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sur 407 notes
« Que peut-il bien rester de si nu dans ce corps au sexe voilé ? » C'est cela, le mystère Botticelli ! On nous a enseigné à l'école que, par rapport au Moyen Âge, la Renaissance tombe en extase devant la beauté du corps humain. Il faut lire cet ouvrage pour se rendre compte de la dimension de cette extase !
« le rêve Botticelli » m'a permis de concilier tant de contradictions, de contre-courants intimes, d'amours, par sa générosité. Il m'a parlé d'abondance de coeur. Il enhardit, attendrit, exalte. C'est l'amour dans toutes ses expressions et tous ses envols. Jamais peindre sans désir ! Et oui, il n'y a pas d'art sans amour dans les doigts, dans les veines !
Les génies, leur bonheur, leur plaisir, leurs doutes, leur désespoir, leur sentiment d'être maudit puis leur renaissance miraculeuse, tout semble plus fort que chez le commun des mortels. Quel coeur sensible, ce Botticelli ! Son humanité touche profondément, bouleverse. Son enfance démuni, son refuge après des chats, ses espoirs frêles, ses faiblesses, ses limites aussi. « Ses lignes comme un garde-fou ». Il travaille, Dante l'accompagne, il n'a pas d'autre vie que l'art, condamné à se boucher les oreilles, et pourtant il arrive à trouver son art vain… Mais il continue, il peint pour des fous !
Les personnes qui gravitent autour de lui sont l'une plus complexe que l'autre, elles sont toutes rendues sans pudibonderie. Ici, la nudité, sans être chaste, est totale, elle est transcendée. Aussi bien du point de vue du nu artistique que de la nudité d'âme qui se révèle dans toute sa vérité. C'est le sexe de l'artiste gonflé de plaisir et gonflé de larmes. « Tout ça pour quelques instants de grâce ! »
Le livre nous brosse le portrait de Léonard de Vinci, être universel pour Botticelli, « collé sur sa rétine », lui manquant cruellement, à la fois sa pierre de touche dans l'art, son rival dans sa vie amoureuse, son double en ce qui concerne leur amour absolu des animaux et leur végétarisme affecté. Léonard aime les oiseaux, ouvre les cages, Botticelli, ses félins sauvages. Il y a même quelque chose de sensuel dans l'admiration de Botticelli pour l'artiste polymathe. Il y a même du grand Léonard dans son Augustin !
Un imbroglio diabolique lie Botticelli avec la famille Lippi. Pipo, son premier amour, ce papillon insatiable que Botticelli ne cesse jamais d'aimer, et qui sera son élève le plus éminent : Filippino Lippi. Sandra, une ange de beauté, ange délurée, puis ange de chagrin. Lucrezia Lippi, la veuve de son maître, Fra Filippo Lippi, Femme que Botticelli vénère, c'est sa Madone, sa Sainte Vierge, et elle l'aime comme un fils.
Botticelli reste fidèle à toutes ses amours, il les garde toutes, serait-ce la raison de ses souffrances mystérieuses !? D'où peut-être cette beauté affectée d'une peine légère que les critiques d'art ont nommée « morbidezza ».
Il y a aussi les Grandi, les mécènes, les Médicis, protecteurs des arts, et les modèles de Botticelli, Simonetta qu'il aime comme une soeur, la chatte Lupa...
J'ajoute , comme un leitmotiv, qu'il me faut infailliblement une motivation souterraine pour aborder une oeuvre, un livre en l'occurrence. Celui-ci a capté mon attention dans le kiosque aux livres du parc des Poètes bien qu'il soit tout jaune de dégoulinades inconnues. Je me suis souvenu d'emblée qu'un être cher m'avait chuchoté que, de toutes les représentations de Vénus, indépendamment des matériaux choisis, sa préférée était celle de Botticelli ! Faut-il ajouter que ça remonte à l'aurore de ma vie pour que je ne l'oublie pas ? D'un autre côté, j'ai cette mémoire de Florence, de ses étalages de maroquinerie, de ses calèches de promenade, de la musette de foin fixée contre la poitrine des chevaux, de mes visites de la Galerie des Offices, du palais Pitti, du Palazzo Vecchio, du palais Strozzi, de mes vertiges devant les fresques dans les églises (quand elles n'étaient pas en restauration ! ) … Je me souviens des basiliques, des cathédrales, des ponts traversés, du dôme de Santa Maria del Fiore, mais aussi des jardins, des fontaines, d'une belle colline avec une vue splendide ! Même si ma chambre n'était pas avec vue sur Arno. Car le film de James Ivory "Chambre avec vue", c'est encore une autre allégorie de Florence !
