Reynolds était donc de très humble origine, comme d'ailleurs Gainsborough, Romney et Sir Thomas Lawrence. Ces quatre peintres de la grâce aristocratique, en ce qu'elle a de plus raffiné et de plus délicat, ces grands portraitistes des duchesses, des princesses et des reines, reines de cour et reines de théâtre, avaient pour père, l'un un petit instituteur de campagne, l'autre, Gainsborough, un modeste marchand de drap; Romney un charpentier et Thomas Lawrence un obscur comédien de province. Cette coïncidence ne semble-t-elle pas assez piquante, étant donné non seulement l'idéal artistique de ces maîtres, mais aussi la grande allure de gentilshommes de haute race que gardait tout naturellement chacun d'eux dans le milieu brillant où s'épanouissait leur génie.
Du jour de son exposition, les commandes affluèrent et bientôt le bruit se répandit, aussi bien à Londres qu'à l'étranger, que l'Angleterre avait enfin son peintre, son peintre à elle, et que, plus heureux que ses prédécesseurs, George II, Pour éterniser sa royale figure, ne serait pas contraint de faire appel à des artistes étrangers comme Holbein, Antonio de Moor, Largillière, Van Dyck ou. Peter Lely. L'Angleterre avait Reynolds, natif de Plympton (Devonshire).
Ceci n'est que l'esquisse, à larges traits, de l'existence d'un des peintres les plus justement célèbres et aussi d'un de à ceux qui la fortune se montra toujours particulièrement bienveillante, car la carrière de Reynolds offre un rare exemple de prospérité constante.
Dans sa plus libre interprétation, un portrait d'homme renferme toujours une part de vérité, même celui du Régent, en dieu Pan, par Largillière. Et il faut bien reconnaître que Reynolds, qui, à l'encontre de quelques-uns de ses grands confrères anglais,ne fut pas le peintre presque exclusif de la grâce féminine avec tout son charme extérieur, a pu nous léguer des effigies viriles qui, avec une rare splendeur et une louable sincérité d'expression, vivent à travers les siècles d'une vie très humaine et très personnelle.
La plus grande partie de l'oeuvre de Reynolds fut d'ailleurs le résultat d'une tenace et laborieuse volonté, d'une ardeur tempérée par une réflexion savante. Bien que possédant d'incontestables qualités de peintre, Reynolds ne fut pas peintre de naturel, d'instinct. Rien de moins primesautier que son art, rien de plus instinctif, de plus spontané que celui de Gainsborough, son glorieux rival dont la sensibilité native s'exaltait devant la nature presque jusqu'à la souffrance
Tout en accueillant avec la plus grande sympathie cette poétiquelégende, nous nous permettons de penser que le retour de Reynolds eut une cause moins sentimentale et qu'il jugea, enfin, son périple artistique terminé, et, après de si longues heures d'études acharnées et d'observations incessantes, que l'heure avait sonné de produire à son tour et de recueillirles fruits de ses travaux et la juste réalisation de ses rêves ambitieux.