Ce sont les enfants qui voient Caroline et quelques adultes qui feignent de ne pas remarquer ses apparitions de peur de passer pour des demeurés ou des illuminés. Moi, je n'ai jamais cessé de la voir. (...) Moi qui, depuis toujours, me refuse au plaisir de suivre cette fée sous le prétexte qu'un homme digne de ce nom se doit d'être réel -- quand on connaît l'incommensurable médiocrité camouflée sous ce mot qu'on s'efforce d'auréoler de prestige -- moi qui, chaque automne, dois raisonner mon cœur pour ne pas m'envoler à sa suite vers des climats plus heureux, je sais désormais que cette femme m'attend dans la vraie vie, dans cet Ailleurs où elle se meut avec tant de douceur; je vais cesser, en vieillissant, de résister à tant de séduction, et le jour vient où j'irai vivre enfin au cœur de mon amour, où j'irai vivre enfin au pays dit de la chimère d'où ma naissance sur cette terre m'exile douloureusement.