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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Avant d'être arrêté, Dolorès a commis une série de meurtres, uniquement des hommes friqués , des «  ploucs à rolex » qu'elle a séduit dans le but de les trucider, comme sa première victime : « c'est du nombril qu'il parlait, de l'orifice de son gros ventre satisfait et engloutisseur de bouffe, engloutisseur de la transpiration des hommes et des femmes qu'il faisait travailler pour avoir le privilège d'arborer une pute comme moi dans un restaurant sans étoiles. »

« La révolution à coups de couteaux » ? En tout cas, « ça sortait de partout, comme les vers d'un cadavre », les actes de Dolorès ont entrainé une épidémie de meurtres ciblés. Les autorités ne veulent pas d'une passionaria, elles ne veulent pas s'embarrasser d'un procès qui pourrait se transformer en tribune. La justice charge un jeune psychiatre de la déclarer irresponsable de ses actes dans son rapport d'expertise.

Les courts chapitres alternent les voix de Dolorès et celle du psy. Leur confrontation est dense, entre le psy bordeline rongé par ses addictions et une Dolorès joueuse qui ne veut pas se dévoiler. Dolorès est le genre de personnage qui aspire tout dans un roman, et pourtant le psy et surtout son ami le vieux prêtre espagnol existent magnifiquement à ses côtés.

Ce roman prend souvent aux tripes, porté par des personnages marquants et une qualité d'écriture assez impressionnante, créative et ciselée, aux plus près des corps et des sensations physiques.

« Voyez cette peau, si elle est lisse. Regardez si elle ment. Elle cache les rides, les creux, les bosses, les plis accumulés au fil des vies. Juste en dessous se trouvent toutes les nervures, tous les sillons, toutes les rigoles, toute l'érosion, tout l'épuisement du monde. Ne vous fiez pas à ma peau. Si vous pouviez m'ouvrir le ventre, vous verriez tous les désespoirs se répandre à terre, un liquide aux odeurs de merde. Vous ne comprenez pas. Un discours politique construit. C'est une connerie. Il n'y a que des cris. Ce corps, le corps des femmes est un palimpseste des gestes et des douleurs. Ça n'use pas le corps, ça l'écrit. Et quand il meurt, le corps, ces gestes, ces afflictions restent là, enfermés comme dans un livre poussiéreux. Les hommes de votre espèce avancent toujours avec le soleil dans le dos. Ils croient que cette ombre élancée qui s'étale à leurs pieds, c'est eux. Les hommes marchent dans un costume trop grand qu'ils pensent être à leur taille. Et les femmes marchent toute leur vie sous un soleil de midi, implacable, qui les punaise à leur place. »

Dolorès est une héroïne ambigüe comme je les aime. Jusqu'au bout on s'interroge sur ses motivations à tuer, politiques ou plus personnelles, à moins que ce soit les deux. Est-ce une quête, une révolte, une jouissance à tuer, une « rage sans paroles », une rage à message, un débordement après avoir été trop écrasée en tant que femme ?

Au fil de ma lecture, je me suis souvent demandé quelles étaient les intentions de l'auteur. Il me semble qu'il ne faut pas lire Dolorès ou le ventre des chiens comme un roman réaliste, plutôt comme une fable sur la violence induite par un capitalisme couplé au patriarcat. Une fable non moralisatrice sans apologie de quoi que ce soit, même s'il y a un parti pris. J'ai envie d'y lire le cri d'un homme solidaire des femmes violentées, d'un citoyen dégoûté du comportement de certains de ses congénères.

La fin est inattendue avec son côté punk qui clôt parfaitement ce roman sombre et désenchantée. Percutant.


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Ces hommes sont riches, gras et gros de leur puissance que vomissent leurs bouches répugnantes. Dolorès Leal Mayor les séduit puis les crève uns à uns, ces porcs imbus d'eux-mêmes, dans un élan d'écoeurement. le regret est pour les faibles, et faible, elle ne le sera plus. Pas plus que ces femmes dont elle devient le modèle, le mentor d'une lutte contre le patriarcat, ces femmes qui poursuivent son action alors qu'elle est arrêtée et écrouée.
Alcoolique, cocaïnomane, Antoine, jeune psychiatre, se perd dans une vie à laquelle il ne trouve pas de sens. Enjoint à évaluer l'état psychique de Dolorès par une démarche pipée, il accepte et débute avec celle qu'il croyait insipide un dialogue aux multiples turbulences. L'échange sera celui du ressenti et de la perception livrant au jour les fragments d'une société ébranlée.
Le livre est bref et intense comme une course qui mange le souffle. On est happé par le gris de cet homme et de cette femme qu'une rage folle nourrit au coeur d'un monde inégal. L'auteur ne négocie pas : il tisse sa toile offrant à chacun d'eux une parole sans filtre aussi poignante que fracassante. le résultat est sombre, vrai et la lecture forte.
Un roman original et entier.

