Le lendemain est triste comme une fête annulée.
Elle ferme les yeux, savourant la brise chaude qui fait voleter sa robe et apporte de délicieux parfums d'algue, de chèvrefeuille, de lanoline. Ils lui rappellent les étés de son enfance, les promenades dans la campagne où elle cueillait de la laine de mouton brute sur les barbelés, qu'elle cachait à sa mère en les fourrant dans la poche de son anorak.
J'adore la serrer dans mes bras - elle est plus potelée que jamais avec tous les bonbons qu'elle mange pour se consoler.
Par chance, Toby a récupéré un pot de Bovril dans la poubelle, et je l'ai caché dans le tiroir de mes culottes. En dévissant le couvercle, j'ai senti l'odeur des sandwichs que je mangeais avec maman le samedi, les matins de bonheur et de paresse. La fille que j'étais alors, sûre d'elle, confiante, pleine de certitudes, est quelque part dans ce pot de pâte visqueuse d'un noir d'encre.
Il se gare et on s'assied sur le banc au bord de la falaise, regardant les taches vertes et mauves ondoyer lentement sous l'océan, telles des baleines en eau profonde.
Je sais à quoi m'attendre. Je suis déjà venue ici pour d'autres enterrements. Ils sont, d'une certaine façon, tous pareils - des mariages à l'envers.
Alors que Peggy est douce, ronde et de plus en plus grosse, Bartlett, très mince et voûtée, à l'air d'une cuillère à soupe recourbée.
Il est si rare qu'il parle directement de maman que son nom aspire tout l'air de la pièce. Même lui paraît stupéfait. C'est ainsi qu'elle nous manque à présent, moins par une tristesse sans fond que par des sentiments aigus qui percent sans crier gare, comme les digitales dans les bois.
Allons... ne t'inquiète pas pour moi, Amber, dit maman en lissant doucement mon front avec son pouce. Les enfants ne doivent jamais se tourmenter pour leurs parents. S'inquiéter, c'est le travail des mères. Ton tour viendra pour tout ça.
« Je pense à la façon dont maman m’a dit, à Londres, sur le fauteuil turquoise, avant notre départ : « S’inquiéter, c’est le travail des mères », et j’ai peur d’éclater en mille morceaux. Qui va s’en faire pour nous, à présent? Qui s’occupera de nous? La réponse me frappe comme un coup de poing : ce – sera – moi. »