Botticelli, fils de tanneur et inventeur de couleurs, il a son bleu fragile et timide, son vert d'olivier, son rouge cerise inimitable. le roman est sublime de ses descriptions de l'atelier, « la bottega », des mélanges de teintes, de ses interprétations profondes des tableaux si novateurs, de son apothéose de la nature qui est toujours l'écho des sentiments des héros. Quand Botticelli peint en plein air, il y a de quoi penser à Giverny de Monet, tellement son oeil s'y aiguillonne, et c'est un Carnaval de Printemps ! On y découvre toute une symbolique des détails des toiles célèbres. On apprend que Botticelli sait se comporter en styliste raffiné jusqu'aux coiffures, robes, bijoux et chaussures !
L'écriture de Sophie Chauveau, c'est une écriture ingénieuse où il y a de l'esprit, des jeux de mots, « fresques et frasques », mais c'est l'émotion et l'acuité de son regard qui mènent. Pour résumer l'ambiance du livre, je dirais qu'elle est érotisée de fond en comble. « C'est un ballet qu'on suspend quand la danseuse a la jambe le plus haut levée » ! Cependant on y trouve des caresses mystiques. C'est une conception de l'art où tout peut glisser vers l'orgie et la débauche sans le faire et où je me sens si bien.
Puis le climat change, comme si la peine venait toujours après la joie. La peste-la Visiteuse, la dictature religieuse de Savonarole, la milice d'enfants embrigadés, le bûcher s'abattent sur Florence. le Beau est pourchassé jusqu'à l'obligation de mettre à l'abri des toiles les plus « impies ». Les corps sont mutilés, surtout les mains créatrices, les poètes, les philosophes assassinés, Jean Pic de la Mirandole, Ange Politien… Botticelli évolue, aussi bien sa mélancolie coutumière que ses amis courtois et noceurs. Tout se transforme, devient plus grave. Des larmes de retrouvailles, des révélations, des pertes atroces de proches, que d'épreuves pour un fragile bonheur, un sentiment inconditionnel à la fin ! « Les ceps de vignes, les longs cyprès étirés, sertissent son univers de lignes épaisses ou fines, mais toutes tracées par un pinceau trempé dans l'absolu. »
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Coup de coeur. J' ai A DO RÉ !!!
Ce roman nous emporte à Florence à la fin du XV ème siècle où l'on côtoie tous les grands noms : F Lippi, la famille Medicis, Léonard de Vinci, S. Vespucci, Pic de la Mirandole, Michelangelo, Savonarole... et bien sûr Botticelli.
Nous assistons au début de la Renaissance avec nombre de détails qui nous ravissent et nous plongeons dans l'histoire mouvementée de cette époque avec Savonarole.
J'ai lu ce roman avec mon ordinateur à proximité afin de visualiser à chaque fois les oeuvres dont il est question. ( c'est vraiment un plus !)
La vie de Botticelli m'a émue et je vais, c'est sûr, regarder ses oeuvres avec un autre oeil,.
Botticellli est un peintre d'une grande sensibilité avec une belle âme mais une âme torturée. C'est un homme blessé, aimé, haï mais que , à travers ce livre, nous ne pouvons qu'aimer !
Une chose de sûre, il faut que je programme un petit séjour à Florence pour rendre hommage à ce grand peintre !!!
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Un roman biographique dense, long, très long, j'ai cru n'en pas voir la fin.
Mais quel plaisir j'y ai pris !
La vie de Botticelli sous le règne des Médicis, puis de Savonarol, est passée au scalpel et fourmille de renseignements sur cette époque où Florence était le lieu privilégié des grands peintres.
Botticelli était le plus reconnu de cette époque. Homosexuel, mélancolique, entouré de ses dizaines de chats, il voua pourtant un très grand amour à Sandra Lippi, la fille du maître qui l'initia à la peinture. Sandra fut le modèle de nombre de ses tableaux. Une grande et profonde amitié le liait à Léonard de Vinci.
J'ai l'impression de revenir de loin après cette plongée dans le quinzième siècle, et je ne manquerai pas de lire « La passion Lippi » et tant pis si ça se passait avant.
Sophie Chauveau a fourni un travail incroyable pour rendre aussi vivantes et vraisemblables l'ambiance de cette époque et la personnalité de Botticelli qu'elle rend très humain et attachant.
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Pourrais-je faire mieux comme analyse que l'excellente critique de Frédérique du Club du roman historique qui sait parfaitement de quoi elle parle dans ce genre de livre.

