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Critiques filtrées sur 4 étoiles  
Tout d'abord, je vous propose une courte introduction sur l'auteur. Osamu Dazai est un auteur japonais incontournable de la première partie du XXème siècle. Ses écrits sont caractéristiques du style littéraire Watakushi shōsetsu, c'est à dire qu'ils sont rédigés à la première personne et comportent de nombreux éléments autobiographiques.
D'un point de vue plus personnel, c'est un auteur tourmenté qui est connu pour ses excès (alcools, drogues, femmes) et pour ses tentatives de suicides (la dernière ne fut pas qu'une tentative).

Les éditions Philippe Picquier ont choisi de réunir dans ce roman plusieurs nouvelles écrites par Osamu Dazai à des moments-clé de sa vie. Chaque texte est précédé d'une présentation de l'éditeur nous expliquant le contexte de celui-ci.
Ce choix me semble judicieux pour ce livre, car il renforce l'aspect biographique et dramatique de l'oeuvre.

Dramatique, c'est bien le mot pour décrire ce que l'on ressent à la lecture du livre. Les textes sont souvent noirs et pessimistes mais portés par une plume agile et poétique.

« On a dépassé la mi-septembre. Mon yakata immaculé n'est déjà plus de saison, et j'ai le sentiment que sa blancheur tranche sur les couleurs du soir avec un éclat trop brutal : mon chagrin n'en est que plus intense, et je prends la vie en horreur. le vent, dont le souffle vient rider l'étang de Shinobazu, est tiède et chargé d'odeurs d'égouts. Les lotus, que l'on a laissé croître sans prendre soin d'eux, commencent à pourrir : hideux tableau - ce sont autant d'images cadavériques ; et les promeneurs du soir affluent, le visage stupide et l'air épuisé : spectacle de fin du monde. »

Au début du livre, l'auteur ne m'était clairement pas sympathique. Il apparaît comme un jeune homme issu d'une famille riche avec un ego surdimensionné et qui de plus s'évertue à foutre sa vie en l'air...
Mais rapidement, on commence à comprendre son cheminement et sa souffrance. C'est un être fascinant, un homme qui cherche désespérément son chemin.


« Immobile, je pleurais. J'eus l'agréable sensation que mes larmes faisaient fondre cette frénétique raideur qui m'habitait.
Oui, j'avais perdu - et tant mieux : il le fallait. La victoire de ces êtres illuminera la route que je suivrai demain.»

Dans cette quête d'identité, on sent par moments qu'il s'apaise. Son écriture devient plus légère et il joue alors avec ses lecteurs.

« Lecteur, écoute moi : si tu es avec ta bien-aimée et qu'elle éclate de rire, tu peux t'en féliciter. Ne le lui reproche surtout pas : la signification de ce rire, c'est tout simplement qu'avec toi, elle se sent parfaitement en confiance et que ce sentiment la submerge.»

Il retombe cependant bien rapidement dans la frustration, la peur et le dégoût de lui-même. Ce cheminement est parfaitement rendu par ce livre, où l'on découvre la vie de l'auteur par le prisme déformant de ses textes. La fiction se mélange à la réalité, les faits sont déformés mais au travers de son style et de ses écrits l'auteur se met à nu. Il nous fait partager ses sentiments, nous fait entrevoir sa solitude.

« Qu'on veuille bien me pardonner. Je suis allé trop loin. Devant la vie, je n'ai pas à me comporter en accusateur ni en juge. Je n'ai pas qualité pour condamner mes semblables. Je suis un enfant du mal. Je suis maudit. J'ai commis sans doute cinquante ou cent fois plus de péchés que vous. C'est un fait : à l'heure présente encore, je suis en train de faire le mal. J'ai beau être vigilant, c'est peine perdue : il ne se passe pas de jour que je ne fasse le mal.»

Pour conclure, Cent vues du mont Fuji est le livre fort et poignant d'un auteur tourmenté dans une période chaotique. Un livre indispensable pour qui veut découvrir les grands auteurs japonais.

Note : 8/10

Pour lire mes chroniques :
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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La première fois que j'ai entendu parler d'Osamu Dazai, c'était en regardant l'adaptation animée du manga Bungô Stray Dogs, de Kafka Asagiri et Harukawa 35. Les personnages principaux de ce seinen portent en effet le nom de grands auteurs de la littérature japonaise, et ont un pouvoir nommé d'après une de leurs oeuvres. Dazai est sans conteste le personnage le plus emblématique de cette série, et apparaît comme un jeune homme complexe. Sous ses airs de séducteur impertinent et puéril, se cache un fin stratège au passé trouble et habité par de constantes pulsions suicidaires.

