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Citations sur Ô vous, frères humains (43)

France, ô jeune mère et déesse Raison aux palpitantes narines, ô pensive au casque d'or surmonté d'un sphinx, porteuse de la lance et de l'égide, ô généreuse et enseignante, France, une de mes patries, et je suis ton vassal et aimant bâtard et fils étranger, car tu m'as fait ce que je suis, car tu m'as nourri du précieux lait de ta mamelle, car tu m'as formé à ton génie, ô souveraine ourdisseuse des mots, ô discernante, car tu m'as donné ta langue, haut fleuron de l'humaine couronne, ta langue qui est la mienne et pays de mon âme, ta langue qui m'est aussi une patrie.
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Et je suis parti, éternelle minorité, le dos soudain courbé et avec une habitude sourire sur la lèvre, je suis parti, à jamais banni de la famille humaine, sangsue du pauvre monde et mauvais comme la gale, je suis parti sous les rires de la majorité satisfaite, braves gens qui s'aimaient de détester ensemble, niaisement communiant en un ennemi commun, l'étranger [...]
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Oui, toujours seul, et maintenant je savais pourquoi. On n'aime pas les juifs par ici, avait dit le camelot, c'est une sale race, avait dit le camelot, et Viviane c'était fini, fini pour toujours, elle était chrétienne, elle ne pouvait pas m'aimer, elle ne m'aimait plus, et mon âne Charmant c'était fini aussi, l'oncle Armand m'avait menti, je le savais maintenant, et Dieu aussi était un menteur, Il disait qu'Il nous aimait, ce n'était pas vrai. Menteur, Lui dis-je en Le regardant là-haut.
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Les chrétiens avaient bon coeur, le tout était de ne pas leur dire ce qu'on était.

[p147]
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O vous, frères humains, vous qui pour si peu de temps remuez, immobiles bientôt et à jamais compassés et muets en vos raides décès, ayez pitié de vos frères en la mort, et sans plus prétendre les aimer du dérisoire amour du prochain, amour sans sérieux, amour de paroles, amour dont nous avons longuement goûté au cours des siècles et nous savons ce qu'il vaut, bornez-vous, sérieux enfin, à ne plus haïr vos frères en la mort. Ainsi dit un homme du haut de sa mort prochaine.
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Sans le camelot et ses pareils en méchanceté, ses innombrables pareils d'Allemagne et d'ailleurs, il n'y aurait pas eu, chemins des libérations, les longues cheminées des fours crématoires, cheminées allemandes d'où sans trêve sortaient, avec les jaunes et rouges chevelures des flammes allemandes, les fumées de mon peuple sacrifié, noirs panaches vers le ciel s'élevant, avec leur puanteur que Dieu n'a pas sentie, funèbre encens d'un grand peuple, le plus fidèle, le plus souffrant, le plus tué et le plus haï, et c'est une gloire et une élection d'être ainsi haï par les méchants et par les vils.
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Les humains, pauvres humains, mes frères, ont aussi besoin de sourire pendant un grand malheur solitaire, peut-être pour se donner du courage et espérer en la vie, peut-être pour follement se persuader que le malheur n'est pas vraiment arrivé et qu'on est en somme heureux, peut-être parce que confusément ils croient en la vertu surnaturelle du sourire et que qui sourit n'est pas malheureux, ne peut pas être malheureux, peut-être pour vaguement exorciser le malheur avec une gaieté de mystérieux pouvoir, peut-être pour leurrer le malheur, pour le persuader de partir, pour le convaincre qu'il s'est trompé d'adresse er qu'il a affaire à un heureux, peut-être pour croire et faire croire au malheur qu'il n'est pas arrivé, peut-être aussi pour que le malheur ait pitié de ce malheureux qui sourit, qui lui sourit, qui est gentil, qui mérite d'être épargné.
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Et soudain, cependant que tombe la douce pluie, tendre pluie que je regarde, je sais que pardonner de véritable pardon n'est pas obéir à un commandement de religion, n'est pas m'obliger à une factice clémence, n'est pas me forcer à faussement croire que je tiens une offense pour non avenue, n'est pas renoncer à en tirer vengeance, y renoncer d'ailleurs de mauvais gré dans mon tréfonds et m'en enorgueillir et m'en trouver admirable. Je sais soudain ce qu'est pardonner de véritable pardon.

Pardonner de véritable pardon, c'est savoir que l'offenseur est mon frère en la mort, un futur agonisant qui connaîtra les horreurs de la vallée des épouvantements, et déjà il mérite pitié et tendresse de pitié, et il a tous les droits sur moi, augustes droits de son malheur à venir, malheur certain, et comment alors ne pas lui pardonner ?

Pardonner de véritable pardon, c'est aussi comprendre que l'offense était inéluctable, et le comprendre parce que, par pitié et tendresse de pitié, soudain je suis l'autre et lui-même devenu, et je le connais, je connais le pauvre offenseur, un innocent méchant, toujours innocent, un malheureux chargé de chromosomes malchanceux, un irresponsable résultat, et rien n'est sa faute, et comment alors lui en vouloir et lui reprocher d'être ce qu'il ne peut pas ne pas être, comment lui en vouloir et lui reprocher d'avoir commis ce qu'il ne pouvait pas ne pas commettre, comment ne pas lui pardonner ?
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Oui, les humains ont besoin de s'occuper un peu pendant un malheur. Pendant un malheur solitaire, les humains, ont d'étranges menues occupations, ont besoin de répéter des mots saugrenus, ou de ressasser un bout de poème, ou de tordre un mouchoir, ou de torturer une ficelle, ou de casser des allumettes, ou de plier et déplier une feuille, ou de soigneusement tracer de petits dessins minutieux neurasthéniques proliférants, petites géométries rangeuses collectionneuses perfectionneuses de vides lugubres méditations, peut être pour s'accrocher à la planche de salut d'images étrangères et qui n'ont rien à voir avec le malheur arrivé, peut-être pour se bercer avec des mots ou des gestes, pour s'hypnotiser et s'engourdir avec des répétitions anesthésiantes, abrutissantes, vaguement souriantes, peut-être pour recouvrir le malheur avec des mots ou des gestes, pour le recouvrir avec un rideau de petites occupations inutiles et ne pas voir le gouffre du malheur, peut-être pour nier l'existence du malheur, pour la nier avec des mots ou des gestes simples et normaux, pour la nier avec de l'habituel et du non catastrophique, peut-être pour faire une magie, pour offrir un petit holocauste au malheur et le conjurer, peut-être pour tromper le malheur avec des mots ou des gestes hors de propos et le persuader de partir, ou peut-être simplement et piteusement pour se divertir un peu dans le malheur et se consoler lamentablement. Peut-être pour certaines de ces raisons, peut-être pour toutes ces raisons.
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[...] les bourgeois adorent ça, et leurs yeux illuminés d'idéal s'attendrissent de confort charmé, et parce qu'ils raffolent de pratiquer leur amour du prochain, amour qui n'engage à rien, à rien qu'à sourire, ils sourient beaucoup à cette esclave et prochaine, fort aimée mais peu payée [...]
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