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Citations sur Belle du Seigneur (526)

Les regarder, leur sourire, leur sourire avec des larmes, leur dire que leur temps de vie était court et qu'elles ne devraient pas le consacrer à la haine.
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Arrêtés devant le Kolhn's Restaurant, ils discutent puis de décident, entrent et s'attablent, leurs valises en sûreté entre leurs jambes. Resté dehors, il les contemple à travers la vitre et ses rideaux, contemple ses errants aux yeux langoureux, ses bien-aimés pères et sujets caressant leurs barbes et leurs passeports, tâtant leurs reins douloureux et leurs foies surchargés, tous extrêmement argumentant, mains agiles et pensantes. D'aigus regards percent, déduisent et savent, des doigts bouclent des barbes pensives, des nez computent, des sourcils supputent, des paupières baissées concluent. Rouges de vie sous la noirceur des poils, trop rouges et charnues, des lèvres s'écartent pour de résignés sourires de neurasthénique science, puis se referment, s'angoissent, combinent en se serrant, méditent, spéculent, ruminent, délibèrent cependant que des diamants circulent dans des papiers de soie.
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Elle aspira de I'éther, sourit. Ô les débuts, leur temps de Genève, les préparatifs, son bonheur d'être belle pour lui, les attentes, les arrivées à neuf heures, et elle était toujours sur le seuil à l'attendre, impatiente et en santé de jeunesse, à l'attendre sur le seuil et sous les roses, dans sa robe roumaine qu'il aimait, blanche au larges manches serrées aux poignets, ô l'enthousiasme de se revoir, les soirées, les heures à se regarder, à se parler, à se raconter à l'autre, tant de baisers reçus et à donnés, oui, les seuls vrais de sa vie, et après l'avoir quittée tard dans la nuit, quittée avec tant de baisers, baisers profonds, baisers interminables, il revenait parfois, une heure plus tard ou des minutes plus tard, ô splendeur de le revoir, ô fervent retour, je ne peux pas sans toi, il lui disait, je ne peux pas, et d'amour il pliait genou devant elle qui d'amour pliait genou devant lui, et c'était des baisers, elle et lui religieux, des baisers encore et encore, baisers véritables, baisers d'amour, grands baisers battant l'aile, je ne peux pas sans toi, il lui disait entre des baisers, et il restait, le merveilleux qui ne pouvait pas, ne pouvait pas sans elle, restait des heures jusqu'à l'aurore et aux chants des oiseaux, et c'était l'amour. Et maintenant ils ne se désiraient plus, ils s'ennuyaient ensemble, elle le savait bien.
Elle aspira de l'éther, sourit. Lorsqu'il partait en mission, les télégrammes qu'il lui envoyait en code si les mots étaient trop ardents, ô bonheur de déchiffrer, et elle ses longs télégrammes en réponse, télégrammes de centaines de mots, toujours des télégrammes pour qu'il sût tout de suite combien elle l'aimait, ô les prêparatifs en vue du retour sacré, les commandes chez le couturier, les heures à parfaire sa beauté, et elle chantait I'air de la Pentecôte, chantait la venue d'un divin roi. Et maintenant ils s'ennuyaient ensemble, ils ne se désiraient plus, ne se désiraient plus vraiment, ils se forçaient, essayaient de se désirer, elle le savait bien, le savait depuis longtemps.
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On s'aime bien nous deux, sourit il à la glace, et il va examiner la serrure de la porte. Oui, fermée à clef. Pour plus de sureté, il tourne le verrou, vérifie la fermeture en appuyant sur la poignée et en essayant d'ouvrir. La porte résiste. Donc on est à l'abri, en sécurité. On est entre nous maintenant, dit il, et il entre dans le lit tiède et dégoûtant, sourit pour conjurer, et d'ailleurs il y a la pancarte qui le protège, suspendue dehors. Il tire les couvertures à lui, fait aller et venir ses pieds nus pour sentir la douceur des draps, sourit de nouveau. Les lits ne sont pas antisémites.