Intrigué par ce personnage, j'ai donc décidé de découvrir le véritable Osamu Dazai par ses livres. Son roman le plus connu, La déchéance d'un homme, n'ayant pas été réédité depuis longtemps en France et étant donc difficile à trouver, j'ai finalement jeté mon dévolu sur ce recueil de nouvelles, attiré par son titre et sa belle couverture.

Cent vues du mont Fuji s'ouvre sur une préface de grande qualité, permettant au lecteur de faire connaissance avec l'auteur et son oeuvre. J'ai ainsi appris que la majorité des écrits de Dazai sont de la fiction autobiographique, directement inspirée de sa vie. Cette introduction fut extrêmement instructive et m'a donné de nombreuses clés pour comprendre ma lecture. Il me paraît donc indispensable de débuter cette chronique en vous exposant brièvement ce que j'y ai appris sur la vie de Dazai.

De son vrai nom Tsushima Shûji, Dazai est né en 1909, huitième enfant d'une des familles les plus influentes de la préfecture d'Aomori, au nord de Honshû. S'il a commencé à écrire très jeune, Dazai se forgea une réputation de dandy décadent dès sa vie étudiante, recherchant la compagnie des belles femmes et l'ivresse plutôt que la réussite dans ces études. Cette réputation lui collera à la peau toute sa vie, et sera aggravée par ses multiples tentatives de suicide. Certains d'entre eux étaient des "suicides amoureux", ce qui lui a causé plusieurs démêlés avec la justice. Son activité d'écrivain alternait entre des moments très prolifiques et d'autres quasiment exempts du moindre écrit significatif, Dazai étant sujet à la dépression nerveuse et au syndrome de la page blanche, qui avaient pour effet d'aggraver ses addictions à la morphine et à l'alcool. Cette irrégularité dans sa production littéraire, complétée par une vie dissolue et scandaleuse, sans parler de son comportement outrageux en public, provoquèrent le mépris de la majorité de ses pairs, qui ne lui ont attribué aucune distinction prestigieuse de son vivant. En revanche, les écrits de Dazai, ainsi que son personnage, étaient très populaires auprès du grand public, notamment dans la dernière décennie de sa carrière et de sa vie. Accablé par la maladie et par les démons de ses addictions, il acheva son chef d'oeuvre en forme de testament, La déchéance d'un homme, un mois avant de se suicider avec sa dernière compagne le 13 juin 1948.

Après cette introduction commence le recueil, composé de 18 écrits, où Dazai se raconte. Ces récits, souvent très courts, sont introduits par une note du traducteur et illustrés par une photographie d'archive, qui permettent de les restituer dans leur contexte historique et dans la vie de l'auteur. J'ai trouvé cet effort didactique, soutenu tout au long de l'ouvrage, très appréciable !

Si les textes de ce recueil sont présentés dans leur ordre chronologique de publication, la narration fragmentaire de Dazai, caractéristique de son style, a tendance à perdre le lecteur. En effet, à partir de l'exposition d'un événement particulier de sa vie, l'auteur se remémore des anecdotes, des impressions, des sensations, des petites choses apparemment sans importance, mais qui donnent, à mon sens, tout leur intérêt à ces récits ! On est ainsi à la croisée du journal intime, du témoignage et de l'album photo : Dazai note ses opinions (souvent très tranchées, on sent le goût de la provocation !), confie ses joies, mais aussi ses faiblesses et ses angoisses, tout ceci étant mêlé à des souvenirs de lieux, de personnes, souvent sans structure apparente et avec pas mal d'humour et d'autodérision. L'ensemble est ainsi brut et très vivant, et bien qu'une certaine poésie empreinte de beaucoup de nostalgie plane sur ces écrits, il y a ici peu de place pour le lyrisme ou le fantastique. Les épisodes de la vie de Dazai exposés ici ne se sont peut-être pas déroulés exactement de cette manière, mais tout est si parfaitement crédible et ancré dans la réalité que l'on y croit.

J'ai beaucoup apprécié cette première rencontre avec Dazai, son personnage et son époque. Chaque texte de ce recueil peut être abordé de différentes manières, et je suis certain que, derrière l'apparente simplicité de leurs propos, se cachent plusieurs niveaux de lecture, difficiles à cerner la première fois. C'est typiquement le genre d'ouvrage que l'on peut lire plusieurs fois au cours d'une vie, en trouvant toujours quelque chose de différent. En ce qui me concerne, les images qui se sont dégagées de cette lecture si réaliste m'ont laissé une empreinte forte. À travers le regard cynique et ironique de Dazai, davantage témoin qu'acteur des événements plus ou moins banals de son quotidien, j'ai vu revivre le Japon du siècle dernier, de l'insouciance des années 1930 jusqu'aux premières années de l'après-guerre dans un pays endeuillé de sa gloire passée. Je lirai très probablement ses autres recueils avec le même plaisir, et je me souviendrai sans doute longtemps de ces Cent vues du mont Fuji