Tous les livres de Sophie Chauveau sur la peinture sont une magistrale démonstration biographique sur les grands peintres. La vie, l'époque et l'oeuvre des artistes sont décrits dans un foisonnement romantique qui fait souvent hésiter le lecteur entre la réalité et la fiction. On y rencontre les grands noms qui ont croisé les chemins du peintre : Laurent de Médicis, Filippo et Filippino Lippi, Léonard de Vinci, Savonarole.

Je pensais que certaines grandes oeuvres comme « La naissance de Vénus », entre autres, seraient montrées dans l'effervescence créatrice de l'artiste. Non ! Je n'ai trouvé que des scènes amoureuses : « Elle y sera absolument nue, comme on ne l'a encore jamais été sur un tableau. Seuls ses cheveux la voileront par endroits. Souvent Sandro vient à elle ajuster une mèche, rectifier le bras de son modèle, redonner à ses boucles leur mouvement. C'est là que le désir fou de Sandra reprend vie. Chaque fois que, pour des raisons techniques, Botticelli l'effleure, elle meurt d'envie de lui voler un baiser. »
Cette scène est jolie mais la peinture n'existe pas.
Par contre, le sexe est présent constamment, trop souvent, et très cru, pour pimenter les nombreuses rencontres de Botticelli que l'auteure se complet à décrire avec une grande précision.

Le style artistique est peu abordé comme souvent dans ce genre de roman où l'aventure historique représente l'essentiel du livre.

Vous aurez compris que je ne suis pas un fan de ces livres sur la peinture dont on ne parle pas, même si on ne s'ennuie pas une seconde.


Lien : http://www.httpsilartetaitco..
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Je ne sais,à la fin de ma lecture si ce roman est un hymme à l'amour,à la peinture ou à Florence.S.CHAUVEAU nous offre en tout cas un récit palpitant où l'émotion est maîtresse ce qui est en soi un hommage à Botticeli puisqu'il initie l'audace "d'exprimer les plus intimes sensations,les plus intenses boulversements...plus seulement le bon,le beau,le pédagogique, mais l'effroi,l'horreur,le pire,le plus grouillant des tréfonds de l'âme humaine..."
Cette palette d'émotions est immense dans la Florence de la Rennaissance:
Des beautés saisissantes qui naissent sous les doigts de Botticelli,Michel l'Ange, Léonardo,Pipo, des esprits raffinés et brillants de Policien,Pic de la Mirandolle,Lucrezia,Sandra...mais aussi les explosions de violence engendrées par le fanatisme de Savonarole, on côtoie aussi bien le merveilleux que l'horreur.Ce roman ne laisse aucune place à l'ennui et j'ai tourné la dernière page avec un peu de la mélancolie de Botticelli car je me suis attachée sans y prendre garde à ce monde de sensibilité exacerbée.Si j'ai été un peu contrariée à un moment de ma lecture par la place prépondérante que prenaient les intrigues amoureuses de Botticelli, Pipo et Lorenzo, l'effervescence de Florence et sa passion pour l'Art m'ont fait oublié cet instant d'insatisfaction...
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Sophie Chauveau et son style excellent
nous conte la vie de Boticelli
un immense peintre adoré par les Florentins
au XVe siècle
ses amours avec des hommes comme c'était le
cas à cette époque en Italie
et peut-être un immense amour pour sa filleule ?
malgré les horreurs de cette période,
si vous le lisez vous allez passer ce moment très
spécial avec Boticelli
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Rare sont les peintres des siècles passés qui ont connu la notoriété de leur vivant. Botticelli est de ceux-là. Fallait-il que son génie fût évident pour que ses compatriotes expriment un tel engouement pour son art.

