La crâne rouge

Aux premiers abords, ce bizarre ouvrage a l'air de sortir de l'imaginaire d'un fou, d'un torturé, d'un enfant qui n'a jamais grandi et qui aurait peur de devoir le faire un jour. Ce qui explique cette impression - loin d'être erronée - c'est la collaboration entre un illustrateur, déjà auteurs de plusieurs bandes dessinées, et une artiste mentalement déficiente, avec qui le dialogue est presque impossible et dont les dessins sont farouchement "enfantins". On n'assiste pas à un caprice adulte de vouloir rester enfant, mais bien à ce qui ressemble à un emprisonnement à perpétuité dans la peau d'un enfant apeuré, qui voit la vie dans sa façon la plus simplifiée.

Cette collaboration a pu voir le jour grâce à l'initiative des éditions Fremok (qui sont un peu à l'édition ce que Stupeflip est à la musique) et de la "S" Grand Atelier, une association belge qui permet aux gens ayant de sérieux problèmes d'adaptation au monde de se libérer par l'art, de communiquer par le dessin. Ce que DoubleBob explique, de sa relation avec Nicole Claude, c'est la difficulté de produire quelque chose de structuré quand la notion même de structure est inconnue à l'autre, quand la communication ne se fait pas beaucoup à double sens. Mais c'est aussi un beau travail que d'essayer de comprendre, de mettre en scène les angoisses de l'autre, de voir le mélange de deux cerveaux sur le papier.

Ce qui en résulte, ce sont quelques pages de pure folie, qui n'ont pas vraiment ni queue ni tête, à moins de s'y pencher vraiment, mais on n'arrivera jamais à toucher du doigt ce qu'il y a derrière, on peut seulement le deviner dans l'enchaînement des dessins, des visages hurlants, des morceaux de corps, des maisons qui ont l'air tellement closes... Et bien sûr, ces passages de textes super poignants, déchirants, qui ont l'air bien ordonnés mais qui hurlent à l'aide.

On peut dire que ça fait bien longtemps que je n'avais pas vu quelque chose de si personnel et terrifiant, de poétiquement terrible.
Lien : http://lecombatoculaire.blog..