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Citations sur Belle du Seigneur (526)

Ils ont tous un faible pour le fort, et la moindre douceur des durs leur est exquise, les ensorcelle. Au théâtre, ils s'attendrissent devant le vieux colonel sévère qui a une bienveillance inattendue. Esclaves ! Mais un homme tout bon est toujours trouvé un peu nigaud. Au théâtre, le méchant n'est jamais ridicule, mais un homme bon l'est souvent, fait souvent rire. D'ailleurs, il y a du mépris dans les mots brave homme ou bonhomme. Et une domestique, ne l'appelle t'on pas une bonne ?
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Ô debuts, deux inconnus soudain merveilleusement se connaissant, lèvres en labeur, langues jamais rassasiées, langues se cherchant et se confondant, langues en combat, mêlées en tendre haine, saint travail de l'homme et de la femme, sucs des bouches, bouches se nourrissant l'une de l'autre, nourriture de jeunesse, langues mêlées en impossible vouloir, regards, extases, vivants sourires de deux mortels, balbutiements mouillés, tutoiements, baisers enfantins, innocents baisers sur les commissures, reprises, soudaines quêtes sauvages, sucs échangés, prends, donne, donne encore, larmes de bonheur, larmes bues, amour demandé, amour redit, merveilleuse monotonie.

O mon amour, serre-moi fort, je suis à toi purement toute, disait-elle. Qui es-tu, qu'as-tu fait pour m'avoir prise ainsi, prise d'âme, prise de corps?
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- Altesse, reprit Mangeclous en s'éventant avec son gibus, pourrais je au moins, moi qui vous tins dans mes bras attendris en votre petite enfance, jouir grâce à votre munificence de quelque privilège, passeport diplomatique ou coupe-fil ? Ou à mon tour bénéficier de quelque mission que j'accomplirais avec la dignité de l'éléphant, la fidélité garantie pure d'un chien loyal et la célérité d'un cerf traqué ou de l'anguille interdite par notre religion et pourtant excellente lorsque convenablement fumée ?
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Par conséquent, du tact et de la mesure. Se borner à lui faire sentir que tu es capable d'être cruel. Cette capacité tu la lui feras sentir entre deux courtoisies, par un regard trop insistant, par le fameux sourire cruel, par des ironies brusques et brèves, ou par quelque insolence mineure comme de lui dire que son nez brille. Elle sera indignée, mais son tréfonds aimera. Lamentable de devoir lui déplaire pour lui plaire. Ou encore un masque subitement impassible, des airs absents, une surdité soudaine. Ne pas répondre par distraction feinte à une question qu'elle te pose la désarçonne mais ne lui déplaît pas. C'est une gifle immatérielle, une ébauche de cruauté, un petit plain-pied sexuel, une indifférence de mâle. De plus, ton inattention augmentera son désir de captiver ton attention, de t'intéresser, de te plaire, la remplira d'un sentiment confus de respect. Elle se dira, non, pas se dira, mais vaguement sentira, que tu es habitué à ne pas trop écouter toutes ces femmes qui t'assaillent, et tu seras intéressant. Il est parfait de courtoisie, pensera-t-elle, mais il pourrait être méchant s'il le voulait. Et elle savourera. Ce n'est pas moi qui les ai faites. Affreux, cet attrait de la cruauté, promesse de force. Qui est cruel est sexuellement doué, capable de faire souffrir, mais aussi de donner certaines joies, pense le tréfonds. Un seigneur quelque peu infernal les attire, un sourire les trouble. Elles adorent l'air démoniaque. Le diable leur est charmant. Affreux, ce prestige de méchant.
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Paralysé par le silence, preuve terrible que son chef s'ennuyait avec lui, Adrien Deume ne trouvait rien à dire et en conséquence souriait. Pauvre sourire figé, refuge et recours des faibles désireux de plaire et trouver gråce, constant sourire féminin dont il était même pas conscient, sourire qui se voulait à la fois témoignage de soumission, démonstration de bonne volonté toute prête et signe du plaisir qu'il éprouvait en la compagnie même muette de son supérieur, il souriait et il était malheureux. Pour exorciser le silence et le remplir, ou pour se donner du courage et trouver enfin quelque quelque chose à dire, il avala son verre de cognac d'un seul coup tragique, à la russe, ce qui le fit tousser. Mon Dieu, de quoi parler ? Proust, déjà fait, il en avait parlé en bas, à table. Mozart et Vermeer, idem. Picasso il n'osait pas, trop risqué. ne se rappelait aucun des autres sujets de conversation qu'il avait soigneusement inscrits sur la petite feuille, en les numérotant. Il fit de discrètes grimaces de constipation pour activer sa mémoire, mais en vain. La main contre sa hanche, il sentait la feuille du salut, la sentait exister et craquer dans la poche de son smoking, mais comment la sortir sans être vu? Dire qu'il désirait aller se laver les mains et vite jeter un coup d'oeil? Non, trop gênant, et puis ça ferait vulgaire. Le silence était effrayant et il s'en sentait responsable. Après avoir examiné d'un air profond le fond de son verre vide, il osa lancer un timide regard vers son supérieur hiérarchique.