Avec cet ouvrage magnifique, Sophie Chauveau nous accompagne dans une découverte documentée et bienveillante de cet artiste exceptionnel, de son oeuvre et de son époque, sous le règne des Medicis dans la Florence du quattrocento. Elle nous fait aimer ses oeuvres en décrivant la ferveur qui entourent leur conception. On n'a de cesse de les découvrir en images et de confirmer l'admiration qu'elles suscitent à juste titre. Internet est pour cela un outil fabuleux. C'est l'apothéose du figuratif en ce sens qu'au-delà du talent de représentation y transparaissent les sentiments qui ont présidé à la naissance de chacune des oeuvres. Les états d'âme de leur créateur y sont décrits au point de nous faire palper son mal-être. Cet ouvrage nous fait percevoir une fois de plus la proximité du génie avec la névrose.

Comme beaucoup d'artiste de génie, Botticelli est un être torturé. La mélancolie est sa plus fidèle compagne. Il ne s'en cache pas. Il a cependant les pieds sur terre. Il analyse avec clairvoyance ce qui préside à son destin dans cette ville où la violence est souvent au rendez-vous, y compris envers lui. Ne terminera t'il pas sa vie infirme des suites d'une agression, sans toutefois ne jamais se lamenter de son sort.
C'est un homme d'une grande sensibilité que la férocité de son époque révulse. Il est au bord de la nausée lorsque lui est imposé le spectacle du supplice de Savonarole, fût-il appliqué à son ennemi. A la nature humaine, il préfère la nature animale moins soumise aux arrières pensées.

Il est intéressant, dans cet ouvrage, de voir l'homosexualité masculine dépeinte par une femme. Elle lui rend cette prévenance, ce sentimentalisme, que lui ont fait perdre la condamnation des autorités de conscience et les moqueries du viril.
Leonard de Vinci, Pic de la Mirandole, Laurent de Médicis, Savonarole, Vespucci et dans une moindre mesure le rébarbatif Michel-Ange, sont autant de grandes figures qui peuplent l'environnement de Sandro di Mariano Filipepi dit Botticelli. Ils lui témoignent admiration et estime, lui qui en a si peu pour sa propre personne. Une touche d'humanité est rendue à cet être complexe lorsque, sur le tard, il fait connaissance avec son fils déjà adolescent.

C'est un bel ouvrage que cette biographie qui ne porte pas son nom. La mort de l'artiste n'y est d'ailleurs pas évoquée. Comme pour illustrer l'immortalité de son oeuvre.


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La periode pour lire cette biographie romancée n'était pas propice pour moi, j'en sors avec une sorte d'indigestion tellement ce roman regorge d'informations artistiques et historiques concernant Boticelli et ses acolytes au XVe siècle à Florence.
Certes, les émotions étaient exacerbées les intrigues amoureuses bien développées, les passions ont été retranscrites comme le moindre petit détail sur une toile de peinture mais j'ai trouvé ça long, très long à démarrer et cela m'a un peu freinée dans mon élan de curiosité face à cette lecture.
J'ai donc posé mon livre et à la reprise la petite étincelle ne s'est pas ravivée comme je l'aurais souhaité.
Je suis donc un peu mitigée face à ce flot d'éléments qui ont peut-être alourdi la teneur de ce livre et cela m'a plus fait songer à un documentaire qu'à une biographie romancée.
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Deuxième volet de sa trilogie "Le siècle de Florence", le Rêve Botticelli retrace le parcours intime et artistique de Alessandro di Mariano di Vanni Filipepi, dit Sandro Botticelli (1445-1510).

