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Citations sur Lykaia (7)

Tous frétillent sans l'ouvrir, libres dans la contrainte, coincés entre la concentration induite par le vide sensoriel et la douloureuse transcendance de la surtension, le nirvana du rien et l'enfer du trop.
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De ma bouche ne s’échappe aucun mot, mais dans ma tête, ma réplique est cinglante. Je n’en peux plus de ce discours entendu mille fois, que j’ai moi-même tenu à une époque où j’étais plus exalté ou simplement plus naïf. Oui, oui, oui, dans ce genre d’endroit on n’en a rien à branler des tabous, on joue avec, on les moque, on les méprise et l’on méprise aussi la bonne société, répressive et sectaire. Et par la démonstration d’une curiosité sans limites, d’une ouverture d’esprit, d’une audace à aller au-devant du sombre, de l’organique, du prohibé, du sale, à explorer ces limbes qu’elle n’ose pas approcher, on lui prouve qu’elle ne contrôle rien, et nous encore moins. Qu’au fond, on lui est supérieurs, parce qu’on sait et qu’on peut, nous. Alors qu’on nous lâche la grappe, bla, bla, bla, et qu’importe la manière de prendre son pied, si on ne fait de mal à personne, ha, ha, ha.
De la merde, c’est tout.
Pas plus ici que dans le monde vanille, celui des pauvres cons rétifs aux délectables violences du subspace, la liberté n’existe. Objet ou sujet, l’autre est un enfer nécessaire, il nous enchaîne à lui. Faire fi de l’interdit implique son existence. Sans interdit, impossible de se penser en affranchi, à moins de vouloir devenir la norme et la norme, c’est la fin garantie de toute forme de licence. Et que dire de nous-mêmes, de nos vies, de ce qu’elles nous réservent, nous sommes tous prisonniers de nos propres expériences.
Libres, quelle blague.
Notre autojustification acrimonieuse d’anars de la fesse n’a guère plus de valeur que les tartufferies moralisatrices des réacs de la vertu. Tous nous manifestons la même arrogance intolérante et planquons notre dictatorial égotisme derrière de belles postures.
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AVERTISSEMENT DE L'AUTEUR

Le sigle BDSM, Bondage & discipline - domination & soumission - sadomasochisme, recouvre différentes réalités, une pluralité de pratiques et de nombreuses façons de vivre ces pratiques. Ce livre, un roman noir et sadien, fictionnel et outrancier par nature, n'a pas la prétention de dresser un tableau objectif ou exhaustif de ces univers fantasmatiques. Et s'il n'a pas non plus de vocation pornographique, il contient néanmoins des scènes explicites et violentes. Dans les pages qui suivent, tout est nuance de gris foncé. Attention, donc, avant de les parcourir.

