Théâtre coréen contemporain : Anthologie

Ch'oe In-Hun / Où et que serons-nous le jour de la rencontre ?

La pièce date de 1970 et elle semble avoir rencontré un grand succès au moment de sa création, elle a remportée de nombreux prix dans son pays. Elle a été écrite par Ch'oen In-Hun, auteur né en 1936 dans la future Corée du Nord, mais qui a fait toute sa carrière littéraire dans l'actuelle Corée du Sud, en tant que romancier et auteur de théâtre. Il publie son premier texte pour la scène en 1966 dans une revue, proche du théâtre épique et du p'ansori traditionnels. En 1969 il écrit et crée deux textes qui s'inspirent de la légende d'Ondal, le montagnard idiot devenu un guerrier invincible grâce à l'amour d'une princesse.

Où et que serons-nous le jour de la rencontre reprend cette légende d'un autre point de vue, en mettant l'accent sur le personnage de la princesse. Ondal, un bûcheron qui chasse les animaux pour vivre fait un rêve, dans lequel une femme merveilleuse devient sa femme, mais où la menace de la mort plane. La princesse, exilée de la cour, à cause de diverses intrigues, arrive à la demeure d'Ondal, accompagnée par le Grand maître qui doit l'escorter jusqu'au couvent où la princesse doit devenir bonzesse. La princesse est frappée par le nom du propriétaire de la maison, où seule sa mère se trouve, car dans son enfance, son père par jeu, la promettait en mariage à l'idiot Ondal. Lorsque celui-ci arrive, une sorte de reconnaissance se produit entre les deux personnages, qui ont le sentiment d'être destiné l'un à l'autre. La princesse restera dans la maison et épousera Ondal.

Nous sommes dix ans plus tard. La princesse a formé Ondal, et en a fait un grand général qui remporte de nombreuses batailles pour son père. Elle attend le résultat de la dernière d'entre elles, en se faisant du soucis pour son mari. le fantôme de ce dernier apparaît, lui annonçant sa mort, et lui expliquant qu'il a été tué par l'un des siens par traîtrise, l'assassin a été blessé au visage par ses soins. La princesse essaie de venger son mari, mais elle est exilée et revient dans la maison d'Ondal où vit toujours sa mère. Des soldats viennent la tuer à son tour.

Un très beau texte, poétique, dans lequel les rêves tiennent une grande place. Amour prédestiné, tragédie inscrite dans le destin des héros, la cruauté des luttes pour le pouvoir, la folie des batailles, les haines familiales sont présents en filigrane, pas complètement explicité mais suffisamment présent pour qu'on mette de la chair sur l'intrigue dépouillée. C'est un théâtre peu démonstratif, qui ne se répand pas, mais qui dit l'essentiel avec une forme de retenue et de pudeur. Evidemment, toute une partie du contexte culturel et historique nous manque, une édition avec plus d'éléments d'explicitation aurait été bienvenue, mais même sans cela, ce fut un vrai plaisir de lecture, entre légende, histoire d'amour, histoire de bruit et de fureur de l'histoire. L'auteur paraît avoir écrit d'autres textes dans cette veine, malheureusement non traduits.