L'ÉLÈVE DE FILIPPO LIPPI
Après avoir consacré le premier volume de sa série à Filippo Lippi (La Passion Lippi), Sophie Chauveau poursuit son hommage aux artistes florentins de la Renaissance qui ont conquis leur liberté, passant du statut d'artisans à celui d'artistes. Dans la continuité de la Passion Lippi, l'auteur nous conte maintenant l'histoire de Botticelli, qui fut l'élève le plus doué de Fra Filippo Lippi. À la mort de ce dernier, Botticelli fonde son propre atelier dans lequel travaille le fils de Lippi, Filippino dit Pipo.

UNE BIOGRAPHIE ROMANCÉE
Malgré la présence d'une bibliographie étoffée et d'une chronologie précise en fin de roman, il m'a été impossible de distinguer la part du vrai de la part de la fiction, d'autant que l'auteur n'a pas rédigé de notes en ce sens. Que ce roman apporte une vision quelque peu faussée de la réalité ou bien dresse un portrait réaliste du peintre, il me semble indispensable de se documenter par ailleurs tant la part romanesque m'a semblé forte. de toute façon, étant donné que les oeuvres mentionnées dans le roman n'y sont pas reproduites, le lecteur est obligé d'aller se documenter par ailleurs sur Internet ou dans d'autres livres. Cette frustration a été pour moi l'occasion de replonger dans les événements artistiques ou historiques de l'époque, de lire d'autres livres, de surfer sur le web, pour y confronter les faits, les caractères et les vies des protagonistes, les circonstances de la création des oeuvres décrites.
Bien que l'on ne sache pas ce qui relève ici de la réalité ou de la fiction, ce roman est documenté, c'est indubitable. Il est également certain que l'auteur, après s'être documentée, s'est fait sa propre idée du personnage Botticelli et c'est cette image qu'elle nous présente à travers son roman. Un roman facile à lire, au style vivant et bien rythmé.

UNE BONNE ENTRÉE EN MATIÈRE
Effectivement, privilégiant la petite histoire au détriment de l'oeuvre de l'artiste, ce roman n'explore pas suffisamment l'oeuvre de Botticelli ni son rôle essentiel dans l'histoire de l'art. Quelques oeuvres nous sont présentées, mais l'on ne perçoit pas la révolution artistique introduite par Botticelli. Qu'a apporté Botticelli à l'histoire de l'art ? Quelle fut sa contribution ? Quelles étaient les caractéristiques de sa peinture ? On perçoit bien que quelque chose d'important se joue entre la ligne de Botticelli et le modelé de Léonard de Vinci, il suffit d'écouter Botticelli s'adressant à Léonard de Vinci à la fin du roman lorsqu'il découvre la Mona Lisa que Léonard est en train de réaliser :
"– Ce que j'ai fait à côté de toi, ça n'est rien. Je n'ai rien compris à la peinture, je me suis trompé sur tout. Toi, tu as vu, tu as su, et ça y est, c'est là... Toutes ces années, je me suis trompé. Ça n'était pas la peine. J'ai tout raté. Je suis fini."
En effet, sur la fin de sa vie, alors que Léonard de Vinci est de retour à Florence, une sorte de bras-de-fer amical s'engage entre eux : plus Léonard de Vinci estompe son dessin, plus Botticelli appuie ses contours et durcit son trait. Car la ligne est tout pour Botticelli : "La ligne de son dessin, de ses contours, une ligne appuyée, aux formes strictement découpées, avec un goût pour l'ornement graphique, précis comme l'exige l'orfèvrerie. La ligne est la charpente même de son écriture. Il s'applique davantage aux plis et aux incises, aux formes arabesques, aux inflexions souples et mobiles qu'à leur emplissage. Ses silhouettes aux contours ciselés et vigoureux... La ligne, toujours, la ligne, la ligne encore, c'est sa constante préoccupation ; parfois son obsession."
En revanche, l'auteur remet bien les oeuvres mentionnées dans le contexte de l'époque, avec les personnages concernés (commanditaires ou bien modèles), ce qui permet de se familiariser avec les oeuvres, d'en avoir une connaissance plus intime qu'artistique : Saint Sébastien, fresques de la chapelle Sixtine, Pallas et le Centaure, le Printemps, La Naissance de Vénus...

