C'est toujours avec un énorme plaisir que je retrouve
John Connolly à l'occasion de la parution d'un nouveau roman.
J'ai une affection toute particulière pour cet écrivain que j'ai chroniqué à plusieurs reprises depuis 5 ans, qui manie avec une certaine maestria l'art de l'intrigue conjugué à celui de l'illusion.
Car
John Connolly fait partie de ces auteurs insaisissables, qui jusqu'au bout parviennent à duper leurs lecteurs avec des faux-semblants, courtisant souvent l'univers fantastique sans jamais véritablement concrétiser sous sa plume, ce flirt en un mariage des genres.
Avec «
Sous l'emprise des ombres » nous retrouvons Charlie Parker le personnage fétiche de l'auteur. S'il n'est pas nécessaire d'avoir lu ses précédents livres pour s'aventurer dans celui-ci, je ne peux que vous en recommander toutefois la lecture, ne serait-ce que pour découvrir l'univers si particulier de cet écrivain et assister à l'évolution de ce personnage iconoclaste dans la littérature policière.
Dans ce nouveau roman tout commence par la mort d'un homme, celui d'un SDF. L'homme s'est suicidé. Or, peu de temps avant son geste ultime, celui-ci avait essayé de rentrer en contact avec Charlie Parker afin qu'il retrouve sa fille héroïnomane, partie semble-t-il pour Prosperus, une petite ville du Maine, et qui depuis ne lui avait plus donné de nouvelles.
Pour Parker la concordance des temps s'accorde mal. Pourquoi un homme passerait-il les dernières semaines de sa vie à accumuler un peu d'argent pour pouvoir se payer les services d'un détective si c'est finalement pour se balancer au bout d'une corde avant même d'avoir pu revoir sa fille ? Dans le quartier où tout le monde connaissait Jude pour sa générosité et sa détermination, son suicide reste d'ailleurs incompréhensible.
Parker va donc prendre l'affaire à son compte car l'autopsie du SDF va rapidement confirmer les soupçons qui pèsent sur cette mort aussi brutale qu'inexpliquée. Dès lors celui-ci n'aura plus le choix que de se rendre à Prosperus, sur les traces de cette jeune femme disparue et remonter le fil d'une histoire qui lui échappe encore.
dsdcLà-bas, c'est à un autre monde que Parker va se confronter. Celui d'une bien étrange communauté religieuse, descendante d'un groupe ayant fui l'Angleterre et ses persécutions au siècle dernier. Une communauté qui vit en totale autarcie, dont les croyances en un dieu païen entretiennent la méfiance des bourgades alentours, avec lesquelles d'ailleurs ils n'ont que peu de contacts.
Sur place, personne ne semble se souvenir de cette jeune femme dont leur parle le détective, et c'est au mieux à l'indifférence et à la méfiance, au pire à la défiance agressive que se heurte Parker, à commencer par celle du shérif des lieux.
Pourtant, dans la ville voisine, les langues se délient plus facilement, et notamment celle de Euclid Danes, qui voue une haine farouche aux habitants de Prosperus, qu'il considère comme une secte malfaisante.
C'est lui qui va donner à Parker les éléments nécessaires qui vont le mettre définitivement sur la piste de la vérité. Mais celui-ci va être semé d'embuches, et les morts vont commencer à croiser son chemin.
Un livre de
John Connolly n'est jamais un roman ordinaire. Si l'intrigue semble au départ des plus classiques, celle-ci prend très vite une tournure qui surprend toujours le lecteur, y compris celui rôdé à l'univers de l'auteur.
Et c'est souvent à des êtres maléfiques, à des forces hors du commun que l'auteur met son personnage en confrontation.
«
Sous l'emprise des ombres » n'échappe pas à la règle, avec sa galerie de portraits particulièrement sombres des habitants de cette petite communauté qui vit en autarcie sous la poigne sévère d'une matriarche décidée à la tête de son Conseil, à préserver jalousement leurs coutumes d'un autre âge, dont le sacrifice humain semble être le fondement.
Au-delà de l'intrigue du roman c'est dans une dimension plus large de lutte constante entre le Bien et le Mal que s'inscrit l'action de Parker. Un Mal qui prend un visage diffèrent à chacune de ses aventures, dont chaque roman est la pièce d'un ensemble unique qui donne une oeuvre romanesque remarquable de maîtrise et d'efficacité.
Encore une fois
John Connolly fait entendre sa voix singulière d'auteur irlandais, pétris de l'univers féerique et fantastique de son pays, qu'il sait si brillamment mélanger au noir de sa plume pour nous offrir un roman encore une fois passionnant à lire.
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