J’ai toujours su que je pouvais me débrouiller sans la littérature car, outre écrivain et journaliste, j’ai été charpentier, ébéniste, gazier et peintre en bâtiment. Tant que j’avais les mains libres et souples, et des pieds en bon état, j’étais capable de faire n’importe quoi pour gagner ma vie.
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On m’a souvent demandé comment j’écris, quelles sont mes habitudes, mes manies. Il semble que nombre de mes collègues s’adonnent à des rites particuliers devant la page blanche, prononcent des formules, se livrent à des actes étranges destinés à convoquer les Muses ou je ne sais qui. Certains fument, d’autres boivent du café, ou boivent tout court. Moi, je me suis habitué à écrire au lit.
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Tout bateau possède une âme collective formée par les hommes d'équipage, qui ne s'éteint jamais, même quand sa vieille carcasse gît échouée sur les sables d'une île.
C’est en mêlant faits réels et fantaisie, en rapprochant des événements survenus en d’autres temps ou d’autres lieux, c’est en vivant, en rêvant, en observant que j’ai pu écrire mes contes et mes récits. Peut-être est-il plus facile de créer de fausses réalités, mais le lecteur adulte ou enfant, éprouvera de la tristesse à l’idée qu’on l’a trompé. Oui, il est plus facile d’inventer une réalité de toutes pièces que de pénétrer dans celle qui nous est la plus proche. Car pour approcher le fantastique qui se cache toujours au cœur de la réalité, il faut du courage, de la détermination. Les écrivains sont comme des dresseurs de chevaux. Tout le monde peut monter à cheval, mais rares sont ceux qui soient capables d’amadouer un animal sauvage. Le problème majeur de la création littéraire est, selon moi, d’harmoniser la profondeur de la pensée avec le reflet de la vérité de la véritable vie, à travers l’image, le symbole ou le mot simple accessible à tous. ( P. 94)
Il m'est arrivé de penser que cet homme se serait senti à son aise chez les Indiens Ona, qui se peignent des raies rouges sur le visage pour avertir leurs proches qu'ils se sont réveillés de mauvais poil.
Je suis devenu écrivain par nostalgie de la mer, des îles et des terres australes.
Je me rappelle un proverbe chinois: " Ce que j'entends, je l'oublie; ce que je vois, je m'en souviens; ce que je fais, je le sais".
Un 14 décembre de je ne sais plus quelle année éclata une tempête, inhabituelle en plein été. Le lendemain se levait un soleil merveilleux avec de gros nuages à l'horizon. Je regardai ce ciel d'un bleu très pur et je comptai cent vingt-sept albatros qui volaient au-dessus des eaux. L'un d'eux allait en tête suivi des autres qui traçaient deux lignes parallèles parfaites. Je suivis longuement des yeux leur vol magnifique, régulier, imperturbable, obéissant à un mystérieux dessein collectif.
...Bien qu'il y soit davantage question de la tragédie que fut l'extermination des Indiens Selk'nam, les premiers habitants de la grande île australe, méthodiquement et sauvagement anéantis afin que leurs terres puissent servir de pâturage aux moutons.
Punta Arenas est une ville où passent des navigateurs et des aventuriers de toutes nationalités. Un jour, dans une taverne du port, quelqu'un qui parlait de la guerre prétendant que les marins allemands étaient des lâches. En entendant cela, un marin anglais se leva et apostropha durement le bavard. Apostropher, en langage de marin, signifie coller une paire de baffes.