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3,59

sur 264 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Ce livre a été un réel coup de coeur. L'écriture est sublime. Elle m'a charmée, enchantée. J'ai été fascinée et troublée par la psychologie des personnages, leur histoire, l'histoire même et sa construction finement menée.
Dustin psychologue, apprend le même jour le cancer de sa femme et la libération de son frère adoptif Russel condamné pour le meurtre de ses parents. Des tests ADN l'ont innocentés après une trentaine d'années passées en prison.
Nous rencontrons Dustin lorsque tout va bien psychologue, marié avec deux enfants, une vie simple.
Puis un an et demi plus tard, c'est son fils cadet qui prend la parole, désormais accro à l'héroïne. On apprend la mort de sa femme et son obsession pour un serial Killer alimentée par un de ses patients, ancien policier, Aqil Ozorowski.
Qu'est ce qui a poussé Dustin à suivre son patient dans son obsession ? Il avoue s'être ennuyé dans son métier, la monotonie des traitements. Aqil Ozorowski, le sort de cette routine et l'embarque dans son obsession qui lui offre du réconfort. On embarque dans enquête sur le serial Killer qui prend également une place de plus en plus importante.
Ce qui m'a fasciné c'est la manière dont l'auteur nous présente des personnages puis remet en cause ce qu'on pensait connaître d'eur
J'ai apprécié ce flou créé entre imaginaire et réalité pour les personnages comme pour le lecteur. L'auteur sème le trouble au cours de notre lecture, ce que nous pensons connaître des personnages, ce qu'ils pensent avoir vécu, ce qu'ils ont vécu. Les différents points de vue permettent de semer le doute sur chaque personnage.
Si vous aimez les coups de massue que sont les dénouements, que l'auteur vous attende au détour d'une page pour vous asséner un bon coup “ ben oui j'ai été bon jusque là, il fallait bien que je me maintienne”.
C'est noir on s'enfonce petit à petit dans l'histoire pour être en immersion.
Je n'ai pas dévoré ce livre, j'ai pris de temps d'en apprécier le style. J'avais été attiré par le côté noir de ce roman, d'un personnage principal qui s'enfonce mais je n'avais pas prévu de m'enfoncer aussi dans une si belle écriture. Cela faisait longtemps que je n'avais pas tant apprécié une histoire, un style, une construction de roman et j'ai eu du mal à m'en remettre car il faut trouver des lectures à la hauteur par la suite pour éviter les pannes et l'impression de fadeur qui suit une lecture si intense.

Lien : https://www.babelio.com/monp..
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Ce livre m'a été offert par quelqu'un de vraiment, vraiment gentil (qualité aujourd'hui presque disparue), c'est la lecture qui l'a le plus marqué l'année dernière, et c'est un pro. Il se reconnaîtra. Un énorme merci.



Le début/résumé éditeur : "Nous n'arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les évènements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une"

Tel pourrait être le mantra de Dustin Tillman, psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu'il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d'être libéré de prison. C'est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin commence à prendre peur... et l'histoire de ces années se déroule. Son histoire. Ses souvenirs.

Alors on plonge dans l'enfance de Dustin : il a été adopté, et ses parents ont décidé d'adopter un autre garçon, lorsque Dustin a huit ans. le nouveau "frère" de Dustin, Russell, est âgé de 14 ans. Ses parents ont péri dans un incendie.. et le petit Dustin, content d'avoir un frère, est secoué par le comportement de Russel, quasiment dès son arrivée. Loin du regard des parents, il se sent agressé dans sa propre chambre par ce nouveau frère. Et en l'observant de loin, il le voit faire des choses étranges, tuer des animaux, fumer, fouiller les affaires de ses parents, et y prendre de l'herbe, et fera fumer Dustin dans une maison abandonnée. Il semble que les parents ne prêtent aucune attention aux enfants, passant leurs soirées à fumer, boire, en compagnie d'amis ou de l'oncle et la tante de Dustin, qui sont très proches. Eux ont deux filles, des jumelles, Kate et Wave, 16 ans. 