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A haute voix, il imite le défaut de prononciation de l'albinos. Puichque vous tenez tellement à être franchais. Moquerie de faible, pitoyable vengeance. Le malheur rend bas, rend imbécile aussi. Imbécile avec son discours préparé à l'avance et sa barbe pour attendrir. Voilà, il a parlé de sa solitude, de sa soif de patrie, et le bonhomme lui a répondu domicile régulier et délai règlementaire, tout en regardant les photos encadrées de ses deux enfants bien peignés et de sa femme bien légitime, montrable et sans doute bien dotée. Oh, l'indifférence des heureux. Oh, ce regard satisfait de l'assis vers les photos, regard de certitude vers ce témoignage de vie régulière. Un salaud à bonne conscience, bien assis sur le foie gras du social. Pas intelligent, mais malin. Lui, intelligent mais pas malin. Et voilà, le bonhomme s'est levé, a dit qu'il a encore du monde à rechevoir.
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Hélas, un borborygme s'éleva avec des volutes de contrebasse, mourut soudain, et elle toussa pour le détruire et l'embrouiller rétroactivement par un bruit antagoniste. Il lui baisa la joue pour faire atmosphère naturelle et adoucir cette humiliation. Mais aussitôt, majestueux, un autre borborygme retentit qu'elle camoufla en ce raclant la gorge. Contre un troisième, d'abord caverneux, puis mignon et ruisselet, elle lutta en appuyant sa main subrepticement mais fort, afin de le comprimer et le réduire, mais en vain. Un quatrième survient en mineur, triste et subtil. Plaçant tout son espoir en un changement de position, elle s'assit sur le fauteuil en face et dit à haute voix qu'il faisait beau. À voix tout aussi haute, il dit que c'était une journée vraiment merveileuse, développa cependant qu'elle cherchait en catimini des postures destructrices de ces maudits bruits causés par le déplacement des gaz et des liquides dans un innocent estomac. Mais rien n'y faisait et de nouveaux venus surgissaient en grand vacarme, clamant leur droit à la libre expression. Il en guettait I'arrivée, les accueillait avec compassion, sympathisait avec la pauvrette, mais ne pouvait s'empêcher de les caractériser, tour à tour mystérieux, allegres, humbles, altiers coquins, véniels, funèbres. Enfin elle eut la bonne idée de se lever et de remonter le gramophone, pour une fois opportun. Alors le Concerto brandebourgeois en fa majeur retentit, étouffant les rumeurs intestines et Solal rendit grâces à cette musique, parfaite pour couvrir des borborygmes.
Hélas, le concerto pour scieurs de long terminé, un nouveau borborygme s'éleva, un beau borborygme, très réussi, élancé et divers, tout en spirales et fioritures, pareil à un chapiteau corinthien. Ensuite, il y en eut plusieurs à la fois, dans le genre grandes orgues, avec basson, bombarde, cor anglais, flageolet, cornemuse et clarinette. Alors, de guerre guerre lasse, elle dit qu'il lui fallait s'occuper du diner. Deux motifs à cette décision, pensa-t-il. Le premier, à court terme, filer à la cuisine et y borborygmer en paix, sans témoin. Le second, de plus longue portée, se remplir le plus vite possible l'estomac, afin d'écraser et de mater les borborygmes qui, tassés par le poids des aliments ingérés, ne pourraient plus monter à la surface pour s'épanouir et gambader à l'air libre.
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La lecture terminée, elle s'étendait sur le canapé, chassait de son esprit toutes préoccupations matérielles, fermait les yeux, se forçait à penser à leur amour afin d'être fluide et décantée, deux de ses mots favoris ; et toute à lui lorsqu'elle le reverrait. Sortie du bain, elle allait le retrouver, coiffée et parfumée. Alors commençaient leurs heures hautes, comme elle disait. Grave, il lui baisait la main, sachant combien leur vie était fausse et ridicule. Après le déjeuner, s'il sentait qu'il était devenu moralement indispensable de procéder à une union sexuelle, il lui disait qu'il aimerait se reposer un peu avec elle, car il y fallait des manières. Elle comprenait, lui baisait la main. Je vous appellerai
disait elle, une petite victoire dans le coeur, et elle allait dans sa chambre. Là, elle fermait les volets, tirait les rideaux, voilait de rouge la lampe de chevet pour faire lumière voluptueuse, peut être aussi pour neutraliser d'éventuelles rougeurs d'après déjeuner, se déshabillait, couvrait sa nudité d'une robe d'amour, sorte de péplum soyeux de son invention qui n'était mis que pour être enlevé, se refaisait une perfection, passait à son doigt l'alliance de platine qu'elle lui avait demandé de lui offrir, remontait le sacré gramophone, et l'air de Mozart s'élevait, tout comme au Royal. Alors il entrait, officiant malgré lui, parfois se mordant la lèvre pour maîtriser le fou rire, et la prêtresse en sa robe consacrée renflait ses muscles maxillaires pour se mettre ou se croire en état de désir. Mon sacré, lui avait elle dit un jour en le déshabillant doucement. Massacrée, lui avait il répondu intérieurement. Pauvre vengeance.
