Plus Dalí se produisait en public, plus il se cachait. Ses masques devenaient de plus en plus grands et sublimes : il s’appelait lui même « génie » et « divin ». L’homme Dalí qui se dissimulait derrière restera à jamais un secret. « Je ne sais jamais quand je commence à simuler ou quand je dis la vérité », expliqua-t-il dans un entretien avec Alain Bosquet en 1966. « En tout cas, le public ne doit pas savoir si je plaisante ou si je suis sérieux ; et je ne dois pas le savoir moi-même. »
Par ailleurs, Dalí reprochait à ses parents de lui avoir donné le prénom de son frère mort. Or, Gibson découvrit que cela n’était que partiellement vrai. Les deux enfants reçurent comme prénom celui du père mais également deux autres prénoms : l’aîné fut baptisé Salvador Galo Anselmo, le benjamin Salvador Felipe Jacinto.
Dalí affirme avoir peint ses premières peintures à l’huile assis dans le baquet. Néanmoins, ses plus anciens travaux conservés datent de 1914. Ce sont des aquarelles de petit format et des études de paysages de la région de Figueras. Il existe également des tableaux à l’huile peints par Dalí à l’âge de onze ans ; ce sont pour la plupart des copies de chefs-d’oeuvre qu’il trouvait dans la riche collection de livres d’art de son père, surtout dans les Gowan’s Art Books. Salvador passait de nombreuses heures à contempler les reproductions ; les nus de Rubens et d’Ingres l’attiraient tout particulièrement.
Dalí avait avec son père une toute autre relation qu’avec sa mère – cette dernière l’aimait sans limite et l’idolâtrait. Salvador Dalí y Cusi était notaire à Figueras, ville de marché catalane située près de la frontière franco-espagnole. Ses ancêtres étaient des paysans qui s’installèrent au milieu du XVIe siècle dans la région de Figueras. Dalí prétend que ses ancêtres étaient des musulmans convertis au christianisme. Son nom de famille, inhabituel en Espagne, dérive du mot catalan adalil, qui lui-même vient de l’arabe signifiant approximativement chef.
Afin de me débarrasser de mon frère mort, je devais jouer au génie en me persuadant à chaque minute que je n’étais pas l’autre, que je n’étais pas mort. J’étais ainsi obligé d’exécuter toutes sortes de choses excentriques.