Je suis convaincu que nul homme ne comprend jamais tout à fait ses propres esquives et ruses pour échapper à l'ombre sinistre de la connaissance de soi.
Chapitre VII
Je restai planté là assez longtemps pour qu'un sentiment de solitude totale s'empare de moi, à tel point que tout ce que j'avais vu dans le passé récent, tout ce que j'avais entendu, et la parole humaine elle-même, me semblait ne plus avoir d'existence, et ne survivre qu'un instant de plus dans ma mémoire, comme si j'avais été le dernier représentant de la race humaine. C'était une impression étrange et mélancolique, née presque inconsciemment, comme toutes les illusions, dont je soupçonne qu'elles ne sont pas autre chose que des visions d'une lointaine et inaccessible vérité vaguement entrevue.
Mais savez-vous combien d'occasions j'ai laissé échapper ; combien de rêves j'ai laissé se perdre, qui s'étaient trouvés sur mon chemin ?
Il hocha la tête, plein de regret : " Je crois que certains d'entre eux auraient été très beaux - si je les avais forcés à se réaliser. "
Tout brin d’herbe a son coin de terre dont il tire vie et force ; de même l’homme est enraciné dans le sol natal dont il tire sa foi aussi bien que sa vie.
Il était peut-être résigné à mourir, mais je soupçonne qu'il voulait mourir sans accompagnement de terreurs, tranquillement, dans une sorte de transe paisible. Une certaine facilité à accepter de périr n'est pas tellement rare, mais ce n'est pas souvent que vous rencontrez des hommes dont l'âme, cuirassée dans l'amertume impénétrable de la résolution, est prête à mener jusqu'au bout une bataille vouée à l'échec, car le désir de paix se fait plus ardent à mesure que l'espoir décline, et, à la fin, ce désir arrive à vaincre le désir même de vivre.
Nous voulons de tant de manières différentes être. Ce magnifique papillon trouve un petit tas de terre et il s'y pose, dans une complète immobilité ; mais l'homme ne veut sur son tas de boue jamais rester tranquille. Il veut être comme ceci, et aussi il veut être comme cela...
Il veut être un saint, et il veut être un démon - et chaque fois qu'il ferme les yeux, il se voit comme un type très bien - bien mieux qu'il n'aura jamais la possibilité de l'être...Dans un rêve...
Le cœur humain est assez grand pour contenir tout l'univers. Il est assez vaillant pour en supporter le fardeau ; mais où trouver le courage qui le libérerait de ce fardeau ?
Je veux bien croire que nous avons tous un ange gardien, si vous m'accordez que chacun de nous possède aussi son démon familier.
Un calme merveilleux régnait sur le monde, et les étoiles, par la sérénité de leurs rayons, semblaient dispenser à la terre l'assurance d'une éternelle sécurité. La toute nouvelle lune s'incurvait et, brillant bas au couchant, elle était comme un fin copeau d'or arraché à un lingot.
Je suis prêt à croire que chacun de nous a un ange gardien, si vous, mes amis, voulez bien me concéder que chacun de nous a également un diable familier.