de Cent Ans sur leur neutralité de pavillon) ; les effets de ces évolutions et de ces choix imposés se font sentir à plein dans le douloureux retournement d’une conjoncture jusque-là porteuse, autour de 1675, condamnant désormais les Bretons à une lente déprise des flots, à une marginalisation économique irrémédiable dans le concert européen, accélérées encore par les guerres de la Révolution et de l’Empire, ici synonymes de Blocus continental et donc d’asphyxie de ce qu’il demeurait d’artisanat exportateur, aboutissant au second empaysannement de la province si caractéristique du xixe siècle (hormis quelques ports de pêche au développement riche d’aléas comme Douarnenez, la naissance de Saint-Nazaire pour répondre aux besoins exogènes du trafic transatlantique, et les deux villes-arsenaux de Brest et de Lorient, dépendantes au-delà du raisonnable des foucades des commandes passées par la Marine Nationale et de sa gestion de la Flotte).
Reportant le regard en arrière sur les siècles écoulés, un autre contraste se fait jour entre l’image commune de la Bretagne – celle d’une province maritime illustrée par tant de hardis navigateurs, explorateurs ou découvreurs – et une réalité infiniment plus pelliculaire. En dépit de l’apparence appelée par sa situation géographique avantageuse, la péninsule armoricaine n’est dans le passé une terre de marins que par intermittences fragiles, pour de brefs moments qui fondent néanmoins sa prospérité grâce à son ouverture économique au monde.
Il est des rejets de mer fort peu désirables, tels les cadavres de noyés qui paraissent pour l’heure épargnés aux rivages bretons à cause de l’atonie de la circulation maritime durant le Moyen Âge central : d’eux, de leur devenir postérieur en terre chrétienne, nulle trace en effet, d’autant qu’il y avait en l’espèce peu à glaner pour les détrousseurs et peu à gagner pour les éventuels prêtres enfouisseurs.