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Critiques filtrées sur 3 étoiles  
Une fois n'est pas coutume, je commence cette chronique par un souvenir personnel. Au décès de mon père, mon frère aîné a voulu creuser la généalogie familiale. Il a parcouru les bureaux d'État-civil, enregistré des dizaines d'actes, interrogé les plus vieux avant de se heurter aux branches de l'arbre généalogique qui s'achevaient brusquement, faute de documents, faute de certitude. Avec l'arrivée des sites de généalogie en ligne, j'ai pris le relais et pu ainsi étoffer considérablement la base de données et trouvé quelquefois des connexions amusantes avec quelques célébrités. Mais j'ai surtout découvert une formidable façon d'étudier l'Histoire et la géographie ou encore la sociologie. Claude Lévi-Strauss avait bien raison de dire que « chercher ses racines, c'est au fond se chercher soi-même : qui suis-je ? Quels sont les ancêtres qui m'ont fait tel que je suis ? Des noms d'abord, des dates, quelques photos jaunies ou, avec plus de chance, un testament, une lettre. »
Aussi c'est avec un plaisir non-dissimulé que je me suis identifié à l'auteur dans sa quête et dans sa volonté de témoigner : « Pendant des années, j'ai accumulé les questions, les traces, les signes et les preuves. J'ai fréquenté les administrations, les archives, les palais de justice. J'ai envoyé des requêtes, interrogé des fichiers, rencontré des témoins. Pendant des années, j'ai pris des notes. le temps est venu de rassembler les fragments de cette histoire et de les articuler en un récit éclairant. »
Mais l'exercice n'a rien de facile, bien au contraire. Car pour la narratrice, il va falloir passer Outre-mère, pour reprendre le titre éclairant de ce récit qui est autant chargé de silences que de bruit et de fureur. Quand la petite Lucie découvre une image pieuse dans le missel de sa mère avec cette inscription : «Hélène Morgenstern, en souvenir de la première visite de Jésus dans mon coeur, le 30 mai 1946» et qu'elle demande qui est cette personne portant le même prénom que sa mère, on lui répond qu'il s'agit d'une amie de classe.
Lucie comprend très vite qu'on essaie de lui cacher quelque chose. Que poser des questions crée un malaise. « Ma mère use avec nous de ce procédé qui a muselé toute une génération après la guerre, celle des rescapés, celle des revenus de l'enfer, celle des enfants cachés, celle des survivants. de tous ceux qui tentaient de raconter leur épouvantable histoire et qu'on a fait taire d'un "Tu n'as pas à te plaindre; au moins, toi, tu es vivant". Ils avaient survécu, leur souffrance était inaudible: on les priva de parole. Ou ils se résignèrent d'eux-mêmes au silence. »
Sauf qu'ici, ce n'est pas la douleur qui empêche de parler, mais la noirceur des actions commises. Car il apparaît très vite que Charles Morgenstern, le grand-père, s'est enfui en Allemagne, condamné à la peine de mort par contumace l'année même où sa fille fait sa communion.
Bribe par bribe, les lourds secrets apparaissent. Les fils se tissent entre les différents membres de la famille. Très vite aussi les recherches vont scinder le clan entre ceux qui préfèrent ne rien savoir et ceux qui veulent comprendre. Il y a l'histoire de l'adoption de sa mère après la fuite de son père. Il y a ensuite la question de la religion et l'éventualité d'origines juives. Il y a les alliances et les origines des branches paternelles et maternelles. Il y a enfin les oncles et tantes et tous les descendants. Patiemment, l'auteur nous détaille son enquête : « Dans les caves de cette histoire dont personne ne m'a donné les clés, j'ai trouvé des cadavres et des monstres ; quelques trésors, aussi. J'ai trié, rangé, empaqueté, nettoyé les toiles d'araignée et chassé la poussière. »
On la suit tout au long d'un passionnant parcours, car elle ne nous cache rien de ses doutes, des éclats de voix qui émaillent certaines interrogations ou indignations, de la documentation qu'elle amasse, de sa volonté de comprendre combien « la frontière est parfois mince entre ce qui fait qu'un homme devient un héros ou un traître. Combien se sont retrouvés du côté des bons ou des méchants juste parce qu'ils avaient l'opportunité qui, en fin de compte, leur a ouvert le destin. »
Tout au long du livre, on admire ce cheminement toujours sur le fil du rasoir et on découvre derrière cette famille bruxelloise le destin de millions de personnes.
