Citations sur Don Quichotte, tome 1 (95)
Son imagination se remplit de tout ce qu'il avait lu dans les livres, enchantements, querelles, défis, batailles, blessures, galanteries, amours, tempêtes et extravagances impossibles ; et il se fourra si bien dans la tête que tout ce magasin d'inventions rêvées était la vérité pure, qu'il n'y eut pour lui nulle autre histoire plus certaine dans le monde.
[Chapitre I]
Qui cause le tourment de ma vie ? Le dédain.
Et qui augmente mon affliction ? La jalousie.
Et qui met ma patience à l'épreuve ? L'absence.
De cette manière, aucun remède ne peut être apporté au mal qui me consume, puisque toute espérance est tuée par le dédain, la jalousie et l'absence.
Qui m'impose cette douleur ? L'amour.
Et qui s'oppose à ma félicité ? La fortune.
Et qui permet mon affliction ? Le ciel.
De cette manière, je dois appréhender de mourir de ce mal étrange, puisqu'à mon détriment s'unissent l'amour, la fortune et le ciel.
Qui peut améliorer mon sort ? La mort.
Et le bonheur d'amour, qui l'obtient ? L'inconstance.
Et ses maux, qui les guérit ? La folie.
De cette manière, il n'est pas sage de vouloir guérir une passion, quand les remèdes sont la mort, l'inconstance et la folie.
Je vis en mourant, je brûle dans la glace, je tremble dans le feu, j'espère sans espoir, je pars et je reste
Il eut raison, parce que la vérité, si fine qu'elle soit, ne casse jamais, et qu'elle nage sur le mensonge comme l'huile au-dessus de l'eau.
Oh ! Bienheureux les siècles qui ne connaissaient point la furie épouvantable de ces instruments de l'artillerie, dont je tiens l'inventeur pour damné au fond des enfers, où il reçoit le prix de sa diabolique invention ! C'est elle qui est cause qu'un bras infâme et lâche ôte la vie au plus valeureux chevalier ; que, sans savoir ni d'où, ni comment, au milieu de l'ardeur et du transport qui enflamment un coeur magnanime, arrive une balle égarée, tirée peut-être par tel qui s'est enfui, épouvanté du feu de sa maudite machine ; et voilà qu'elle détruit les pensées et tranche la vie de tel autre qui méritait d'en jouir de longues années.
Dieu me soit en aide, et que de provinces il dit, et que de nations il nomma, en donnant à chacune avec une merveilleuse promptitude les attributs qui lui convenaient, étant tout pénétré, tout imbibé de ce qu'il avait lu en ses livres menteurs ! Sancho Pança était fort attentif à ses paroles sans en dire une, mais de fois à autre retournait la tête pour regarder s'il ne verrait point les chevaliers et géants que son maître nommait.
Chapitre XVIII.
Par ma foi, seigneur, reprit Sancho, il est bien inutile de dépenser du temps et de l'argent à faire peindre cette figure-là. Votre Grâce n'a qu'à montrer la sienne, et à regarder en face ceux qui la regarderont, et je vous réponds que, sans autre image et sans nul écu, ils vous appelleront tout de suite "le chevalier de la Triste-Figure". Et croyez bien que je vous dis vrai ; car je vous assure, soit dit en badinage, que la faim et le manque de dents vous donnent une si piteuse mine qu'on peut, comme je l'ai dit, très aisément épargner la peinture.
(chap. XIX)
il y a deux espèces de descendances et de noblesses. Les uns tirent leur origine de princes et de monarques ; mais le temps, peu à peu, les a fait déchoir, et ils finissent en pointe comme les pyramides ; les autres ont pris naissance en basse extraction, et vont montant de degré en degré jusqu'à devenir de grands seigneurs. De manière qu'entre eux il y a cette différence, que les uns ont été ce qu'ils ne sont plus, et que les autres sont ce qu'ils n'avaient pas été;
[Chapitre XXI]
L'ingratitude est la fille de l'orgueil .
Un homme déshonoré est pire qu’un homme mort.