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... elle (Antoinette Deume) demanda à Emmeline si elle avait lu la semaine passée cet article qui relatait le geste si touchant d'une princesse héritière.
-Non? Oh alors, il faut que je vous raconte, parce que c'est trop jeuli! Imaginez-vous que la princesse Mathilde, I'héritière du trône donc, imaginez- vous qu'elle était dans I'avion qui l'emmenait aux États-Unis, ou au Canada, je ne me souviens plus, en tout cas pour une visite officielle donc. Comme de juste, on avait installé une cabine spéciale pour elle, grand luxe, avec lit, enfin une vraie chambre avec salle de bains attenante, forcément. Alors, voilà que tout à coup elle sort de sa superbe cabine, elle appelle I'hotesse de l'air qu'on avait naturellement affectée au service exclusif de Son Altesse Royale, et elle lui dit voulez-vous que je vous montre mes robes, mes bijoux ? Naturellement, l'hôtesse a accepté et elle est entrée bien timidement dans la superbe cabine, toute rouge d'émotion et de plaisir ! Alors Son Altesse Royale lui a montré toutes ses robes de gala, brodées avec des pierres précieuses, ses colliers de perles et de diamants, son magnifique diadème d'émeraudes, un diadème qui appartient à la famille royale depuis des siècles forcément, lui montrant tout très simplement, de femme à femme ! Il paraît que l'hôtesse de l'air sanglotait de reconnaissance. Je dois dire qu'en lisant l'article j'en ai eu aussi les larmes aux yeux, je trouve ça d'une beauté, cette princesse royale qui montre toutes ses merveilles à cette pauvre fille, après tout une sorte de femme de chambre qui n'a jamais rien vu de pareil, mais qui au moins aura eu la joie une fois dans sa vie d'être pendant quelques minutes dans une ambiance de grand monde, de rafinement, d'opulence ! Oh, que c'est beau ! II faut avoir l'âme d'une princesse héritière pour avoir une idée aussi belle moralement ! C'est vraiment l'amour du prochain.
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A neuf heures cinquante, Mme Deume estima opportun de se rendre dans sa chambre pour se refaire une laideur. Après avoir oint ses deux bandeaux de brillantine à l'héliotrope, elle passa sur son visage, à l'aide d'une boulette de coton, une poudre blanche, dénommée "Carina", qui ne servait que dans les grandes occasions et qu'elle enfermait dans le tiroir à secret de son bureau. Ensuite, elle se remit derrière les oreilles quelques gouttes de "Floramye", un parfum âgé d'une quarantaine d'années. Séduisante et ragaillardie, elle descendit et fit son entrée dans le salon, morale, sociale et odorante, avec l'air douloureux de la distinction.
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Dents projetées en avant, elle sortit en pompe et majesté de possédante, corsetée de dignité et la tête haut levée, passant trois fois sa main sur son arrière-train comme pour le caresser, geste machinal sans doute destiné à s'assurer qu'elle s'était bien remise en état de décence et que son kimono n'était pas resté soulevé à la suite de sa station dans le lieu que son mari appelait "le petit endroit" ou encore "la çambrette où les rois ne vont pas à ceval".
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Une noble coupable en peignoir de soie blanche s'avança, douce prêtresse, dit qu'elle regrettait d'avoir perdu d'avoir manqué de maîtrise, de s'être affolée.
-C'est moi qui ai eu tort, dit-il. Je n'aurais pas du venir si tard. Pardonne-moi, chérie.
Chez elle, devant son lit, il la trouva si touchante de repentir qu'il la serra contre lui. Sentant la fermeté des seins, il lui murmura à l'oreille. Entrée dans le lit. elle ferma les yeux pour ne pas le voir qui ôtait son pyjama. Il souleva la couverture et s'étendit auprès d'elle, éternua deux fois. Ça y était, pensa-t-elle, c'était le chien. ldiote, idiote d'avoir eu pitié, idiote d'être allée demander pardon. Il fallait payer maintenant. En de telles circonstances, Adrien Deume passait sans transition de la continence à une avidité taurine et pressée. Mais il avait lu le Kâma Soutra quelques semaines auparavant, et il y avait appris l'utilité de certaines préparations. Il se mit donc sans autre à mordiller son épouse. Le pékinois maintenant, pensa- t-elle, et elle ne put s'empêcher de japper intérieurement. Elle s'en voulait du fou rire qu'elle maîtrisait tandis que le membre de section A mordillait studieusement, elle avait honte, mais elle continuait ses petits aboiements secrets, ouaou, ouaou. Après d'autres gracieusetés recommandées par le livre indien et exécutées avec application, ce qui devait avoir lieu eut lieu.