Cet été-là, en 1983, les deux couples décident de partir en caravane au parc de Yellowstone,  ce qui n'emballe pas trop les jumelles. La veille, les enfants vont dormir dans la caravane, les parents à la maison. le lendemain matin, les adultes sont retrouvés morts, tués par balles. La suite immédiate n'est pas racontée, on sait seulement que Dustin a accusé Russell. Parce que quelque temps plutôt, celui-ci, qui racontait toujours des horreurs à Dustin, lui avait proposer de "se tirer de là" facilement : il fallait juste tuer leurs parents et s'en aller à l'aventure avec leur voiture. Cette histoire avait terrorisé Dustin, encore plus lorsque Russell s'est mis à jouer avec le revolver de leur père, qu'il avait trouvé.  

En 2011, Dustin apprend la libération de son frère, mais celui-ci ne bouge pas de Chicago, à son grand soulagement. Mais sans qu'il en ait eu connaissance, Russell s'est mis en contact téléphonique avec son plus jeune fils, Aaron, qui passe son temps à boire et se droguer, depuis que sa mère est décédée d'un cancer. Il ne s'est même pas inscrit à l'Université, et laisse croire à son père qu'il y est, et suit ses cours normalement. Régulièrement, dans ce récit, différents personnages deviennent les narrateurs de l'histoire : Aaron, Kate, Dustin, Wave, racontant leur présent, et leur passé. Et l'on comprend que les choses sont vues de manières très différentes selon chacun. Chacun a ses vérités ou ses illusions.
Ce roman est très noir, mais il est aussi étonnant par sa présentation : le texte est parfois sous forme de tableaux (les pensées qui s'entremêlent dans la tête de Dustin), sous forme de SMS comme sur un smartphone, les espaces entre certaines phrases, des titres écrits à l'horizontale... c'est surprenant mais tout-à-fait compréhensible, visuellement. C'est une plongée dans les secrets de chacun, dans leur fonctionnement mental, dans les histoires qu'ils se racontent.
On ne peut pas y échapper, l'auteur nous tient à sa merci, alors qu'on tente de trouver qui est coupable et de quoi, plus on avance dans le livre, plus nos propres certitudes sont balayées. C'est extrêmement bien écrit, construit, et psychologiquement profond, et ça touche nos propres émotions. On n'en sort pas indemne..



Une douce lueur de malveillance - Dan Chaon, ed. Albin Michel, collection "Terres d'Amérique", 525 pages, sortie en format poche chez Points, 2020.
Lien : https://melieetleslivres.wor..
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Dustin, psychologue des plus ordinaires, marié et père de famille, voit sa vie partir en lambeaux lorsqu'il apprend la libération de son frère adoptif de prison.
Quand il était adolescent, il a perdu dans un quadruple assassinat père, mère, oncle et tante. Son frère a été accusé sur la foi de son témoignage et de celui de sa cousine. Au même moment, sa femme lui annonce son cancer. Dustin perd pied.
Dan Chaon, en grand magicien des mots, va matérialiser dans ses pages les défaillances de la pensée, les troubles de la mémoire, les doutes et les hésitations, par des phrases inachevées, des blancs dans le texte, des cascades de mots vides de sens.
Et cela avec une telle facilité que rien ne va entraver la lecture, que cette expérimentation sur le texte accompagne parfaitement et avec élégance les désarrois du personnage. Avec la même aisance, l'enquête multiplie les points de vue, sous la forme d'un dossier d'instruction : témoignages de la famille, SMS, alternance des points de vue, citations diverses. Tout cela met au jour les contradictions du personnage ( Qui est-il vraiment, Que s'est-il passé ce jour-là….) et la vacuité de l'enquête qu'il mène sur un serial killer avec l'un de ses patients.
De fausses pistes en fausses pistes, de morceaux de vérité en morceaux de vérité, l'auteur nous entraîne dans cet abîme de malveillance qui réside en chacun d'entre nous.
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J'ai longtemps reculé ma lecture de ce roman parce qu'en le feuilletant, j'ai été déconcertée par sa construction (et aussi quelques commentaires disant que cela ne facilitait pas la lecture). Il faut savoir que ce livre est vraiment atypique dans sa présentation. Tout d'abord vous faites des allers-retours entre différentes époques, puis vous passez de la narration à la troisième personne à une narration à la première personne avant de revenir à la troisième personne et ainsi de suite. Mais ce qui est le plus déconcertant c'est la présentation sous forme de textos, ou de colonnes (2 ou 3 sur une même pages). C'est cette dernière présentation que m'a posé le plus de problème car je ne savais pas comment l'aborder : les paragraphes étant séparés devais-je lire un paragraphe par colonne avant de passer au suivant ou bien lire l'ensemble d'une colonne avant de passer à la suivante ? Je pense que c'est au choix de chacun, j'ai testé les deux méthodes pour finalement opter pour la seconde. Et puis il y a également ces phrases inachevées sans points de suspension ou autre, vous avez juste un bout de phrase qui s'arrête en son milieu.

