Mickey Haller ne comptait pas reprendre de sitôt du service. Avocat à Los Angeles, il avait, quelques années plus tôt, récolté une sale blessure qui l'avait obligé à se retirer des affaires. Bien évidemment, il savait que son collègue Jerry Vincent -qu'il ne voyait d'ailleurs que très rarement- l'avait inscrit comme son 'avocat en second' dans les contrats qu'il présentait à ses clients, ce qui impliquait que Haller était à tout moment susceptible d'être le remplaçant de Vincent pour toutes les affaires que ce dernier contractait. Ce qu'il ignorait par contre, c'est qu'en plus de ce rôle de remplaçant, Vincent l'avait également désigné comme son successeur en cas de décès.
Le corps de l'avocat Jerry Vincent avait été découvert quelques heures plus tôt, dans le parking de son bureau. Il avait visiblement été abattu par balles. Et voilà comment Mickey reprit du service.
Jerry Vincent travaillait sur une affaire d'importance, le genre qui rapporte beaucoup de fric et dont rêvent de nombreux avocats. Il s'agissait de l'affaire 'Walter Elliot', du nom d'un magnat du cinéma accusé d'avoir assassiné sa femme et l'amant de celle-ci. Lors de leur première rencontre, Elliot se révéla exactement le genre de type que Mickey s'attendait à rencontrer : sûr de lui, clamant son innocence, autoritaire et certain que son fric lui permettrait de sortir la tête haute de cette calamiteuse histoire. Un peu trop sûr de lui d'ailleurs, au point que Haller se demande ce que Jerry Vincent a bien pu prévoir pour la défense du producteur qui rende ce dernier si peu craintif face au procès qui l'attend. Car, même s'il ne semble pas réellement s'en rendre compte, ce que risque Elliot, c'est tout simplement la peine de mort. Et, aussi doué soit-il dans son art de manipuler un jury, Mickey ne peut-il s'empêcher de penser qu'il ne dispose que de bien peu d'armes pour défendre son client, que tout accuse.
Mickey Haller est un personnage 'jeune' dans l'oeuvre de Connelly. Apparu en 2006 dans '
La défense Lincoln' (du nom des voitures depuis lesquelles il règle toutes ses affaires puisqu'il n'a pas de bureau), il n'avait depuis figuré dans aucun autre roman du père de Harry Bosch. D'ailleurs, pour que les choses soient bien claires, si la couverture de cette édition du 'Verdict du Plomb' clame haut et fort dans un sous-titre aguicheur 'Une enquête de l'inspecteur Harry Bosch', c'est par pur souci d'attirer le chaland, susceptible sans doute, dans le fait des éditions Points, d'être rebuté par un nouveau personnage. En effet, même si Bosch se révèle bien présent dans cette intrigue, c'est en tant que second couteau, toute l'histoire tournant bel et bien autour de Mickey Haller. Moins sûr de lui, moins agressif et délaissant quelque peu les habits de golden boy du prétoire qu'il avait revêtus dans sa première enquête, Haller semble ici tout autant intéressé par l'aspect financier de son métier, mais il laisse un peu plus de place à la compréhension et à l'écoute de ses interlocuteurs, allant même jusqu'à faire preuve de générosité pure. Si l'affaire Elliot capte toute l'attention dans cette intrigue, le meurtre de Jerry Vincent va également y occuper une place importante, aux côtés d'affaires mineures dont s'occupait Vincent, et que Haller se décide à assumer selon l'intérêt humain et/ou financier qu'elles semblent représenter pour lui. Selon les mêmes critères flous, il décidera d'en laisser tomber quelques-unes. La conjonction de ces différentes affaires, la motivation de Haller et de son équipe, les rapports avec les flics et les instances judiciaires de Los Angeles donnent au lecteur un portrait dès plus fidèles de cet univers. Il se révèle ainsi assez proche de celui qui nous est dépeint dans certaines séries télés, telle 'New-York District', mais depuis un autre point de vue : celui de l'avocat de le défense. Bien plus que dans un thriller, nous sommes ici au coeur d'un roman de procédure policière, à l'image des romans d'
Ed McBain ou de
Hillary Waugh, romans dans lequel les enquêteurs se révèlent imparfaits et faillibles mais néanmoins aptes à résoudre l'énigme qui s'imposent à eux, en général dans le respect des procédures légales. Ainsi du procès d'Elliot dont pas une étape, de la plus administrative à la plus démonstrative, ne nous est épargnée, même si certaines se révèlent plus développées que d'autres (la constitution du jury, qui rappelle le film 'Le maître du jeu' dans lequel
Gene Hackman montrait à quel point ses talents de manipulateur pouvaient influencer cette constitution et donc, la sentence finale) et que seul un talent littéraire tel celui de Connelly peut rendre passionnant du début à la fin. Apparemment, celui-ci prépare une deuxième enquête mêlant Bosch et Haller. Puisse-t-elle se révéler aussi complexe et tortueuse que celle-ci.