Même chose pour Roméo et Juliette, Robinson Crusoé ou Don Quichotte. Mentionnez leur nom à un homme ou à une femme ayant reçu une éducation basique et, qu’ils aient ou non lu le moindre mot provenant des textes en question, ils seront capables de vous dire que Roméo et Juliette étaient des amants maudits, que Robinson Crusoé est resté bloqué sur une île et que Don Quichotte a eu maille à partir avec des moulins à vent.
— Je pars. Je suis fatigué et je n’ai plus l’énergie de mes jeunes années. L’heure de la retraite a sonné pour moi,
Elle insistait souvent pour qu’il l’emmène au théâtre, au ballet ou dans les magasins car elle avait envie qu’ils « fassent quelque chose ensemble ». Après tout, c’était bien ainsi que se comportaient les couples, n’est-ce pas ? Mais la lecture était une entreprise solitaire. On pouvait toujours lire dans la même pièce que l’autre, ou assis côte à côte dans le lit, le soir venu, mais cela impliquait une sorte d’accord tacite, une affinité d’esprit entre les deux membres du couple. Ç’aurait été désastreux pour M. Berger de se retrouver coincé avec le genre de personne qui lit deux pages d’un roman puis, pour attirer l’attention, commence à fredonner, à tapoter des doigts, voire – Dieu l’en préserve ! – à triturer le bouton de fréquences de la radio. Sans prévenir, elle se mettrait ensuite à « faire des remarques » sur son texte, et c’en serait à jamais fini des lectures paisibles…
Il n’était ni un grand amoureux, ni un héros tragique. Il ressemblait plutôt à ces narrateurs de roman qui observent la vie des autres : des patères auxquelles l’écrivain suspend ses intrigues comme des manteaux, en attendant que les vrais acteurs du livre viennent les enfiler. Mais en lecteur passionné et vorace, M. Berger ne s’apercevait pas que la vie qu’il observait était la sienne.
Là où sont les livres, il y aura toujours autant de gens pour les détester que pour les aimer.
Et vous dites que vous êtes écrivain ?
— J’essaie. Pour être franc, je commence à me demander si j’ai le moindre talent.
— Une activité solitaire, hein, l’écriture ? Enfin, j’imagine.
— Plutôt, oui.
Ce phénomène est la conséquence naturelle de la capacité d'une librairie ou d'une bibliothèque à contenir des mondes entiers, des univers, sous la couverture de chaque livre. Dès lors, on peut dire que chaque librairie, chaque bibliothèque occupe un espace pratiquement infini. La bibliothèque Caxton pousse cette logique à l'extrême.
- Pendant vingt-quatre heures, dans tous les exemplaires existants d'Alice au pays des merveilles, le Chapelier fou a pris le thé en compagnie d'une baleine.
- Pardon ? Je ne me souviens pas de cette scéne ...
Le point de départ, expliqua M. Gedeon, c'était le public. Arrivait un moment où cetains personnages étaient devenus tellement familiers aux lecteurs - et même à ceux qui ne lisaient pas que leur existence devenait indépendante de leur vie sur la page.
Ce phénomène est la conséquence naturelle de la capacité d'une librairie ou d'une bibliothèque à contenir des mondes entiers, des univers, sous la couverture de chaque livre. Des lors, on peut dire que chaque librairie, chaque bibliothèque occupe un espace pratiquement infini. La bibliothèque Caxton pousse cette logique à l'extrême. P.100