Alors oui, cette lecture est déroutante, atypique, complexe et il faut s'accrocher pour en venir à bout mais si vous faites abstraction de la présentation et que vous vous centrez sur l'histoire, alors cela en vaut la peine.

Dans ce roman, vous avez deux histoires tournant toutes les deux autour du personnage principal : Dustin. D'un côté, vous avez les interrogations de Dustin face à ce qu'il pense s'être déroulé dans le passé au moment du meurtre de ses parents et de son oncle et de sa tante et des inquiétudes sur la réaction de son frère qui a purgé de nombreuses années de prison suite au témoignage de Dustin. de l'autre, vous avez toute une série de morts suspectes d'étudiants sur lesquelles il va être amené à enquêter avec un de ses patients.

Viennent se greffer sur cela le deuil (deuil de parents assassinés, deuil d'une épouse, deuil d'un ami…), les pertes de mémoire, la confusion, l'absence, la manipulation, le manque de dialogue, les non-dit. C'est un roman noir, vous l'aurez compris.

Ce roman, en fait, est impossible à résumer au risque de trop en dire. C'est un roman qui se mérite, qui se découvre petit à petit, qui vous demandera de la concentration, parfois des pauses mais trop longues sous peine de vous sentir complètement perdu lorsque vous le reprendrez.

Ce livre, il faut choisir le bon moment pour le lire sous peine de passer à côté. Comme je vous le disais, il m'a fallu de longs mois avant de l'appréhender. Peut-être que si je l'avais lu quelques mois plus tôt je ne serais pas allée jusqu'au bout et que je l'aurais abandonné, je l'ignore. Toujours est-il que j'ai eu l'instinct de le lire au moment opportun.

Alors vous allez sans doute vous dire qu'au bout du compte je ne dis pas grand-chose sur le roman, mais le fait est que j'ai beaucoup de difficultés à écrire dessus car il m'a chamboulée. Si l'envie vous prenait de le lire, peut-être que vous crieriez au chef d'oeuvre, peut-être qu'au contraire vous le détesteriez, en tout état de cause, il ne vous laissera pas indifférent.
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Vraiment un très bon livre, une vrai saga psychologique. Je recommande vivement sa lecture, un vrai moment de bonheur !
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Malveillance :

1-Tendance à blâmer, à lui vouloir du mal.

2-Intention de nuire, visée criminelle.







C'est la toute première fois que je découvre cet auteur de talent et à ce qu'il se dit c'est la toute première fois que Dan Chaon écrit un roman aussi sombre.




Je voudrais écrire cette chronique avec beaucoup de légèreté. Il s'avère même que j'ai du mal à la débuter. Je ne sais pas par où commercer ! Voilà la première fois qu'un roman me laisse sans voix et dans ce cas ci sans mots. Enfin deux me trottent dans la tête depuis que j'ai fermé ce roman : glaçant et psychédélique.




