Citations sur Manuel d'exil : Comment réussir son exil en trente-cinq.. (85)
Pas tout à fait Hongrois, encore moins autrichien, Joseph Korda vit dans les doutes : de son origine, de son pays, de sa langue maternelle....
Il est le témoin du siècle, le maître d'une déplorable cérémonie qui est devenue notre mémoire collective.
_Parfois, j'oublie que je suis juif. Mais il y a toujours, partout, quelqu'un pour me le rappeler.
La troisième solution est d'écrire.
Après la fermeture de l'imprimerie, entre dix-neuf et vingt-heures, je peux enfin sortir, mais je suis tellement fatigué de ne rien faire que je reste dans ma chambre pour écouter la ville. (p. 76)
J'ai vingt-huit ans et j'arrive à Rennes avec pour tout bagage trois mots de français -Jean, Paul et Sartre. (...) Je suis un cavalier léger, un voyageur au visage scellé par un froid métaphysique, cet ultime degré de la solitude , de la fatigue et de la tristesse. Sans émotions, sans peur ni honte. (p. 11)
Je suis un cavalier léger, un voyageur au visage scellé par un froid métaphysique, cet ultime degré de la solitude, de la fatigue et de la tristesse. Sans émotions, sans peur ni honte.
— Avant que vous ne partiez chercher le bonheur, ajoute-t-il, vérifiez – vous êtes peut-être déjà heureux. Le bonheur est petit, ordinaire et discret, nombreux sont ceux qui ne peuvent le voir.
Malgré sa laideur peu ordinaire José-Miguel se comporte tel un séducteur. — J’ai eu entre cent et cent cinquante femmes, puis j’ai arrêté. Ces choses-là sont comme l’alpinisme. Tu grimpes, tu grimpes et une fois tout là-haut, tu ne sais plus quoi faire avec toi-même.
Si derrière toute barbe il y avait de la sagesse, me dis-je, les chèvres seraient toutes prophètes.
— N’importe quel branleur, n’importe quel adolescent boutonneux peut être triste, la tristesse n’est rien. Mais, pour être pessimiste, mon cher Bosniaque, là il faut être un peu plus lucide.
L'homme sans papiers est un homme sans visage. L'homme sans patrie n'est rien, un arbre sans tronc ou un oiseau sans ailes. Etre de partout peut aussi signifier que nous sommes de nulle part. (p. 61)
Je prends sa main et je l'examine longuement. Il y a quelque chose de désolant, d'inexplicablement touchant, d'enfantin dans sa petite main blanche. Une couche fine de la poussière de mon enfance : le visage de ma grand mère sur son lit de mort, le corps d'un jeune soldat massacré avant qu'on le couvre de notre drapeau glorieux. Je vois le ventre humide d'un poisson mort, je vois les cicatrices livides et blêmes.
Je tiens betement la main de Krisztina et je pleure, lourdement et sans retenue.
Je pleure avec l'impression que mes larmes pathétiques versées sur sa paume font vieillir le monde, que celui- ci a perdu sa pureté, son innocence. J'ai une gout âpre et désagréable dans la bouche. Chaque pore de sa peau, ses lignes de vie, d'amour et de mort, sa bague, tout est insupportable, petit et blessant.
Krisztina est belle et nue et moi je suis un âne.
Vexée, elle ôte sa main. Elle me fixe longuement tel un serpent qui examine sa proie. Sa respiration a retrouvé son rythme habituel. Un masque, blanc et sans expression, du théâtre japonais nô est posé sur son visage.