Mon second et dernier
Chattam. La lecture du premier (
Le sang du temps) m'avait laissé sceptique, en raison du style en particulier, même si j'avais salué la vive imagination de l'auteur. Mais l'imagination ne fait pas tout. Celui-là m'a ennuyé au bout d'un moment, 630 pages qui s'enroulent un peu sur elles-mêmes pour nous raconter à plusieurs reprises peu ou prou la même chose.
Disons aussi que ce roman, écrit peu après les attentats du Bataclan, met en scène le terrorisme islamiste et que je n'ai jamais aimé les auteurs qui surfaient sur l'actualité (surtout quand elle est aussi horrible que celle-là). Il s'en défend dans une postface/remerciements, mais d'une manière qui me fait douter de sa sincérité et où son ton, mélange de prétention et de mièvrerie convenue, m'a aussi beaucoup agacé (Il ne se prend pas pour un écrivaillon, le monsieur…). Bon, bref, vous l'avez compris,
Chattam ne va pas rester sur les rayons de ma bibliothèque qui a besoin de place.
Le style a cependant un peu évolué. Il est moins lourd (voir les exemples que j'avais donnés pour
le sang du temps). Mais il en reste néanmoins des séquelles (de cette lourdeur) qui ressurgissent soudain au détour d'une page. Je vous en livre un petit exemple (pour vous détendre) :
« La voix de Morrissey envahissait le vaste salon d'une douceur enivrante, ricochant sur les colonnes d'acier brun, se répercutant sur le fer forgé de l'escalier, glissant sur le parquet avant d'être bue par les épais tapis »
Ben vrai…
Parfois, on rit (enfin, moi, en tout cas), comme ici :
« L'Audi s'engouffra dans un tunnel et, dans la pénombre, le regard de Marc Tallec sur Ludivine prit un pâle éclat trouble mais pourtant diaboliquement incisif »
Profitons-en pour dire que Marc (l'homme dont le regard prend un pâle éclat trouble mais pourtant diaboliquement incisif dans la pénombre des tunnels) et Ludivine (notre blanche colombe qui a beaucoup souffert) sont nos deux flics, opposés au départ, on a imposé l'un à l'autre (un grand classique mille fois vus dans les téléfilms policiers de France 2 ou de France 3), mais qui vont finir par coucher ensemble (quelle surprise !). Elle en est toute esbaudie notre Ludivine et, séduite par le beau Marc (qui a le physique et la personnalité d'un héros de sitcom), son âme de midinette prend alors le dessus, et elle se demande si (enfin) ce ne serait pas le bon. Ses pensées s'approchent alors dangereusement du mariage, des couches bébé et autres babygros.
Par ailleurs, j'ai trouvé l'histoire mal construite. Dans les premières pages, l'héroïne est prisonnière d'un dangereux psychopathe et le roman se déroule ensuite sur le mode du flash-back pour nous révéler comment elle en est arrivée là. C'est assez classique, mais ça fonctionne. Mais, finalement, sa délivrance, au lieu d'être le point d'orgue du roman (ce qui aurait dû être), n'en est qu'un épisode presque anodin, banal, et le roman repart pour 200 ou 300 pages. C'est à partir de là, je crois, que j'ai commencé sérieusement à trouver le temps long.
Dernier écueil, le twist final. On pense que le roman se termine sur une note à visée éducative (à l'attention du lecteur) puisqu'un héros ordinaire, émigré et musulman, sauve Paris d'un effroyable attentat. Las, le twist final fout tout par terre et on découvre la ruse machiavélique (et absurde…) de ce faux héros ordinaire, mais vrai terroriste musulman. Pas de visée éducative au final, donc, mais une sorte de « il faut se méfier de tous » qui semble le point final du roman. Malgré un discours d'instituteur qui, ici et là, nous explique qu'il y a les bons et les mauvais musulmans (les modérés et les terroristes), la fin imprime un peu le cerveau dans un sens différent. Un peu douteuse, l'idéologie profonde de notre
Chattam.