Allez, 1…2…3… je me lance !




Dustin, héros principal malgré lui, embringué dans sa propre vie irréelle et réelle. Petit génie malveillant et/ou sorcier es en tour de magie, Dustin enfant vit dans un monde où tout semble possible selon lui. Imagination fertile et envahissante, son lui évolue dans un monde attaché à une réalité aussi fictive que vraie. Dustin est vraisemblablement niais, manipulable, modelable à souhait. Une enfant inoffensif, proie idéale pour toutes personnes malfaisantes de son entourage. Ce dernier est composé de parents aimants, d'un grand frère adopté adepte des théories sataniques (Rusty), d'une tante et d'un oncle mariés et respectivement frère et soeur de ses parents, de deux cousines soeurs jumelles au moeurs libres ( Kate et Wave). Une famille atypique anéantie par la folie humaine. Quatre orphelins, le plus grand condamné à la prison à vie et les trois autres condamnés à vie au deuil et au souvenir.



Dustin a grandit, s'est marié, a deux garçons, est psychologue et continue à vivre d'une certaine façon normalement. Jusqu'au jour où sa normalité est happée par le gouffre de la mort, de l'abandon, de la solitude et de l'inimaginable.




Souvenirs, illusions, passé et réalité s'entrechoquent, bouleversent, interpellent, hantent l'impénétrable inconscience humaine barricadée et ensevelie.



Un résultat subjuguant retraçant un parcours de vie usant, révoltant, dangereux, éprouvant et bouleversant. La passé reprend ses droits sur le présent. Un présent noir, endeuillé, encrouté, fané et pernicieux. Un présent soumis à une nouvelle quête de vérité embarquée par un policier aguerrie.




Dan Chaon est un maître de la manipulation psychologique. Il a su créer une atmosphère oppressante qui évolue sans cesse menant ses personnages vers une possible rédemption. L'auteur tisse sa toile lentement et magnifiquement autour des protagonistes. Les piégeant stratégiquement tour à tour.



L'auteur prend à parti son lecteur dans une sorte de tour infernale, ne lui laissant aucun répit, l'interpellant par des effets de style que je n'ai jusqu'alors jamais vu. Il se joue de toi, t'envoute et joue avec tes sens. Il exacerbe ton sentiment d'insécurité, il t'affole, il t'inflige l'horreur. J'ai vraiment eu cette impression d'appartenir au livre (non pas dans la peau d'un personnage) et que j'avais une place primordiale au coeur de la trame.


Ce roman m'a rendue complétement dingue, c'est peut être la cause de ma difficulté à en parler.



Ce roman est unique, atypique. A découvrir mordicus !



Lien : https://lesmisschocolatinebo..
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« On rencontre sa destinée par les chemins qu'on prend pour l'éviter ». Cette phrase extraite de la fable « L'horoscope » de Jean de la Fontaine placée en exergue du dernier roman de l'Américain Dan Chaon résume la complexité de son projet littéraire.
Dustin Tillman, psycholoque quadragénaire, mène une petite vie tranquille avec son épouse et ses deux fils lorsqu'une nouvelle va bouleverser cette quiétude qui rappelle combien les apparences sont trompeuses. Russell, alias Rusty, son « frère » adopté par ses parents et accusé de les avoir assasinés ainsi que d'autres membres de s
la famille va sortir de prison. Trente ans après les faits. Ce garçon étrange, toxique et cruel a en effet été innocenté. Cet événement va faire ressurgir le passé et souligner combien la mémoire peut être défaillante et déformée, combien nous nous tentons de nous donner le beau rôle, à mentir pour cacher la vérité et, enfin, combien l'innocence de l'enfance est bien un mythe
Parallèlement à la remise en liberté de Rusty, on retrouve des cadavres d'étudiants morts noyés. Aqil, l'un des patients de Dustin et ancien flic, entraîne son thérapeute dans la quête des responsables de ce qu'il pense être des assassinats commis par des satanistes.
De quoi faire perdre les pédales au psy qui ne parvient pas toujours à finir ses phrases (peut-être pour fuir la mort, la fin ?). D'autant plus que son épouse se meurt d'un cancer et que l'un de ses fils sombre dans la drogue.
Roman choral (habilement, Dan Chaon va même jusqu'à scinder certaines pages en colonnes pour donner les différentes versions vécues par ses personnages) qui donne la parole aux différents protagonistes dont les cousines du « héros », des jumelles qui semblent tout droit sorties d'une histoire de Joyce Carol Oates ou de Laura Kasischke, « Une douce lueur de malveillance » est un texte machiavélique et manipulateur aux accents de thriller psychologique qui se joue de la réalité, toujours subjective. du grand art.