UNE BONNE RETRANSCRIPTION DU CONTEXTE HISTORIQUE ET ARTISTIQUE
Tout en découvrant la vie de Botticelli, se dévoile à l'arrière-plan toute l'atmosphère des milieux artistiques et politiques de l'époque, la Florence des Médicis puis de Savonarole, mais aussi la vie d'un atelier de peintre de l'époque, les liens entre artistes faits d'admiration, d'amitié et de jalousie...
Au XVe siècle, Florence est véritablement le berceau de la Renaissance artistique, notamment grâce au mécénat soutenu de Laurent de Médicis dit le Magnifique.
À sa mort, le climat politique se détériore et devient extrêmement tendu. Certes, à l'époque déjà, le pouvoir des Médicis était en sursis, comme le démontre la conjuration des Pazzi (26 avril 1478) et ses représailles, mais après la disparition de Laurent le Magnifique, les menaces se multiplient : effrayée par les troupes de Charles VIII qui approchent de la cité et par la peste qui touche la ville, la population se laisse gagner par les superstitions et les peurs ancestrales, ouvrant par là même la voie au moine Savonarole, à ses diatribes, ses bandes cruelles d'enfants et ses autodafés...
Malgré ce contexte troublé, la vie continue... Marsile Ficin, Ange Politien, Simonetta Vespucci, Pic de la Mirandole, Fra Diamante, Domenico Ghirlandaio, Luca Signorelli, Léonard de Vinci, Filippino Lippi, Sandra Lippi, Giorgio Vespucci, Laurent le Magnifique, Lorenzo de Médicis, Pierre II de Médicis sont autant de grandes figures historiques ou artistiques que l'on découvre au cours de la lecture de ce roman. Tous témoignent admiration et estime pour Botticelli, lui qui en a si peu pour sa propre personne.

