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Citations sur Mascarade (75)

Par rapport aux habitants de Chicago, les compatriotes de Louis ressemblaient à des réfugiés affamés venus d’un pays lointain et il se rendit compte à cet instant que, dans ce contexte nouveau pour lui, sa ville natale allait subir des comparaisons qui pourraient être douloureuses s’il se laissait impressionner par le contraste. D’abord, s’extirper du Sud n’avait rien d’une partie de plaisir. On avait déjà lynché des Noirs juste parce qu’on les avait vus acheter un billet de train pour le Nord. Et quand certains partaient, leur mère mettait parfois du poivre dans leurs chaussures en croyant que cela permettrait de fourvoyer les chiens lancés à leur poursuite. Mais Louis devinait qu’une autre bataille se profilait pour tous ces gens-là, celle qui consistait à s’intégrer, à ne pas se faire avoir et à rester eux-mêmes.
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Louis aida la dame à descendre du train et ils remontèrent le quai pour rejoindre le centre de la gare. Il regardait les gens et remarqua qu’ils marchaient tous très vite, l’air pressé, et qu’ils étaient tous très bien habillés. Et puis tout était tellement moderne, fuselé, flambant neuf. Il se demanda même un instant s’il n’avait pas un problème de vue, mais quand il se retourna pour observer le train et les gens venus du Sud qui ramassaient leurs bagages, la différence lui sauta aux yeux : leurs vieux vêtements élimés et leurs valises défoncées étaient recouverts de la poussière miséreuse des plaines du Sud.
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Après leur repas, ils mirent les restes dans le panier. Louis joua avec les enfants, contempla le paysage par la fenêtre, bavarda, fuma un peu et s’endormit. La nuit était venue et quand il se réveilla, ce fut pour apercevoir l’infini des lumières de la ville qui filait devant sa fenêtre, de grandes traînées lumineuses de néons dans la nuit, les rues vibrantes d’agitation, puis finalement l’étincelante effervescence argentée de la gare de Chicago, sur la 12e Rue.
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Il s’était tellement précipité pour arriver à la gare à temps qu’il n’avait pas pu s’arrêter à l’épicerie. Il y avait trois wagons-restaurants dans le train. L’un servait un menu à la française, le deuxième de la nourriture de cantine et le dernier de simples en-cas, mais les Noirs n’étaient acceptés dans aucun des trois. La femme regarda Louis d’un œil contrarié. Elle marqua sa désapprobation par un bruit de bouche et ordonna à l’un de ses gamins de descendre le panier du filet. Il le déposa par terre au milieu du compartiment et elle retira le torchon à carreaux pour distribuer des morceaux de poulet frit et de poisson-chat, des épis de maïs, des okras panés, des galettes de maïs — les fameux johnny cakes — et des bouteilles de limonade. Cinq minutes après son départ de La Nouvelle-Orléans, Louis avait déjà l’impression d’avoir trouvé une famille adoptive.
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– Comment tu t’appelles, mon garçon ? demanda la femme une fois Louis installé dans un petit coin.
– Louis Armstrong, m’dame.
– T’es le fils de Mayann ?
– Oui, m’dame.
– Je connais ta mère depuis des années, dit-elle sur un ton qui laissait entendre une certaine fierté. Où tu vas comme ça ?
– Chicago.
– Nous aussi. T’as du travail là-bas ?
– Oui, m’dame. Je joue dans le groupe de Joe Oliver. Je suis deuxième cornet.
– Joe Oliver ? répéta la dame en faisant rouler le nom dans les recoins de sa mémoire quelques instants pour vérifier s’il trouvait un écho.
Elle haussa finalement les épaules.
– Eh bien, bonne chance en tout cas. T’as mangé ?
– Non, m’dame.

– T’as amené à manger ?

– Non, m’dame.
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Louis s’écroula sur le sol et resta un moment sans bouger pour reprendre son souffle. Ses poumons le brûlaient — trop de cigarettes et pas assez d’exercice. Il fouilla dans ses poches et trouva son mouchoir. Il essuya la transpiration sur son visage afin de se rendre présentable et se dirigea vers son compartiment.
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Le train siffla et Louis redoubla d’efforts. Il esquiva un tas de valises, passa devant un porteur déconcerté et parvint au premier wagon où figurait la mention « Gens de couleur ». Il lança sa valise à bord, mit les billets entre ses dents et attrapa la main courante, se hissant dans le train au moment où le chauffeur poussait le feu. Le train quitta la gare dans un tumulte incandescent et fila dans la lumière brûlante du Sud.
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LA NOUVELLE-ORLÉANS
AOÛT 1922
Louis Armstrong courait sur le quai pour rattraper le train de la Panama Limited qui s’était mis en marche. Il avait sa valise en carton dans une main et, dans l’autre, son cornet et ses billets de train. Il les brandit au préposé qui ne les contrôla même pas, trop occupé à se moquer de ce gamin joufflu, tout transpirant, embarrassé par ses bagages, qui galopait le long du train pour dépasser les wagons réservés aux Blancs et atteindre ceux où il pourrait s’installer sans craindre de se faire rosser.
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J’étais en train de traverser la boue pour aller au radeau quand j’ai vu la Cadillac arrêtée au milieu du pont. Le moteur était coupé et les lumières éteintes. J’ai trouvé ça bizarre, alors je me suis arrêté pour regarder. Et pis il y a deux types qui sont descendus de la bagnole et ils ont sorti un corps du coffre, une négresse, pas mal du tout. Elle était à poil. Juste, ils lui avaient mis des cordes autour avec une pierre ou quelque chose comme ça d’attaché. Ils l’ont balancée sur le côté, ils ont regardé un peu et puis ils sont remontés dans leur caisse et ils se sont barrés. En tout, ça a pas pris une minute.
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Elle songea même, égoïstement, que ces émotions étaient en train de l’abîmer, de lui faire prendre de l’âge. Elle aurait voulu pouvoir brûler tous ces souvenirs et les réduire en cendres.
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