Quelle bizarrerie, lorsqu'on a compris que les êtres sont des ombres et que tout est vain, de s'éloigner du monde pour trouver le sens, le seul sens, dans la contemplation du Rien, quand on pouvait fort bien rester parmi les ombres et le rien de chaque jour. D'où vient ce besoin de superposer au néant effectif un Néant suprême ?
Il est des gens si bêtes que si une idée apparaissait à la surface de leur cerveau, elle se suiciderait, terrifiée de solitude.
La théologie n'a pas encore pu élucider qui est le plus seul : Dieu ou l'homme. Est venue la poésie, et nous avons compris que c'était l'homme…
Les profondeurs du mal confèrent une supériorité irritante ; peut-être les hommes ont-ils adoré Dieu par jalousie envers le Diable.
Les moyens de vaincre la solitude ne font que l'augmenter. En voulant nous éloigner de nous-mêmes par l'amour, l'ivresse ou la foi, nous ne réussissons qu'à renforcer plus profondément notre identité. On est encore plus soi-même auprès d'une femme, dans l'alcool, ou en Dieu. Même le suicide n'est qu'un hommage négatif que nous rendons à nous-mêmes.
C'est étrange comme nous cherchons à oublier par l'amour ce que tous les bleus du ciel et toutes les mythologies de l'âme ne peuvent nous faire oublier. Mais les bras d'une femme ne peuvent pas nous cacher la vérité, bien qu'ils nous tiennent plus chaud que les lumières lointaines de Dieu.
La timidité est l'arme que la nature nous offre pour défendre notre solitude.
Lorsqu'on a compris que les hommes ne peuvent rien vous offrir, et que l'on continue cependant à les fréquenter, c'est comme si l'on avait liquidé toute superstition tout en continuant de croire aux fantômes.
Le soupir est le rythme idéal de la respiration ; et le bonheur n’est pas la température normale de la vie.
Notre manière de concevoir les choses dépend de tant de conditions extérieures qu’on pourrait écrire la géographie de chaque pensée.