Lisez Dominique Costermans et vous comprendrez – pour peu que vous ne jugiez pas – le formidable paradoxe qui les unit toutes et sur lequel elles se sont construites : « oublie, n'oublie jamais. »
Mieux que des dizaines d'essais ou de documents historiques, ce roman nous apporte une preuve cinglante, parce qu'assumée jusque dans sa noirceur la plus extrême, du devoir de mémoire.

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Le titre se justifie rapidement : passer outre le refus de la mère, passer outre et enquêter inlassablement pour savoir pourquoi il n'y a pas de grands-parents, d'oncles, de tantes… Pourquoi la mère refuse de répondre aux questions ?
Lucie a besoin de savoir d'où elle vient. « Disparus pendant la guerre ; » n'est pas une réponse. Il y a bien eu des êtres de chair, les parents de sa mère et de son père. « D'Hélène, j'ai hérité les yeux verts, les cheveux châtains, les pommettes hautes. D'Hélène, je n'ai reçu en héritage ni la généalogie, ni l'histoire des origines, ni même l'un ou l'autre grand-parent…. » , « c'est comme si j'étais née de rien. »
La quête est fastidieuse pour Lucie. Elle n'abandonne pas. « J'écris aussi cette histoire pour mes enfants. Je l'écris pour mettre à plat, comprendre, reconstituer, mettre de l'ordre. Pour transmettre. »
La découverte de ce qu'a été « l'auteur des jours de sa mère, » est douloureuse.
« Mot après mot, pièce après pièce, procès-verbal après procès-verbal, témoignage après témoignage , (…) je me coltine le compromis, la bassesse et le cynisme de celui qui fut mon grand-père. »
Ce travail a été pénible et douloureux. « de page en page, ce récit me paraît plus sec qu'un rapport de police. » Ce qui ne m'a pas empêché de le lire d'une traite ! Passées les premières pages où je devais consulter la généalogie, je ne l'ai plus lâché.
J'ajoute encore ces phrases : « Je suis la petite-fille de cet homme-là. Ce destin me pèse depuis cinquante ans. »
La filiation est dure à accepter.
Et pourtant, nombreux sont ceux qui se sont trouvés du mauvais côté.
« La frontière est parfois mince entre ce qui fait qu'un homme devient un héros ou un traitre. »
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En mai 1969, alors que Lucie s'apprête à passer sa première communion, sa mère et son père lui demandent de choisir une image pieuse pour l'évènement. Sa mère ajoute que pour le texte ils savent déjà : et elle lui montre une illustration au dos de laquelle est écrit "Hélène Morgensten, en souvenir de la première visite de Jésus dans mon coeur, le 15 mai 1946." "C'est qui, Hélène Morgenstern ?" demande Lucie. "C'est une amie de classe" se contente de lui répondre sa mère. Avec le même prénom que ma mère? s'étonne la jeune Lucie, mais elle garde ses pensées pour elle, consciente déjà qu'il y a dans cette famille des questions que l'on ne pose pas. Et cette Hélène Morgenstern, qui est bel et bien sa mère, est porteuse de nombreux et lourds secrets que Lucie, désormais adulte, s'emploie à découvrir malgré la ferme désapprobation et le mutisme maternels.
Dans ce livre, c'est la difficile et longue quête des origines qui est retracé. Sous une forme décousue, tant il est vrai que c'est rarement en une fois que l'on découvre ou comprend sa famille. Ce sont des souvenirs sous forme de flashs, des rendez-vous aux archives, des lettres reçues et envoyées qui ponctuent ce roman. Quelques informations lâchées du bout des lèvres par une mère prisonnière d'un passé qu'elle n'affronte pas ou qu'elle refuse de transmettre à son héritière légitime. C'est donc "Outre-mère" que se fait cette enquête, forcément complexe et longue, ponctuée d'avancées soudaines et de phases de stagnation.
La construction du livre est réussie, par des paragraphes et des chapitres courts, passant rapidement d'un fait à un autre, évitant la lassitude chez le lecteur. En soi ce n'est pas l'histoire en elle-même de cette famille qui est le sujet du livre, mais bien plus les mécanismes qui font que l'on tait, cache, réinvente, et déforme une histoire familiale. L'auteure approche les fantômes et les fantasmagories qui hantent nos arbres généalogiques, souvent bien différents des vérités crues et dures. C'est aussi la question du difficile et complexe héritage des enfants et petits-enfants de tortionnaires et délateurs de la seconde guerre mondiale.

Lien : https://lorenaisreadingabook..
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un premier livre qui ne m'a pas convaincue malheureusement. Peut être le thème trop sensible pour moi.
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