Le titre de la première partie est extrait d'une citation de Louis Aragon : « Elle est ailleurs, elle est l'ailleurs, la fin muette de la nuit. »
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De ces lieux dont on ne revient plus, ces dédales où les corps et leurs âmes, libres, s’égarent avec volupté. Elle en rêve, la Fille aux cheveux écarlates, tandis qu’elle tressaute vers l’abîme, au rythme du monte-charge dans lequel elle s’est engouffrée comme on se planque, on se dérobe au monde, aux autres. À l’intérieur de la cabine, assez vaste pour s’entasser à vingt et trop petite pour s’échapper à plus si, tout en bas, un malheur se produisait, des autres justement, il en reste un. Du genre à terrifier le bon peuple. Percé, tatoué jusqu’aux yeux. Tribal. Massif.
Avachi sur un tabouret à côté du panneau de commande, le videur reluque la Fille emmitouflée dans son manteau en vinyle surmonté d’une peau de canin à grosses canines, modèle extra-large, avec la tête et tout, qu’on dirait tué de la veille. Difficile, dans le clair-obscur du vieil ascenseur industriel, de déterminer précisément la bestiole en question, surtout sans lunettes. Elle voit le Musclor plisser, forcer, signe qu’il en porte le reste du temps. Sans doute les oublie-t-il pour bosser, ça ne doit pas faire assez féroce. Et elle devine ce qu’il se dit : une meuf courte sur pattes, attifée de ce truc plastoc, long aux chevilles et rehaussé de sa moumoute de poils, ferait marrer la galerie. Pas cette Fille. Déjà, elle est presque aussi grande que lui. Aidée, il est vrai, par ses talons effilés. En plus, elle porte aristo, la version fetish, avec sa tignasse rousse humidifiée au gel et raidie à mi-dos, qui contraste avec la clarté de sa peau, d’un laiteux classe, doux. Ca la rend lumineuse. Son visage est triangle, ponctué d’une bouche de poupée ensanglantée au pinceau, dont la lèvre supérieure, bien dessinée, remonte avec sensualité. Le vairon saisissant de son regard perdu, à la limpidité turquoise d’un côté, bleu pollué de l’autre, impressionne ; bien plus que l’encre rouge injectée dans un salon de tatouage à l’intérieur des globes oculaires du Golgoth. Entre les deux, il y a ce nez, allongé, ni fin ni épais ni vraiment droit, avec du caractère. Son busqué casse l’ensemble et le sublime.
Elle a une gueule, cette miss, elle le sait, et le videur la mate, il ne peut s’en empêcher. Pourtant, il doit en voir défiler des bombesques, des bandantes, des à-tomber-par-terre, dans son cockpit du pauvre. Mais celle-là, c’est autre chose, elle appâte, elle capture. Elle tue. L’insistance silencieuse du mec est pesante. Et ils n’en finissent plus de s’enfoncer et de bringuebaler à chaque mètre grincé de câble dévidé. En douce, la Fille risque vers lui un œil biffé à l’eye-liner. Toujours fixé sur elle. Prêt à bondir. Ça la fait fuir aussi sec vers le plancher et replier autour de son buste des bras dont elle paraît soudain ne plus savoir que faire.
Le temps, étiré, devient insupportable.
Enfin, par-dessus les cliquetis, la Fille entend de la musique. Pas la minimal sobre à laquelle l’endroit est habitué. Ce soir, ça joue classique, Bach, les Suites pour violoncelle seul. Une requête formulée par l’invité mystère de l’hôte de la soirée. Il paraît qu’il en a besoin pour opérer en paix, cet original anonyme, hors la loi et hors de prix, dont Markus n’a pas arrêté de lui rebattre les oreilles.
Ils arrivent. Un dernier choc vertical et la porte s’ouvre sur une cave minuscule. Elle sert d’antichambre et de vestiaire au BUNK’R, club dissimulé six étages sous la rue dans l’ancien Ost-Berlin, au milieu des catacombes de béton où il n’était pas prévu de caser des morts mais plutôt des vivants, en prévision du pire. Ici, le pire est désormais de sortie toutes les nuits, ultime pied de nez des perversions de l’Ouest aux idéaux de l’Est, mais personne ne fait plus attention.
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Je regarde la Fille s'éloigner, avalée peu à peu par l'averse et son rideau grisâtre. Elle se volatilise derrière un camion. Partie. Et avec elle cette grâce terrifiante qui m'a fait dérailler jusque dans ce pays, jusqu'à la mort d'un homme - 'meurtre' c'est encore un peu tôt, je n'y arrive pas - et au kidnapping. Elle m'a fui.
Le beau m'est interdit depuis mon accident.
Je devrais démarrer, me tirer vite et loin mais je ne bouge pas, je n'en suis pas capable, submergé par le rien et privé d'énergie. Je suis triste et pourtant je ne chiale pas. Un seul de mes deux yeux est encore en état mais ce n'est pas pour ça. Lorsque, quelques jours après l'accident, je me suis réveillé du coma dans lequel on m'avait plongé, j'ai pigé tout de suite la ruine de ma vie et j'ai pleuré et pleuré, trop, c'était épuisant. À croire que je voulais assécher toutes mes larmes en une fois et une seule.
À croire que j'ai réussi.
Coup d'oeil à l'horloge de bord. La Fille a disparu depuis vingt petites minutes et le manque, déjà, s'avère insupportable. Elle ou le désir d'elle, d'une femme près de moi, cette douleur si cruelle et si belle que je croyais perdue, je ne saurais le dire, mais j'ai mal et ça me cloue et plus rien d'autre n'existe, plus personne n'a de place.
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Je fais halte sur le seuil, du spleen à ras le cœur de nous trouver ici, réduits à ce que nous sommes, la Fille et moi, une paire d'étrangers souffreteux, plongés dans un enfer de tourments et pour qui le salut passe par l'abus des douleurs de l'autre.
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Konzentration, c’est le thème de cet événement conçu par Tormenta, sorte de loge informelle, internationale, secret dans le très discret monde BDSM, dont les membres, cooptés et initiés à la dure, cherchent l’élévation spirituelle et physique, à l’instar des maçons, mais pas du tout dans le but d’obtenir le salut de leurs âmes : eux n’aspirent qu’à toujours plus de plaisir et de douleur, plus de sensations, aiment-ils dire. Autre énorme différence avec les adeptes de l’équerre et du compas, personne ne parle jamais de la confrérie en dehors de la confrérie, sous peine de sanction. La menace n’est pas vaine et, régulièrement, des rumeurs de disparitions inquiétantes refont surface dans le sillage de cette cabale des tabous et fétiches.
Tormenta n’a aucune existence physique, pas de réalité numérique. Les frères, et les sœurs, les femmes sont les bienvenues et, autant qu’on le sache, nombreuses, échangent en direct à l’oral ou, quand c’est indispensable, à l’écrit, sur papier, sans jamais souffler de nom, juste des grades, des fonctions, autre emprunt aux francs-macs. La raison de ces précautions draconiennes tient au leitmotiv de cette violente congrégation : consentir à ne plus consentir. Les activités de la loge sont en effet réservées à ceux pour qui les limites, les leurs, celles des autres, sont devenues des obstacles.
Ces limites ne sont jamais autant franchies que lors des fêtes Follow the white rabbit, organisées trois fois l’an, toujours sous des cieux différents.
Konzentration est la dernière de l’année.
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