C'est par le biais de
Driss Chraïbi que je découvrais par la même occasion (et dont je lirai d'autres livres tant j'ai apprécié sa plume et son humour) que j'ai pu aller à la rencontre de l'émancipation progressive d'une mère de famille, dans le Maroc des années trente, racontée par ses deux fils, chacun à leur manière, dans deux actes intitulés respectivement Être et Avoir.
J'ai énormément aimé ce roman, qui transpirait l'amour filial par toutes ses pores. Ces deux jeunes hommes, par ailleurs assez différents l'un de l'autre, qui font en sorte que leur mère éclose et s'ouvre au monde à une époque et dans un pays où ce n'était pas la norme culturelle et religieuse, la remise en question du père, le caractère joyeux et combattif de leur maman, et l'humour qui s'invite à chaque page (avec des expressions savoureuses dont j'espère me resservir un jour !), tout cela m'a fait passer un moment très agréable.
Bien sûr, il faut replacer cet écrit dans son contexte. S'il avait été écrit à notre époque, je l'aurais trouvé fantasque et assez caricatural, mais il est paru en 1972, et se déroule il y a presqu'un siècle… et en le recontextualisant, je le considère au contraire d'une certaine modernité, et touchant qui plus est.
Cette femme, orpheline, mariée à treize ans avec un homme bien plus âgé qu'elle, et qui va découvrir, au fur et à mesure des interventions de ses fils, la radio, l'électricité, le téléphone, puis, en sortant de chez elle comme elle ne l'avait plus fait depuis son enfance, les parcs, cinémas et belles demeures… cette femme qui va apprendre à lire, devenir boulimique d'apprentissage pour rattraper le temps perdu, cette femme qui va se remettre en question, remettre sa vie en question, se mettre à vivre… cette femme touchante, aimante, intelligente, cette femme m'a émue.