N'y avait-il pas quelques exemples de pervers absolu qui n'avaient pas nécessairement eu une enfance infernale N N'y avait-il pas quelques-uns de ces démons qui, dès leur plus jeune âge, avaient eu des comportements tendancieux, voire carrément déviants ? Si. Ludivine en avait croisé même. Comme si le Mal était né avec eux, implanté dans leur fibres, se déployant avec chaque muscle, chaque os, chaque parcelle du cortex qui grandissait... Ils étaient rares, mais il existaient, au point d'ouvrir à une autre hypothèse. Après tout, il fallait bien que la cruauté ait émergé de quelque part pour qu'elle commence à se transmettre.
La cruauté est le virus de l'humanité, hautement contagieux, surtout sur les tendres psychés en construction. Elle brise pour mieux s'implanter, à coups de dégâts irréversibles. Elle détruit et remplace, semblable à un programme informatique, sans états d'âme, sans hésitation, implacable. De toute évidence, les traitements inhumains corrompent l'essence de la victime, grattent la coquille fragile de toute matière souple, la curent, la nettoient, et remplacent le vide par ce qu'elle est elle-même: de l'inhumanité. Les monstres naissent dans l'enfance.
À force de devoir poser le regard sur les rides des cadavres, ses yeux s'étaient appesantis du poids de la mort. C'était son diagnostic.
Sauver Chloé c'était se sauver elle. Se prouver que les Chloé du monde pouvaient compter sur des anges-gardiens, et que si, un jour, elle devenait une Chloé, elle ne serait pas seule.
Les détonations ressemblèrent à des injonctions vengeresses. Des mots secs lâchés dans une langue létale, comme des injures.
Passer au tour de l'immortel. Pour que leur lignée perdure. Transgresser la mort. La donner au nom de leur survie génétique. Le jus du grand-père , c'était la clé pour que leur âme à tous reste pure.
L'amour n'a de prises que sur nos anfractuosités, il émerge de nos blessures, rien ne perdure sur une âme lisse.
Il faudrait du temps et de la patience pour retisser pas à pas ses certitudes, sa confiance, ne pas fuir, au contraire, "se penser pour se panser". Elle trouva la formule facile, mais c'était un professionnel, il savait ce qu'il disait, non?
- Comme les oiseaux doivent mourir l'hiver ! Pourtant lorsque viendra le temps des violettes... Nous ne trouverons pas leurs délicats squelettes...
Johnny aimait bien réciter ça lorsqu'il était sur le point d'en finir. Il ignorait pourquoi, juste qu'il aimait entendre ces mots.
Il ouvrit l'armoire et fit coulisser le panneau du fond, pour entrer dans son antre.
- Dans le gazon d'avril ou nous irons courir. Est ce que les oiseaux se cachent pour mourir ? Conclut-il.