Si tu pensais un peu plus à ton boulot et un peu moins à tes pouffiasses, tu t’en porterais un peu mieux.
Les gangs qui font faillite, c’est plus souvent à cause d’une greluche que de la flicaille.
M’man Grisson était énorme, obèse, adipeuses. Des bajoues pendaient de chaque côté de son menton. Elle avait les cheveux teintés d’un noir agressif, frisottés et ternes, et ses petits yeux brillaient : on aurait dit des éclats de verre inexpressifs. Toute une bijouterie de pacotille scintillait sur son opulente poitrine avachie. Elle était vêtue d’une robe sale en dentelle crème. Ses bras de débardeur, striés de veines et comprimés par les mailles de la dentelle, ressemblaient à des boudins de pâte passés au laminoir. Sa force physique valait celle d’un homme. C’était une vieille femme hideuse, et tous les membres du gang, Slim compris, tremblaient devant elle.
- Tu penses qu’à ça… Les femmes !
- À quoi tu voudrais que je pense ? demande Eddie. Les femmes et le pognon, c’est ce qui fait tourner le monde.
- Grouillez-vous, sinon vous dérouillez, tonna-t-il.
Bailey renifla d’un air de mépris: « Dès que les gens ont du pognon, songea-t-il amèrement, ils se conduisent comme des cochons. »
Bailey n’avait d’yeux que pour Miss Blandish. Sa vue lui coupa le souffle. Jamais il n’avait vu une fille aussi belle. Elle ne ressemblait à aucune de celles qui le connaissait. Elle avait tout ce qu’elles avaient, et un tas de choses en plus.
S’ils s’y prenaient bien, c’était la fortune !
- Blandish? Qui c’est ?
- D’où tu sors? dit Heinie d’un air dégoûté. Blandish est un des types les plus bourrés des Etats-Unis. Paraît qu’il vaut cent millions de dollars.
Bailey planta rageusement sa fourchette dans son jaune d’œuf.
- Et moi des dollars, j’en vaux cinq, aboya-y-il. C’est la vie ! Pourquoi il s’intéresse à lui, ton canard ?
- Pas à lui. A sa fille. Tu l’as déjà vue ? Quel morceau ! Je donnerais dix ans de ma vie pour l’enviander.
« Si Riley n’accouche pas rapidement d’une idée, pensait-il, on va être forcés de braquer une banque. »