Lien : http://papivore.net/litterat..
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Dan Chaon, auteur américain, déjà publié cinq fois par Francis Geffard chez Albin Michel revient cette année avec un roman encensé aux USA et qui devrait connaître pareil plébiscite ici, j'espère, tant il a la couleur des grands romans qu'on n'oublie pas.

« Nous n'arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une. »

Tel pourrait être le mantra de Dustin Tillman, psychologue dans la banlieue de Cleveland. Ce quadragénaire, marié et père de deux adolescents, mène une vie somme toute banale lorsqu'il apprend que son frère adoptif, Rusty, vient d'être libéré de prison. C'est sur son témoignage que, trente ans plus tôt, celui-ci a été condamné à perpétuité pour le meurtre de leurs parents et de deux proches. Maintenant que des tests ADN innocentent son frère, Dustin s'attend au pire.

Au même moment, l'un de ses patients, un policier en congé longue maladie, lui fait part de son obsession pour une étrange affaire : la disparition de plusieurs étudiants des environs retrouvés noyés, y voyant la marque d'un serial killer. Pour échapper à sa vie personnelle, Dustin se laisse peu à peu entraîner dans une enquête périlleuse, au risque de franchir les limites que lui impose son rôle de thérapeute.

Dans un entretien accordé au quotidien le Monde en 2011, Dan Chaon déclarait à propos de son roman “cette vie ou une autre “:

« Je voulais écrire un thriller, tout en même temps qu' explorer les thèmes qui me tiennent à coeur. Pour moi, la plus inquiétante des questions reste : peut-on vraiment connaître quelqu'un ? »

Huit ans après, Dan Chaon en est au même point de ses interrogations tout en tentant, enfin c'est ce qu'il prétend, malicieux, d'écrire à nouveau un thriller. Car en effet, le roman démarre comme un bon vieux polar avec deux intrigues criminelles. Dès les premières pages au son de Black Sabbath est racontée la tragédie des années 80 et le meurtre des parents de Dustin puis très vite le récit alterne avec le présent et une enquête officieuse sur un supposé serial killer avec, en fond sonore, le premier album de Modest Mouse, parfait pour illustrer le désarroi ambiant.

Puis, Dan Chaon passe à un tout autre genre de roman, très loin du factuel, même si bien sûr tout est étroitement lié et parfois de manière très fine, discrète, innocente, alors que rien n'est innocent chez Chaon, chaque détail parait millimétré. Partant de la rencontre entre Dustin et celle qui deviendra son épouse puis la mère de ses enfants, nous est racontée toute la vie de cet homme aujourd'hui complètement perdu par la mort de son épouse et l'innocence de son demi-frère qu'il a contribué à emprisonner et n'arrivant pas non plus à établir de liens avec ses deux fils ados. Dustin est le personnage de cette histoire et Dan Chaon nous fait souvent voyager dans son cerveau, très loin…

