Maman avait le coeur brisé.
J’aurais voulu lui dire que c’était rien, que tout allait bientôt s’arranger. Mais ces mots-là, c’est comme le mercurochrome, ça soigne que les blessures superficielles ; pour les autres blessures, les profondes, y a rien à faire à part attendre.
Mentir à sa fille, c'est pas bien; mais lui faire du mal, c'est encore pire.
Mentir pour pas faire mal à ceux qu'on aime, ça devrait être une obligation morale.
[...] dès que vous grandissez, la seule préoccupation des adultes, c'est de vous empêcher de vous droguer - alors que tout le monde sait très bien que quand on a vraiment envie de faire quelque chose, on finit toujours par le faire.
Moi avant, je croyais que les mots se foutaient de ma gueule ; c'était comme si je les voyais danser sous mes yeux, et y avait pas moyen que je les attrape. Je dois dire qu'à force, je les aimais pas beaucoup. (p.33)
Les mots, j'avais toujours eu du mal avec. Quand j'étais petit, on avait beau essayer de m'apprendre, j'écrivais comme un chat borgne, et pareil pour la lecture ; et puis un jour, quand j'ai eu six ans, on nous a appris, à maman et à moi, que j'étais "dyslexique". On m'a expliqué que c'était "la maladie des mots", et je me souviens que je m'étais demandé pourquoi on avait choisi un mot aussi compliqué pour cette maladie-là. Quant à ma mère, elle avait l'air de trouver que c'était plutôt une bonne nouvelle. Parce que ça voulait dire que si j'avais eu du mal à lire et écrire jusque-là, c'était pas parce que j'étais bête, mais malade ; et la maladie ça se soigne, alors que le bêtise c'est pour la vie. (p.32-33)