Voici une nouvelle masse critique sauvage, pour le premier roman de
Tom Charbit, je suis ravi d'être choisi parmi certains privilégiés pour découvrir Les sirènes d' Es Vedrà et en faire une critique, je remercie Babelio et les éditions du Seuil, c'est toujours agréable d'ouvrir son horizon à des auteurs inconnus et des proses que vous n'avez pas forcément choisies, le pouvoir de la lecture est si magnétique qu'il vous aimante vers des cieux incertains pour toujours enchanter votre curiosité.
Tom Charbit mène une vie de céramiste, s'installe en Ardèche, avant d'avoir enseigné la science politique et la sociologie sur Paris, ce premier roman semble avoir la personnalité intime de l'auteur, son personnage se retrouve isolé dans un village Ardéchois pour une retraite sanitaire et psychologique, son passé s'écoule comme l'itinéraire tumultueux d'un enfant prisonnier des nuits électronique ou coule à flot les Fleurs du mal sans oublier la critique sociétale douce et amère qui l'entoure, avec une certaine touche d'humour.
Le style d'écriture est simple, à la première personne, une prose directe, une langue orale couchée sur une feuille blanche pour une fluidité de la lecture, une littérature un peu simple, presque fainéante, manquant un peu de créativité, mais l'intrigue respire cette expression écrite intime pour oublier la facilité de l'auteur, nous sommes aspiré par la narration et les errements de notre DJ, pour presque s'identifier à lui et ressentir ces émotions diverses qui l'assaillent.
La temporalité du livre oscille entre le présent, celui où Juan Llosa, - Jean de son vrai prénom, Juan étant le prénom de son grand-père d'origine Catalan -, DJ internationale, mixant aux quatre coins du monde, dans les plus grands Clubs depuis vingt ans, se retrouve dans une maison prêté par un ami , dans un petit village d'Ardèche, balayé par le mistral, pour se reposer, il a des acouphènes, des pertes d'audition, un comble pour un DJ. Cette retraite permet à Juan de ne pas oublier sa vie, sa famille, le passé qui resurgit, des rêves l'assaillent, des ébauches de roman s'invitent dans le récit de cet homme, les villageois de leurs histoires vont aussi donner de l'épaisseur à cette vie Ardéchoise,
Tom Charbit entrelace parfaitement ces différentes proses, invitant le lecteur à une multiple lecture ou transpire la vision de l'auteur sur son personnage et la sienne.
Le titre du roman Les sirènes d' Es Vedrà, fait référence à la mythologie grec, celle d'Ulysse et des chants des sirènes, cette légende où Ulysse ne se prive pas de ces chants, préférant s'attacher au mat de son bateau, pour de délecter de cette musique envoutante et mortelle, pendant que ses marins avaient des bouchons de cire dans leurs oreilles,
Tom Charbit fait l'analogie avec Juan, ce DJ devenant presque sourd par passion musicale de son art, ou par faiblesse aussi.
Il y a une critique sociale de notre société qui sommeille dans ce roman, en sourdine l'agriculture et ces lobbys ou
Gisèle Bienne la dénonce dans son magnifique livre
La malchimie,
Michel Houellebecq dans
Sérotonine aussi, la vie artificielle urbaine s'étouffe dans le vénale, l'argent prédomine au profit de l'humain que notre personnage principal prend conscience dans la communauté rurale qu'il côtoie timidement au début, maladroitement au supermarché du village, dans le café ensuite où la langue se dilue sous les tournées successives, chacun raconte l'histoire du village, celle de l'Ardèche, son côté historique de résistance, un passage amusant et ludique, surement caricaturale mais qui définit bien une région en rébellion, hors du temps du libérale, une vie fraternelle où l'humain est au coeur, cette joie naturelle de rencontrer l'autre ! Cette résistance contre le gaz de schiste embarque Juan dans une histoire Ardéchoise, semblable à l'histoire de cette région, la lutte contre l'exploitation de cette terre sauvage et hostile à toute intrusion étrangère.
Tom Charbit à travers ses personnages narrent un Paris, qui se meurt dans une bourgeoisie aisée qui eux seul peuvent y loger, les classes populaires la désertent en s'éloignant du coeur de la ville, pour sa banlieue de plus en plus éloignée, la diversité des quartiers s'estompent pour une vitrine galvaudée, d'ailleurs Juan parle d'une ville de cinglés, sans oublier cette notion de fête qui prime par l'argent investit que par le plaisir d'être ensemble, au contraire des habitants du village où réside notre D.J en convalescence, notre auteur brosse un portrait amère de notre société et se laisse envahir par la vie rurale, de l'Ardèche, son paysage aride, vestige de hautes montagnes érodées par le temps, ces anciens volcans, les cigales, le mistral, et cette douceur de vivre, de ce « paysage tranquille et apaisé préservé des horreurs et de la violence du monde »
Ce roman est un comme un torrent qui coule dans ce paysage Ardéchois, Juan va au fil des eaux subir les courants contraires, les chutes et les calmes plats d'une eau verte et limpide, nous nous laissons emportés par les flots qui souvent ont beaucoup de remous, je vous laisse découvrir l'histoire de cet homme et des ces amours contrariés.