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... je vous garantis qu'elle est pas commode quand son grand frisé est là, l'autre jour elle est venue rouge comme l'homard en colère montant sur ses chevaux de bois parce que je lui ai dit à tabe que le plombier y avait tout bien arrangé à son water causette, m'aurait étranglée, et puis je dois pas lui dire rien à tabe, même pas qu'il reste plus d'oignons, et puis quand je sers je dois me tenir de tousser, et puis défense de venir en pantoufles pour servir, défense de dire un petit mot sur le rôti, même s'il est trop cuit que c'est pas ma faute, ils étaient en retard probabe d'avoir trop sauté dans le lit impérial, enfin faire une figure comme les garçons des grands hôtels, la figure sérieuse je me la fais avant d'entrer à la salle à manger je me prépare fermant la bouche en grande tristesse que des fois au contraire j'ai une envie terrible de me bidonneer que je viens toute rouge en entrant, et alors eux à tabe malgré que tout à l'heure ils ont fait les cent coups dans le lit, à tabe des politesses que ça me met en dehors de moi, des non merci, se parlant même chose que deux présidents de la république, elle mangeant des petites bouchées de rien du tout, mais le matin si on prend ensemble le café au lait elle se fait des tartines qu'elles feraient peur au popotame, et elle ferme la porte de la cuisine quand elle prend le café avec moi vu qu'elle a peur qu'il la voye en déshonneur de déjeuner avec sa vieille Mariette que j'y changeais ses langes quand elle était petite .....
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... qu'il me déshabille complètement et qu'il me regarde chic d'être regardée nue j'adore et me laissant faire dans ma bouche c'est son domaine oh oui ailleurs c'est son domaine c'est sa propriété son jardin et désirant qu'il prenne une initiative et il devinera alors ce sera I'autre chose enfin penché sur enfin quoi sur un de mes snies s'il faut tout vous dire oui snies parfaitement je dis les mots à l'envers quand ça me gêne de les dire à l'endroit moi donc passive reine recevant l'hommage qui fait tant de bien le suppliant que longtemps longtemps à droite puis à gauche puis à droite et moi reconnaissante râlant ronronnant avec distinction bref remerciements inarticulés et un peu le caressant mon chéri dans ses cheveux sublimes en désordre pour qu'il sache que j'approuve et apprecie fort et pour l'amour du ciel qu'il veuille bien continuer oh comme je suis rudimentaire et puis tout à coup je lui dis que je ne peux plus et qu'il me faut le sacre moi noble victime sur l'autel étendue oui son jardin étroit qu'il y entre qu'il y reste je le retiens je l'aspire oh reste toujours mon bien-aimé reste dans ta religieuse oh quand il en moi oui pas honte de le dire parce que très beau très noble oui ou quand il en moi c'est l'éternité oh quand il quand il se libère en moi se libère à pulsations que je sens en moi alors et c'est l'éternité et j'accepte de regarde et c'est l'éternité et j'accepte de mourir un jour un soir d'automne peut-étre du cancer j'accepte puisque quand il exulte en moi je vis éternelle oh je jouis plus de la joie que je lui donne que de celle que je lui prends ô mon amour dis que tu es bien en moi oh reste reste assez ne plus continuer défense de continuer parce que ça devient véritablement odieux non pas du tout odieux mon amour...
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Il posa la brosse et le savon, se considéra, rasé de près, écoeurant de propreté dans sa robe de chambre. Voilà, c'était sa vie désormais, être chaque jour désirable, faire la roue sexuelle. Elle l'avait changé en paon. En somme, ils menaient une existence animale, elle et lui. Mais les bêtes au moins, n'avaient qu'une saison pour la pariade et les coquetteries. Eux, c'était tout le temps. Se lessiver sans arrêt, se raser deux fois par jour, être tout le temps beau, c'était son but de vie depuis trois mois.
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