Alors, “Une douce lueur de malveillance”, expression qui arrive tôt dans le roman comme un avertissement de la malice de l'auteur qui brouille souvent les cartes, détournant, interrompant son propos, en repartant sur un autre sujet ou nous réexpédiant dans une autre époque tout en nous imposant parfois jusqu' à la torture, une réflexion sur les actes de Dustin bien sûr mais aussi sur le ressenti, sur la vie de Rusty qui a passé 30 ans de sa vie derrière les barreaux alors qu'il était innocent. Dan Chaon est vraiment le maître du jeu et il impose son rythme de lecture nous harcelant, incitant à l'interrogation, créant le doute et par-dessus tout un malaise bien tangible, omniprésent. Effarante narration. Dans un style qui ne brille pas particulièrement tout en s'avérant proche de l'exhaustivité, Chaon arrive à imposer questions, doutes, sentiments, remettant en cause les personnalités que le lecteur a pu bâtir partiellement au fur et à mesure de sa lecture.

La drogue, les médias, les légendes urbaines, la pensée main Stream, sont aussi citées, expliquées pour élargir la connaissance des deux affaires, montrant leur influence sur la perception d'un événement, sur la valeur d'un témoignage, sur la “vérité” qu'on peut bâtir, sur les souvenirs qu'on se crée, sur les moments qu'on veut oublier. Comment se crée notre conscience ? Quelle est la part de l'inconscient ?

La citation de Lynda Barry: “L'avenir est immobile le passé mouvant.”présente dans le roman est un judicieux résumé du périple dans l'inconscient individuel mais aussi collectif proposé magistralement par Dan Chaon aux lecteurs patients: le voyage est long, exigeant, périlleux, parfois fastidieux et imposant une totale immersion mais il vous porte très haut, très loin…

Vertigineux, trouble, dérangeant jusqu'au malaise, la grande classe !
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Bon, on va pas y aller par quatre lupanards, Chaon a écrit un des romans les plus opaques, noirs et tortueux que j'ai lu (j'en ai peut-être pas lu beaucoup remarquez, ma parole est sujette à caution) (et c'est la meuf qui a lu Corrosion qui parle hein). On entend souvent le terme « thriller psychologique » un peu partout et je crois qu'on peut dire aisément que Chaon renvoie dans le décor ce terme galvanisé avec un kick du pied gauche de Chuck Norris.

Parce que psychologique c'est ce qui détermine TOUT le roman.

PS : avant de continuer, ce livre est génial. Voilà.
J'vous cite quelques lignes du roman (présentes dans le résumé de quatrième de couv') :

Nous n'arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une.

Ça, mes cocos, ça résume parfaitement ce que le roman tente d'explorer : finalement qui sommes-nous réellement si ce n'est qu'une accumulation d'événements dont nous en avons tiré une projection de nous-mêmes déformés et précaires ?

Et c'est ce qui va déterminer la façon dont le récit complexe, avec flashback et plusieurs niveau de narration, va s'articuler autour d'un événement du passé et ce qu'il se passe maintenant avec la disparition de jeunes adultes et les problèmes personnels des personnages. D'autant que les personnages justement que nous offrent Chaon sont particulièrement…

spéciaux
(ou zinzins c'est comme vous préférez)
Dustin est complètement à l'ouest depuis un drame familial (pas celui de son enfance, un tout nouveau qui arrive au tout début de roman) (ce pauvre homme a une chance de cocu) et perd aisément les pédales ; un de ses fils est accro à l'héroïne, l'autre fuit la famille du mieux qu'il peut ; Ariq le patient, on se demande toujours c'est quoi son problème pour avoir été viré de la police ; et Rusty, le frère adoptif qui revient à la vie civile après avoir passé 30 années en prison pour rien, on se demande également ce qu'il compte réellement faire à Dustin.

