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Citations sur Le bruit des trousseaux (49)

"Il ya beaucoup de mensonges en prison, mais ils sont moins graves qu'ailleurs car ils sont essentiels. On ment pour exister un peu plus, et on se ment pour continuer à se supporter. Les crimes bien réels rejoignent les cauchemars, et tout alors prend l'apparence d'une histoire inventée. C'est à ce prix que l'on peut survivre. Pour supporter la prison, il faut devenir un autre."
p.54
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Voilà, je crois que j'ai tout dit. Tout dit de ce que je savais, de ce que j'ai retenu. Ce peut être un témoignage ou, plus exactement, un faux témoignage, car il me manque quelque chose d'essentiel pour parler de la prison, c'est d'y avoir passé une nuit. Je ne sais pas au fond si l'on peut parler de la prison quand on n'y a jamais dormi. Toutes les heures où j'ai été dans ces murs composent bien des jours, oui, des mois même, mais pas une nuit, pas une seule. Et puis, ce qui alourdit mon faux témoignage, c'est que je n'ai connu la prison que d'un seul côté.
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Le regard des gens qui apprenaient que j'allais en prison. Surprise, étonnement, compassion."Vous êtes bien courageux d'aller là-bas !" Il n 'y avait rien à répondre à cela. Le regard me désignait comme quelqu'un d'étrange, et presque, oui, presque, quelqu'un d'étranger. J'étais celui qui chaque semaine allait dans un autre monde. Je pensais alors au regard qui se pose sur celui qui dit : "Je sors de prison." Si moi, déjà, j'étais l'étranger, lui, qui était-il pour eux ?
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La prison ressemblait à une usine. Une grande usine qui ne produisait rien, sinon du temps limé, broyé, réduit, des vies étouffées et des mouvements restreints. Les détenus figuraient d'étrangers ouvriers, sans machines, sans musettes, mais qui suivaient des horaires, des chemins, des consignes. Les gardiens parfois avaient des allures de contremaître.
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Je me souviens aussi de Nadine W., si attentive et douce envers le nouveau-né d’une détenue, alors qu’elle-même était incarcérée pour avoir tué le sien de huit semaines, en lui éclatant la tête contre un mur.
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L'islam mal digéré de beaucoup de prisonniers se découvrant musulmans durant leur incarcération. Les murs défraîchis résonnaient de leurs prières approximatives et de leurs fiévreux ramadans. L'identité panarabe. Ma difficulté à convaincre un Turc qu'il n'était pas arabe. "Vous insultez mes pères!" avait-il fini par me répondre, avant de claquer la porte.
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Je sais qu'en moi, profondément, je n'ai jamais pu me persuader de la réalité des crimes commis par les détenus que je rencontrais chaque semaine. Peut-être moi aussi avais-je besoin de m'arranger avec cette réalité pour continuer à vivre, à venir en prison, à être dans ce lieu, à y passer des heures. Tout était ainsi amorti par une distance quasi cinématographique. Je rejetais l'horreur de l'autre côté de l'écran. Je feintais la vérité du crime, comme on peut tenter de le faire avec la corne du taureau.
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Une seule fois, j'ai écrit une lettre susceptible d'être produite en cour d'assises par l'avocat de la défense. Dans cette lettre, je disais que le prévenu suivait mes cours depuis deux ans, qu'il faisait preuve d'un grand sérieux, d'une motivation remarquable et que j'avais le sentiment qu'il avait beaucoup réfléchi depuis sa détention, réfléchi sur son acte, sur sa responsabilité. Je me suis demandé ensuite pourquoi j'avais fait cela. Que savais-je en définitive de sa réflexion? Pourquoi avais-je fait cela pour lui et pas pour d'autres, pour des dizaines d'autres que j'avais connus, et qui, eux aussi, m'avaient touché sans que jamais je ne le leur montre. Je m'en suis voulu. Je crois que je m'en veux encore ; j'étais sorti de mon rôle, en tout cas du rôle que je m'étais assigné, et qui interdisait de prendre parti pour ou contre qui que ce fût. Depuis ce jour, non pas tous les jours mais assez souvent tout de même, je pense, sans avoir jamais connu ses traits, au visage de la victime, qui ouvre grand ses yeux et sa bouche à la lecture de ma lettre devant la cour et les jurés.
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Le bruit des trousseaux de clefs, des clefs longues et polies par les usages incessants. Les pantalons bleu marine des gardiens, déformés aux poches à cause de ces trousseaux qui me faisaient toujours songer à des sésames de contes. Mais de quels contes?
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Deux bonnes soeurs venaient au quartier des femmes; elles y développaient des activités de cuisine, de couture, d'économie ménagère. Il y avait souvent des odeurs de gâteaux qui cuisaient, de tartes, des expositions de napperons et d'ouvrages en crochet. Les détenues les regardaient avec beaucoup de vénération. Les soeurs étaient âgées et embrassaient les détenues comme s'il s'était agi des filles qu'elles n'avaient jamais eues.
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