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Un roman absolument étonnant, noir, dense et concis sur le face à face entre Dolorès, tueuse en série et Antoine, jeune psychiatre, cocaïnomane.

Dolorès n'a pas été violée, elle n'a jamais été victime d'agressions majeures et pourtant un jour, elle passe à l'acte et tue. Elle tue des hommes, des hommes plutôt riches, après les avoir séduit. Une dizaine de meurtre à son compteur, la rage au corps. Sans le vouloir, Dolorès devient une icône et fait des émules. Elle a ouvert la voie, des femmes tuent prenant conscience des abus des hommes et du pouvoir de l'argent. Un règlement de compte societal qui inquiète en haut lieu. Quand elle est arrêtée, on craint qu'un procès lui donne encore plus de visibilité. La justice charge alors un jeune psychiatre sans expérience et paumé de déclarer Dolorès irresponsable de ses actes.

Un texte sombre et rageux aux accents anarchistes sur une société fracturée et irréconciliable. Un texte qui se lit d'une traite, remarquablement écrit jusqu'à la conclusion surprenante.
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Violence financière et patriarcale, contre-violence improvisée : à force, entre les deux, il n'y a plus rien. Un magnifique quatrième roman de feu et de flamme, poignant, rageur et néanmoins curieusement poétique.

Sur le blog Charybde 27 : https://charybde2.wordpress.com/2024/03/17/note-de-lecture-dolores-ou-le-ventre-des-chiens-alexandre-civico/

Ennemie publique n°1 : depuis qu'elle a commencé, un soir, en assassinant un PDG rencontré en boîte de nuit qui croyait banalement que son argent et sa position sociale lui autorisaient n'importe quoi, qu'elle a récidivé, et – bien pire – qu'elle a fait de nombreuses émules, instinctivement décidées comme elle à menacer concrètement – et terminalement – la domination financière et patriarcale sans foi ni loi (autre que celle taillée le cas échéant à ses – souvent larges – mesures), toutes les polices françaises chassaient sans répit Dolorès Leal Mayor. Lorsque la cavale prend fin, son arrestation digne de celle du plus redoutable djihadiste la conduit directement à la case prison, sans passer par les cases commissariat, garde à vue, avocat, etc. : sa seule présence médiatique et – il faut bien le dire – populaire est une grenade dégoupillée pour tout gouvernement – et tout particulièrement pour un gouvernement dont la fragile légitimité est avant tout assise sur la défense de ceux qui vont bien et qui ont l'argent pour en témoigner.

La solution à ce dilemme de police, de justice et surtout de communication – maintenant que les éléments de langage constituent le seul horizon tangible d'une pensée politique : trouver un psychiatre aux abois, facile à manipuler et diriger, qui déclarera la terroriste – comme ils disent – plus ou moins folle à lier, ce qui permettra de l'enterrer vivante pour le salut de la communauté, sans passer par la dangereuse case du procès public. Cela tombe bien : le docteur Antoine Petit, bercé par l'alcool et la cocaïne, n'est pas du tout en position de décliner une offre que précisément, et selon la coutume bien connue, l'on ne peut pas refuser. le voici donc en chemin pour la petite prison des Alpes où l'attend la prisonnière, sommé de produire rapidement un diagnostic sans appel.

Il reste bien, dans l'ombre ou dans la lumière qui aveugle, un troisième protagoniste : Pedro, le protecteur des situations désespérées, le vieux révolutionnaire habitué des luttes anti-fascistes, familier des surveillances et des vies ténues sous le radar sécuritaire, celui qui a couvé Dolorès en fuite (« Ce que tu as commencé, personne ne peut l'arrêter, Dolorès. Ça monte, ça déborde, ça va tout inonder »), celui qui s'inquiète et cultive pourtant l'espoir fou que, enfin, on y arrive – même par des chemins imprévus. Dans un monde tellement à bout, voilà peut-être l'étincelle à préserver quoi qu'il en coûte.

