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Critique de Lamifranz


Gilbert Cesbron (1913-1979), c'est une évidence, est un "grand témoin" du XXème siècle. Son oeuvre, dense, forte, et profondément émouvante, est un long témoignage sur le côté obscur des trente glorieuses. de l'immédiate après-guerre aux années 70, il se penche, avec une émotion et une compassion communicatives, sur les oubliés de la croissance, les laissés-pour-compte du progrès, les pauvres, les malheureux, les déclassés, tous ceux qui, pour une raison ou une autre, sont rejetés par la société. Patiemment, de roman en roman, Gilbert Cesbron brosse un tableau de la France, non pas, comme un Zola ou un Balzac avec un souci documentaire à la limite de l'étude sociologique, mais au ras du petit peuple. le réalisme de Cesbron n'a d'autre but qu'attirer l'attention du lecteur sur la misère - les misères - qui l'entoure et qu'il ne voit pas, et ce faisant, de l'amener vers une attitude de compréhension, voire de compassion ou de charité. On le sait, Cesbron est un écrivain catholique. Mais il n'en fait pas un drapeau. Il se place plus dans le sillage de l'abbé Pierre que dans celui du Pape (même si ce pape s'appelle Jean XXIII).
La technique de Cesbron est reconnaissable : chaque roman examine et approfondit un thème de société : Les bidonvilles de l'après-guerre (Les Saints vont en enfer) Les tourments de l'adolescence (Notre prison est un royaume), la jeunesse délinquante (Chiens perdus sans collier), le naufrage de la vieillesse (Avoir été), l'euthanasie (Il est plus tard que tu ne penses), la violence (Entre chiens et loups), le racisme (Je suis mal dans ta peau), la foi et ses dérives (Vous verrez le ciel ouvert) l'enfance handicapée (Mais moi je vous aimais), etc.
Chiens perdus sans collier (1954) raconte l'histoire d'une poignée de gamins venant de milieux défavorisés (parents indignes ou dépassés, ou pas de parents du tout), qui, ayant été entraînés dans la délinquance, doivent répondre de leurs délits devant un juge. Gilbert Cesbron dresse un double portrait : d'une part, avec le regard tendre et compatissant qu'on lui connaît, il nous dépeint ces enfants déboussolés, tiraillés entre le monde d'adultes auxquels ils voudraient ressembler (à tort, souvent) et celui de l'enfance dont inconsciemment ils voudraient gardé la pureté et l'innocence; d'autre part, il nous montre une galerie de "belles personnes" dont la fonction consiste à encadrer et canaliser ces gamins (en particulier le juge Lamy et tout le personnel de la maison d'accueil), et qui à force d'amour et de sollicitude, leur apporte un peu de l'affection dont ils ont été sevrés.
Après Les Saints vont en enfer et Notre prison est un royaume, Chiens perdus sans colliers est un autre "grand" Cesbron, qu'on peut lire aujourd'hui encore à la fois comme un témoignage sur une époque révolue (encore que, si le contexte a changé, les situations dramatiques sont identiques) et comme une réflexion sur le Bien et le Mal, avec des victimes et des bourreaux, mais aussi des héros du quotidien, comme le juge et les éducateurs.
A noter une belle adaptation au cinéma : un film de Jean Delannoy en 1955, avec Jean Gabin dans le rôle du juge Lamy

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