UN PORTRAIT INTIMISTE DE L'ARTISTE AVEC TOUTES SES CONTRADICTIONS
Peintre italien éminemment connu de la Renaissance italienne et même de l'histoire de l'art, Sandro Botticelli était pour moi un peintre de la grâce, de l'élégance et du bonheur. Quelle ne fut pas ma surprise de découvrir un homme mélancolique et tourmenté !
"Melancholia, mélancolie. Léonard prend cette affection pour de la tristesse, ou pis, la confond avec les crises de chagrin qui l'ébranlent quand il a le sentiment de ne pas être à la hauteur de son propre jugement. Alors il se hait. Botticelli ne se hait jamais. Pour ça, il faut déjà s'aimer un peu, et il ne tient pas beaucoup à lui-même. Ni à la vie. Pendant ses crises, il ne peut plus la voir en peinture. Il ferme les yeux, se coupe du monde et ne peint plus. Sa mélancolie est davantage une peine abstraite, une peine de vivre. Non tant de ne pas y arriver que de ne plus vouloir. Une délectation à rester dans l'ennui."
De par son surnom – Botticello signifie "petit tonneau" –, je pensais avoir affaire à un homme de taille moyenne et plutôt rondouillard. En réalité, Botticelli est "long, incroyablement long, maigre, filiforme, hâve et dégingandé, toujours d'une pâleur inquiétante". Doté d'une grande sensibilité, il est révulsé par la violence et la férocité de son époque, ne supportant ni les représailles au lendemain de la conjuration des Pazzi ni le supplice de Savonarole. Aux hommes, il préfère les animaux, et notamment tous les chats qui vivent dans son atelier et qui veillent sur lui. Bien que son tempérament mélancolique lui joue des tours – son amant Pipo (Filippino Lippi) finit par le délaisser, lui a besoin de s'amuser –, jamais il ne se lamente sur son sort, même quand à la suite d'une agression il finit infirme, avec des difficultés pour rester longtemps debout.
Même s'il considère la famille Lippi comme sa véritable famille – Lucrezia, Pipo et Sandra –, Botticelli vit auprès de la famille – sa mère Esméralda, "la vieille matriarche qui donne des ordres à l'encan du haut de son mètre trente avec l'autorité de son quintal de chair flottant autour d'elle" et ses trois frères, Antonio (orfèvre), Simone et Giovanni (courtier). Enfant, considéré comme le vilain petit canard de la famille, il était le souffre-douleur et la risée des siens. Cet enfant différent, incompris de sa famille, est devenu un adulte et même plus, un artiste renommé, que sa famille ne reconnaît que pour les avantages qu'il lui rapporte. Cette famille bruyante et pas très raffinée vit au premier étage de la maison de Botticelli. Au rez-de-chaussée, se trouvent la bottega, la boutique de son frère orfèvre et l'atelier de Botticelli.
Vivant entouré de ses nombreux chats, il ressent un profond amour pour Pipo puis sa soeur Sandra, laquelle fut le modèle de plusieurs de ses tableaux (ainsi que Simonetta Vespucci). Mais ces amours sont voués à l'échec : autant Pipo respire la joie de vivre, autant Botticelli est un être profondément mélancolique. Quant à Sandra, la terreur qui s'empare de lui quand il apprend qu'il va devenir père a de quoi surprendre, mais elle devient plus compréhensible lorsqu'on écoute les explications de Lucrezia : "Sa mère ne l'a jamais aimé, il n'a jamais rien connu d'heureux avant d'entrer chez ton père [Filippo Lippi]. Pour lui, maternité et petite enfance sont synonymes de chagrin, de cris... Ses quatre petites soeurs sont mortes après sa naissance."
En parallèle, il noue une relation amicale très forte avec Léonard de Vinci, faite à la fois d'admiration et de rivalité. Et pourtant, ces deux personnages, même s'ils ont quelques points en commun – végétariens, ils ne connaissent pas le latin, ne boivent pas d'alcool, adorent les animaux et sont de grande taille et chevelus –, sont l'antithèse l'un de l'autre : autant Léonard, amoureux de la vie, est charismatique et séduit les foules, autant Botticelli le mélancolique vit dans un monde à part, incapable de comprendre le monde qui l'entoure, un monde bruyant, sale et cruel. Et pourtant ils ressentent l'un pour l'autre une profonde admiration et une affection indéfectible.
À la lumière de cette description, les visages qu'il a pu peindre prennent une nouvelle dimension : extrêmement beaux, mais le regard perdu dans le lointain, ses personnages semblent inaccessibles, distants, enfermés dans leur propre mélancolie, conscients de la dureté et de la brièveté de la vie. Mais la sensibilité de l'artiste, rendue dans ses oeuvres, est seulement évoquée, rarement développée.

DES DESCRIPTIONS D'ÉBATS SEXUELS TROP APPUYÉES ET INUTILES
Si seulement les oeuvres évoquées étaient aussi longuement et précisément décrites que les scènes sexuelles... le roman débute sur une scène de lit entre Botticelli et Pipo, mais ce n'est pas fini car d'autres scènes, homosexuelles ou hétérosexuelles, interviennent au cours du roman. L'auteur aurait pu évoquer avec sensibilité, élégance et raffinement ces moments ; au contraire, elle se complaît dans la description crue et quasi anatomique des scènes. Cela n'a aucun intérêt et c'est vraiment désagréable vu le sujet du roman.
Lien : http://romans-historiques.bl..
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Une seule chose m'a déplut dans ce livre : tourner la dernière page...

J'ai passé un excellent moment, certes c'est une histoire plutôt très romancée mais j'ai beaucoup appris. En fait, chaque narration a été pour moi l'occasion de replonger dans les événements artistiques ou historiques de l'époque, de ré-ouvrir d'autres livres, d'interroger sans cesse le Net, pour y confronter les faits, les caractères et les vies des protagonistes, les circonstances de la création des oeuvres décrites, et surtout de les admirer de nouveau, et d'autres par la même occasion. Je pense que je vais poursuivre avec « la passion Lippi ».
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