Alexandre Civico excelle à créer des tunnels d'incandescence, rentrée ou explosive : confinée à l'habitacle d'une voiture lancée en course unique entre la France et l'Andalousie (« La terre sous les ongles », 2015), exposée aux vents secs du désert, de la savane ou de la ville désormais hostile (« La peau, l'écorce », 2017), circulaire et hantée autour d'un lieu de mise à mort légale, déjà (« Atmore, Alabama », 2019), ses irruptions de lumière noire et de colère fascinent et dérangent, nécessairement, sous la beauté de la langue qu'il invente pour chaque occasion tout en restant fidèle à sa belle écriture de chemin sec. Son quatrième roman, « Dolorès ou le ventre des chiens », publié en janvier 2024 chez Actes Sud, pousse son art bien particulier un cran plus loin encore.

Comme en écho actualisé d'une ancienne fureur froide, celle qui habitait les personnages fassbindériens du « Si les bouches se ferment » d'Alban Lefranc (là où la Fraction Armée Rouge tuait des fascistes – comme le condensait aussi si magnifiquement, bien plus récemment, le dramaturge Tiago Rodrigues dans un tout autre contexte – quoique…), Alexandre Civico confronte le bouillonnement de celles (et de ceux) qui ne peuvent plus supporter à un univers carcéral – dans lequel il a par ailleurs, et ce n'est pas neutre, assidûment pratiqué l'atelier d'écriture auprès des détenus. de ce choc tragique qui ne peut plus du tout être feutré, celui de la violence des dominations en place et des contre-violences improvisées, il extrait une fascinante démonstration incarnée. En déplaçant la redoutable équation posée par Mathieu Riboulet en 2015, il signifie ce qui sépare désormais Dolorès du ventre des chiens : entre les deux, il n'y a rien.
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Dolorès est une meurtrière, une femme en colère qui a buté des hommes blancs, bedonnants et friqués. Elle est devenue un symbole, un modèle, l'idée même qu'on puisse abattre le patriarcat. Antoine est un jeune psychiatre déjà désabusé, alcoolique et cocaïnomane. Il est chargé de rédiger un rapport donc la conclusion doit être la folie. Les pasionaras, ce n'est pas bon pour la société...
.
Mais une pasionara c'est tellement bien pour un roman ! Sous le couvert d'un résumé classique, Alexandre Civico écrit une chronique sociale et résolument engagée. J'espère que son texte ira titiller les consciences et donnera des envies d'action (pas sanglantes messieurs-dames, soyons tout de même raisonnables) au plus grand nombre !
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L'écriture d'Alexandre Civico est sèche, sans complaisance et d'un poétisme réaliste qui enchante par son absence de vernis. Il dépeint des personnalités abîmées dès la racine, sans issue ou porte de secours parce que leur lucidité sur la nature salement humaine ne leur offre aucune opportunité, aucun salut acceptable sans un minimum d'aveuglement qu'ils se refusent.
Finalement, ils subissent et réagissent en victime qu'ils sont et veulent rester, leur quête de dégoût absolu aboutit à l'horreur, celles des pensées, celles des actes.... Zélie s'accroche à un espoir impossible, Antoine se déteste sans détour, Dolores subit sa vie, sa rage, et d'autres femmes imitent son écho de violence qui a plus de sens que la voix(e) originelle. Quant à Pedro, il ne sait vivre sa révolution que par procuration.
Je ferme ce livre sans vraiment savoir si je l'ai apprécié, sans vraiment m'être attachée à ces gens trop conscients d'une misère sociale, d'un machisme dégoûtant, d'un capitalisme aveugle, bête et méchant et... trop ignorants du reste qui n'y a pas sa place. Parce que la bienveillance existe aussi. Ce livre remue la m.... Finalement, c'est peut-être l'effet recherché.
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Une chronique de Margot, sur Aire(s) Libre(s).
En cette rentrée hivernale, beaucoup de livres savent attirer les regards. Dolorès ou le ventre les chiens, en fait partie. le titre, déjà. Puis la couverture, qui semble nous parler avec des yeux charbonneux mais perçants. La quatrième de couverture annonce à son tour une fureur éclairée.Que faire d'autre que se jeter à corps perdu, sans jeu de mots, qui a lu peut vérifier, dans ce roman qui a déjà l'air de jongler avec les certitudes et les travers le la société ? Étonner, détoner, détonner, détrôner. Ce roman est absolument surprenant, et c'est réel compliment, une catharsis ciselée sur le réel dominateur et puissamment capitaliste. Un dialogue entre les êtres qui ne sont rien mais savent, puisque n'ayant plus rien à perdre, que seul le feu réveillera(it) leur condition humaine écrasée.
Dolorès est une jeune femme qui n'est rien dans la masse humaine. Mais, oui, elle a un beau cul, elle sait séduire, notamment des « gros pleins de fric » incarnant la domination et les violences subies par les femmes. Dans son esprit.
Dolorès n'a jamais été victime d'agression majeure : “Je ne suis rien. Je n'ai pas été violée, je n'ai pas été abusée, je n'ai pas eu faim. Vous pensez qu'il faut avoir été violée pour porter le viol, abusée pour ressentir l'abus, avoir eu faim pour être assourdie par le cri des ventres creux ?” Mais la fureur, la fièvre.
On entre de plein fouet dans l'arrestation de Dolorès : une porte volant en éclats après quelques coups sonores de semonce. le regard des hommes est là. Et Dolorès, sulfureuse, clairvoyante, révélatrice.