Etendu auprès d'elle et calmé, il lui disait des mots tendres, faisait de nobles commentaires, et elle se retenait de lancer des ruades. Non, non, c'était trop, c'était trop de faire l'idéaliste et le sentimental maintenant qu'il s'était servi d'elle, c'était trop de la payer en paroles poétiques et en sentiments élevés après l'avoir associée à cette bestialité. Ne pouvait-il pas cuver son viol en silence ?
Et puis il se tenait top contre elle, il transpirait, il était collant, et chaque fois qu'elle s'écartait, il se rapprochait et de nouveau disait des joliesse, osait en dire le cannibale remueur de tout à l'heure !
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"Un Oncle célibataire désire marier son neveu d'une Grande Beauté Situation Splendide bien plus qu'Ambassadeur ce n'est rien à côté ! Situation méritée et une Cravate de commandeur ! Je ne dis pas la couleur de la Cravate par Discrétion ! N'ayant comme défaut à sa Grande Beauté qu'une petite cicatrice à la paupière, chute de cheval ! Mais cette cicatrice est une chose de rien ! Une petite ligne blanche ne se remarquant pas ! Il a fallu l'œil d'un oncle pour la voir ! Mais enfin par honnêteté je dis la cicatrice ! C'est son seul défaut ! Un défaut ayant du charme ! A part cela il est Superbe ! La candidate doit être Saine et sans Tares Cachées ! Jeune ! D'une Beauté Extraordinaire! Yeux de biche ! Dents comme un troupeau de brebis tondues remontant de l'abreuvoir ! Cheveux comme une bande de chèvres suspendues aux flancs de Galaad ! Joues comme des moitiés de granade ! Et tout le reste ! Mais très Sérieuse aussi ! N'ayant pas eu d'amourettes avec celui-ci puis celui-là ! L'oncle n'aimant pas cela ! D'une famille Israélite Bien Connue et Honorable ! Croyant en Dieu naturellement! Vertueuse et Raisonnable ! Ayant beaucoup de Jugement et pouvant donner de Bons Conseils et même qu'elle le Gronde un peu quelquefois! Cela ne fait rien pourvu que ce soit aimablement ! Bref une Colombe et inutile de faire des feintes et prétendre qu'elle est Colombe si elle n'est pas Colombe car l'Oncle est psychologue et il les passera toutes au Filtre de la Perspicacité ! La Dot n'est pas nécessaire car le Neveu gagne des Sommes! Peu nous importe I'argent ! II nous faut Vertu et Beauté l Réponse à la Poste Restante de Genève aux initiales S. S. ! Envoyez une photographie récente et non d'il y a dix ans car il nous faut Jeune et Charmante ! Bonne ménagère aussi et pas tout le temps à acheter des robes de Paris ! économe ! Mais enfin s'il y a une dot nous ne la refuseront pas ! Surtout dans l'intérêt de la Jeune Fille pour qu'elle ait son Indépendance et qu'elle n'ait pas l'Humiliation tout le temps l'assourdir de Demandes d'Argent avec Voix de Perroquet disant je n'ai pas ceci et je n'ai pas cela et il me faut un Nouveau Chapeau! Mais enfin ce n'est pas du tout indispensable ! L'important étant qu'elle soit Vertueuse et Raisonnable! Et qu'elle sache aussi se tenir Un Peu Tranquille et ne pas bavarderà tort et å travers comme Certaines Riches Assourdissantes ! Mais tout de même qu'elle soit Instruite et qu'elle puisse tenir des Conversations Intéressantes ! Musique ! Poésies diverses! Enfin qu'elle ait un peu le Genre Moderne tout en allant à la Synagogue! Et que le porc n'entre jamais chez eux ! Pas descargots et pas d'huitres! D'ailleurs c'est malsain! Et qu'elle ne parle pas toujours de ses grandes relations comme font certaines de notre religion! Nous devrions inviter la femme du Préfet et ainsi de suite! Qu'elle ne lui casse pas la tête car il est lui-même une Grande Relation et n'a pas d'un préfet ! Chaque fois qu'il voit un préfet il crache ! Et qu'elle le laisse tranquille avec les cours de la Bourse ! C'est vulgaire pour une femme ! Et pas tous les soirs aller au Théâtre ou Danser ! Et pas se pomponner tout le temps ! Pas de rouge aux lèvres ! Un peu de poudre suffit ! Donc une jeune fille Parfaite ! "
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