Si vous commencez à vous dire que ce roman est marteau,

vous avez raison.
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C'est même sacrément tortueux car si je relis mes notes (j'ai du coucher sur papier mes impressions au fur et à mesure de ma lecture, ce que je ne fais JAMAIS) c'te lecture ça a été un poil cotin-coton. Parce que ce que je ne savais pas, découvrant la papatte de Chaon pour la première fois, c'est qu'on a affaire ici à :

un récit corsé
une écriture corsée
Du coup, je me suis fait pas mal de noeuds au cerveau car au début je comprenais pas vraiment ce qu'il se passait.

tenor

Et c'est le but mes petits agneaux. Les pistes sont brouillées et si vous pouvez deviner la fin, je vous offrirai une petite médaille en cookie.

Déjà, l'enquête de Dustin et Ariq est plutôt chelou, car l'auteur a fait en sorte que les deux personnages, tapés du ciboulot, ne soient crédibles ni envers les forces de police ni envers le lecteur (moi, toi, vous, nous). du coup, on s'dit : « Mais à quoi ça sert ? Êtes-vous seulement sûrs et certains que ces jeunes hommes ont été tués ? Parce que les gars, vous commencez à me faire peur là… » Même si ce n'est pas la partie que j'ai préféré, cette partie-là va prendre tout son sens à un certain moment, les pièces de l'immense puzzle que l'auteur a éparpillé se mettant doucement en place.

Là où on reprend le chemin de la « normalité » et du récit « traditionnel » (parce que je vais vous parler de l'écriture dans un instant, vous allez voir, ça va être sympa ça aussi) c'est quand l'auteur nous entraîne dans le récit du passé, avant et après le massacre de la famille dans les années 80 et les conséquences sur les enfants qui ont survécu, Dustin et ses cousines. Et là, on est bien. AH oui qu'on est bien. Les caractères sont décrits de telle manière qu'on se retrouve à penser que tout ce beau monde est sacrément tordu au final. TOUS autant qu'ils sont. Et du coup, on commence à comprendre Dustin (personnage plutôt nébuleux) et dont la fragilité psychologique s'expliquerait (s'il y a explications…) peut-être dans son passé.

Moi, vous me connaissez, j'étais dans mes petits souliers. le niveau de kiffage était grandement atteint.

Mais parlons écriture deux sec'
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La narration fait des loopings niveau Grand Huit de DisneyLand Paris. Parce que c'est bien mignon d'avoir un récit à deux temporalités, avec tout ce que ça implique de retours en arrière, et des changements de focalisation régulièrement, mais ça ne suffisait pas à Dan Chaon NON MADAME.

Un moment donné, sans t'y attendre, tu te retrouves avec ça :

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Des grands cadres avec des petites colonnes. Et chaque colonne, mes enfants, c'est un récit différent fait par plusieurs narrateurs qui se chevauchent.

Yep.
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J'ai pas tout tout pané malheureusement et j'ai du mal à voir la signification de tout ça. Il me semble que ça a voir avec la psychologie et la fragmentation de l'esprit que découpent en petites cases certaines personnes pour oublier, nier des événements, ou tout simplement gérer les émotions.

Et c'est là que je me dis que j'aimerais bien le relire ce roman, car les niveaux de lecture sont tels que j'ai certainement manqué deux trois petites choses.
Autre spécificité, que j'ai trouvé assez géniale personnellement, c'est quand un personnage qui est en focalisation interne ne réapparaît plus dans l'histoire (c'est à dire, un personnage que l'on suit à la première personne du singulier et auquel on a accès aux pensées intérieures), pour une raison X ou Y, son récit, ce qui le concerne et toutes les questions qui vont avec, s'arrêtent.

Exemple au hasard (sans rapport avec le roman) : Martin a perdu son chien. Où est-il ? S'est-il sauvé, a-t-il été enlevé ? Si Martin ne réapparaît plus dans le récit parce qu'il s'est fait renverser par une voiture par exemple et qu'il en est mort, le lecteur ne saura jamais ce qui est arrivé au chien.

Ainsi, ne vous attendez pas à ce que ce roman vous donne toutes les réponses sur un plateau d'argent, (c'est pas le genre de la maison, chuchote Chaon). Car arrivés à la fin, même si vous comprenez enfin ce que ce mic-mac a de cohérent et que les fils principaux ont été reliés ensemble, quelques questions resteront en suspens, créant par là une montée de tension (et parfois d'horreur) très bien amenée.

