« Dieu est grand, dit Mangeclous. Et moi aussi. » (p. 250)
« Je suis un inconnu, moi ? Mais ne sais-tu pas qu’un livre tout entier appelé « Solal » a été écrit sur moi avec mon propre nom et que l’écrivain de ce livre est un Cohen dont le prénom étrange est Albert. » (p. 298)
Quand à Hitler, Saltiel ne priait pour lui qu'une fois par an et très brièvement. "Ô Eternel, disait-il, les paumes présentées au ciel, si ce Hitler est bon et agit selon tes principes, fais-le vivre cent six ans dans la joie. Mais si Tu trouves qu'il agit mal, transforme-le en Juif polonais sans passeport!"
Le premier matin d'avril, de l'an mil neuf cent trente-six, lançait ses souffles fleuris sur l'île grecque de Céphalonie. Des linges jaunes, blancs, verts. rouges, dansaient sur les ficelles tendues d'une maison à l'autre dans l'étroite ruelle d'Or, parfumée de chèvrefeuille et de brise marine.
Sur le petit balcon filigrané d'une petite maison jaune et rouge, Salomon Solal, cireur de souliers en toutes saisons, vendeur d'eau d'abricot en été et de beignets chauds apprenait à nager...Cet Israëlite dodu et minuscule...avait pensé qu'il serait plus rationnel et plus économique de faire de la natation à domicile et à sec...
« Je suis victime du dévouement à ma cause personnelle et privée. » (p. 347)
- L'équitation, répondit sévèrement Mangeclous, c'est les bottes. C'est comme l'amour. L'amour, ce n'est pas la dame que tu aimes mais les lettres que tu lui écris.
Pendant une heure de temps la foule supplia, injuria, menaça, maudit, eut recours aux appels les plus tendres, au Talmud, aux Dix Commandements, aux malades qui gisaient sur les grabats de la souffrance et qu'on fit sortir de leurs couches pour apitoyer Saltiel. Des visages enflaient. Des adolescents grattaient des urticaires cycloniques. Des éternuements zigzaguaient, des bâillements s'étalaient et s'achevaient sur un mode aigu. Une nonagénaire qui avait été la nourrice de Saltiel sortit un de ses seins flétris pour faire honte à l'ingrat nourrisson.
- Maudit qui ne respecte pas le lait qui t'as abreuvé!
« Allons, allons, c’est pas sérieux comme religion. Vous n’avez pas de Bonne Mère, pas de saints, rien du tout. Rien qu’un bon Dieu là, tout seul. C’est pas sérieux, voyons ! Et puis tu t’imagines que ça me fait plaisir que tu vas rôtir pour l’éternité. » (p. 229)
« Les Israélites de Céphalonie forment une espèce à part. Il serait injuste de généraliser. » (p. 102)
Je ne sais pas pourquoi, dit gravement Mangeclous, mais les blondes me font toujours penser à une épaule de mouton bien rissolée tandis que les brunes me rappellent plutôt la queue de bœuf bien grasse avec beaucoup de poivre rouge. Aussi il m'est agréable d'entendre parler de brunes aussi bien que de blondes.
- Quelle poésie ! ricana Saltiel. Et comme on voit que tu n'as jamais connu l'amour.
- Je l'ai connu mieux que toi, dit Mangeclous. Elle était très jolie et me disait tout le temps des poésies.