« le flic-enfant regardait mes cuisses du coin de l'oeil, gêné comme un adolescent devant le décolleté un peu trop lâche de la mère de sa copine. J'ai rabattu un pan du manteau dont ils m'avaient recouverte pour le priver de la vue. J'ai imaginé un instant ce qui se tramait sous sa casquette. À portée de main, une chair rose, appétissante, interdite. Il devait bander à regret. J'étais Méduse, ou Circé, ou les sirènes de L'Odyssée. Bref, une salope. »
Elle est accusée d'avoir assassiné une dizaine d'hommes après les avoir séduits. D'avoir ouvert partout dans le pays une brèche épidémique, déclenché une vague de fureur chez les femmes, victimes du capitalisme et de son patriarcat.

« Il était PDG d'une très grosse entreprise et possédait ce visage rond et luisant des jouisseurs chez qui le ventre est l'écrin de l'âme. »
La suite :



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Dolorès ou le ventre des chiens est un court roman de moins de 200 pages, un roman noir qui traite de l'expression de la révolte des femmes face au patriarcat tout-puissant.

Il y a deux personnes dans le récit, tous les autres étant finalement accessoires, et quasiment un seul décor qui compte : le parloir de la prison, le lieu de la "confrontation".

Dolorès et Antoine s'y rencontrent malgré eux. Dolorès la meurtrière, le symbole bien malgré-elle de la révolte des femmes, qui emprisonnée, est en attente de jugement. Les autorités craignent ce qu'elle représente et elle est mise au secret en prison. Quant à Antoine, c'est un psychiatre déchu, de par ses choix de vie et également, on peut même lire entre les lignes tout simplement : un mauvais psychiatre. Désabusé par la vie, il ne survit, plus qu'il ne vit. Il n'est là que dans un seul but discréditer, Dolorès.

Leur rencontre est l'opportunité pour Dolorès de s'exprimer enfin de vider sans détour, toute la noirceur qu'elle a emmagasiné, à un Antoine presque imperturbable.

En marge de ces rencontres au parloir, il y a aussi les retours dans le passé, qui expliquent le cheminement qui l'a conduite là où elle en est arrivée.
Ce n'est que finalement à la fin qu'on se rend compte qu'ils sont finalement semblables, deux personnes dégoûtées par la vie.

L'écriture est très incisive, les phrases sont courtes, les chapitres courts voire très courts ; cela renforce un sentiment d'urgence.
L'écriture d'Alexandre Civico colle parfaitement au récit, c'est très réussi de ce point de vue là, et même si finalement, j'ai trouvé que le récit ne répond pas à tous les enjeux que je croyais deviner dans le quatrième de couverture, j'ai apprécié ma lecture. J'ai trouvé que ça n'allait pas assez loin, que les motivations et la colère n'étaient pas assez exploitées.
Si Dolorès est à vif, sa colère ne trouve pas réponse, et Antoine reste un récepteur passif de la colère et des motivations de l'héroïne, ça m'a frustrée.
Si Dolorès m'a touchée, Antoine lui ne m'a fait ni chaud ni froid.
Et même si j'ai bien aimé l'épilogue du livre, il est tout de même un peu trop sympathique et c'est hautement improbable que cela puisse arriver de manière si facile. Il contraste avec le reste du livre bien plus sombre. Je pense qu'un épilogue plus sombre aurait mieux convenu.

Merci aux éditions actes-sud et à Babélio pour cette découverte. J'ai passé un bon moment.
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