Si vous voulez, j'ai terminé le roman avec cette tête-là :

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Concluons mes bons
Malgré sa complexité et les nombreux retournements de cervical façon « Exorciste 1973 » qu'il a causé et même si les débuts n'ont pas été facile, je n'ai eu aucun mal à être happée par l'ambiance poisseuse, glauque et mystérieuse qu'a su créer Dan Chaon avec Une douce lueur de malveillance. Jouant habilement du suspens couplé à la grande fragilité psychologique de ses personnages, puis par le style original de Chaon (que j'ai franchement adoré) le roman mêle à la fois le côté thriller page-turner et le roman noir tortueux dans la grande veine des écrivains américains du moment. Et ce, avec un grand talent de brodeur qui coud une toile d'araignée aux multiples ramifications et aux pièges acérés.

Coup de coeur. Tout simplement.
Lien : https://leslecturesdumonstre..
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Un de mes amis me disait il y a peu "j'aime quand c'est américain et quand c'est gros" puis de se hâter de me préciser "en littérature hein, en littérature !"

Nul doute qu'il sera ravi en lisant le livre de Dan Chaon. le masterpiece de cette rentrée littéraire. Un chef d'oeuvre qui ira bien au delà de l'automne 2018.

Il ne fait pas bon d'être dans la tête de Dustin Tillman. La plongée dans la psyché de cet homme qui croyait s'être tiré sans encombre d'une tragédie familiale atroce s'apparente à un voyage sans retour, une exploration enténébrée de la paranoïa grandissante, galopante, d'un homme brisé.

Multipliant les points de vues et les narrateurs, s'appuyant sur la vague de dénonciations fantaisistes de crimes rituels sataniques dans les USA des années 80, UNE DOUCE LUEUR est une mécanique démoniaque, un bijou de précision et d'agencement.

Sans oublier une émotion qui vous prend parfois à la gorge... Une vision de la famille qui tient plus de FESTEN que celle gambadant dans la prairie. UNE DOUCE LUEUR DE MALVEILLANCE n'a rien de doux mais est d'une fluidité remarquable alors que l'auteur multiplie les inventions formelles, les phrases inachevées, plusieurs récits se faisant face sur une même page etc. Sans que cela ne nuise à la compréhension, sans que cela n'apparaisse comme une facilité snobinarde...

UNE DOUCE LUEUR nous rappelle que l'esprit est trompeur. Comment en témoigne la tripotée de souvenirs soi disant enfouis dans l'inconscient qui vont resurgir par la grâce de psychologues acharnés, archéologues courageux du subconscient, fouaillant la mémoire tronquée de nombreux patients pour exhumer des viols et autres tortures parfaitement imaginaires causées par des sectes satanistes tout aussi inventées...

Dustin va lui aussi interroger ses souvenirs et ne plus savoir distinguer l'avéré du fantasme... le pouvons-nous ? Savons-nous, nous qui lisons ce livre, si nous arrivons à faire la distinction ?

Dustin le répète souvent à ses patients : « Nous n'arrêtons pas de nous raconter des histoires sur nous-mêmes. Mais nous ne pouvons maîtriser ces histoires. Les événements de notre vie ont une signification parce que nous choisissons de leur en donner une. »

Maîtrisons-nous quoi que ce soit ? Choisissons-nous vraiment ?

Une dernière précision. Si UNE DOUCE LUEUR semble relever du thriller, il n'en adopte pas les codes, les rouages. Si vous escomptez une fin fin propre et carrée, vous risquez d'être désappointé. Vous aurez bien un dénouement, magnifique, mais vous n'aurez pas d'explications définitives même si vous pouvez aisément vous faire votre propre idée sur le comment du pourquoi du comment.

Vertigineux.

Vraiment.
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Roger-Jon Ellory : " **** le silence"

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