Adel Blanchard, écrivain raté, séparé de sa femme et ses enfants, accepte pour pouvoir survivre un poste d'enseignant en lettres dans une faculté de Lille. Ainsi commence "
La Tour de Sélénite" d'
Arnaud Codeville, écrivain touche à tout, puisque son premier bébé, il le façonne de A à Z, depuis l'écriture jusqu'à la couverture et la vente. Un travail de titan, vous en conviendrez. Chapeau bas, car je serais bien incapable de réaliser pareil exploit.
Il ne faut que quelques pages à l'auteur pour planter le décor: Adel est un personnage en plein naufrage, dans un lieu qui n'est guère réjouissant. L'écriture ne s'embarrasse pas de fioritures, et nous vient en tête la citation de la divine comédie: "vous qui entrez ici abandonnez toute espérance". Nous suivons donc les errances du personnage principal, en proie au doute, aux envies de suicide, au sein d'une équipe de professeurs assez hauts en couleur et très dissemblables les uns des autres. le grand projet qui les occupent est la restauration d'un vieux phare en Loire-Atlantique pour en faire un centre de vacances pour les jeunes étudiants. Un avant-groupe décide de partir en éclaireur pour investir les lieux. Evidemment, tout ne va pas se passer comme prévu...
La force de l'auteur est d'avoir une écriture très visuelle, et de savoir mener une tension qui ne faiblit pas d'un bout à l'autre. Ceux qui me connaissent savent que je ne suis pas un accroc des ebook, et pourtant, j'ai dévoré ce livre en une journée, incapable de m'en détacher. A mi chemin entre un roman de
Lovecraft et
l'affaire Charles Dexter Ward, et un authentique
John Carpenter de la meilleure époque, et là je pense entre autres à Fog,
Arnaud Codeville entraine son personnage dans une spirale infernale. de mystérieux et angoissant, bâti comme un thriller classique, le roman bascule dans l'horreur absolue dès l'arrivée au phare, jusqu'à un final bluffant et parfaitement maîtrisé qui laisse un goût amer dans la bouche. Amer, parce qu'on aurait aimé une autre fin... Les vrais bons auteurs de roman d'horreur ne sont pas monnaie courante, surtout lorsqu'ils sont Français, je vous conseille donc de ne pas bouder votre plaisir, à condition de ne pas le lire seul, la nuit, qui plus est avec sur la tête un casque avec la musique d'Alan Howarth.
Le changement de temps m'a quelquefois surpris je l'avoue, mais sans rien de rédhibitoire, donnant parfois une cassure de ton probablement voulu par l'auteur pour renforcer l'effet d'urgence dans laquelle Adel se trouve en racontant son histoire. Depuis, notre ami a commis un autre cauchemar,
1974, dans ma bibliothèque, et nulle doute qu'il sera encore meilleur, parce que je suis convaincu qu'Arnaud est comme le bon vin - ou selon mes préférences le bon rhum - il se bonifie avec le temps.