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J'avoue ma méconnaissance de la littérature japonaise, quelques auteurs, un ou deux livres par-ci par-là, quelques mangas tout au plus. Et puis ce livre d'Osamu Dazai qui me tombe dans les mains par hasard, plus attiré par le titre et la couverture, mais sans savoir que l'auteur y déverserait son désespoir et s'y moquerait de l'icône nationale japonaise.
C'est la découverte d'un homme tout d'abord, car les nouvelles du recueil ont une large base autobiographique. Dans un pays encore rigide et conformiste, Dazai s'est livré à la débauche dans une vie qui lui apparaissait comme un enfer sans fin. Criblé de dettes et vivant aux crochets de sa riche famille, il avait la passion de l'excès : femmes, alcool, drogue, tentatives de suicide. Mais cet homme pouvait écrire les textes les plus beaux, les plus douloureux et les plus drôles. Ce qui m'a frappé à leur lecture, c'est l'honnêteté brutale qui s'en dégage. Pas celle liée à la véracité des faits, car on s'arrange toujours plus ou moins avec la réalité. Mais une honnêteté dans les réactions de Dazai face aux événements, comme s'il était à la recherche d'une vérité au-delà des apparences, la vérité sur l'âme humaine.
Les premières nouvelles ne m'ont pas plu et j'étais décontenancé par leur présentation éditoriale. Séparées par des photos de l'auteur et introduites par un bref paragraphe précisant le lien entre le texte et la biographie, j'étais perdu ne sachant ce qui relevait du littéraire ou du documentaire. Puis petit à petit, la magie de l'écriture a fait son effet et j'ai fini envoûté. Tout le contraire d'un voyage chez les Bisounours, "Cent vues du mont Fuji" est une plongée dans le désenchantement, une suite d'histoires largement autobiographiques dans lesquelles Dazai, très tourmenté, dresse de manière intime son portrait d'artiste impénitent et nous raconte sa vie de décadent en mélangeant sans cesse humour, émotion murmurée et emportement.
Les nouvelles sont classées par ordre chronologique, ce qui permet de comprendre comment l'écrivain a évolué. J'ai trouvé qu'au fil des années son écriture se simplifiait pour aller vers plus de brièveté et de naturel. Homme au caractère tourmenté, il est dans ses nouvelles à l'affut des blessures de ses contemporains (la voix d'un ivrogne dans « I can speak », la vallée de larmes entre les seins d'une femme dans « Les cerises »), de leurs afflictions (les adieux sur les quais de gare dans « Le train »), de leurs déchirures (les retrouvailles avec la fille d'une ancienne maitresse morte dans « Merry Christmas »). La nouvelle la plus terrifiante est pour moi « Huit tableaux de Tokyo » dans laquelle Dazai décrit sa longue déchéance. Sorte de brève esquisse biographique, il y détaille ses diverses tentatives de suicide pendant une dizaine d'années dans une écriture simple, claire, qui va droit au but et qui m'a touché.
Dans la nouvelle « Cent vues du mont Fuji », il tente de transmettre le charme des paysages japonais peut-être pour apaiser son mal de vivre, mais il en ressort surtout un surprenant et irrévérencieux plaisir de l'auteur à démolir l'icône nationale qu'est le mont Fuji en se plaignant des artistes qui l'embellissent toujours dans leurs représentations. Dans « L'aurore », Dazai raconte de manière franchement émouvante l'histoire d'une famille qui tente de survivre aux bombardements américains pendant la guerre. Son écriture est directe, mais en aucun cas sèche, donnant à la lecture de cette nouvelle l'allure d'un reportage poignant et captivant sur les lieux de bombardements.
Des éclaircies illuminent de temps à autre cet univers obscur : une histoire cocasse avec un chien errant dans « Le chien », la beauté d'une jeune fille dans une station thermale dans « Belle enfant ».
Même si ce recueil de nouvelles ne brille pas par ses manifestations de joie, ces histoires sarcastiques m'auront été précieuses pour me faire une idée de cet auteur désespéré à l'écriture franche et directe, et plus largement pour m'intéresser à ce courant de la littérature japonaise qui, sur le mode de la confession, décrit l'enfer de la société japonaise et expose le côté sombre de la vie des auteurs et le style de vie décadent qu'ils mènent. Une surprenante découverte pour moi.
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Cent vues du mont Fuji est le titre d' une des nombreuses nouvelles qui sont réunis dans ce recueil. Un point commun entre toutes, chacune trouve son origine dans la propre histoire de l'auteur. Alors certes toutes ne sont pas de qualité égale et j'ai parfois été gênée par la manière dont l'auteur parle de son alcoolisme, avec un dédain vis à vis de ses proches après cette attitude correspond certainement à une réalité.
J'ai beaucoup aimé cette édition car outre une introduction et une postface très intéressante. Il y a avant chacune des nouvelles un court passage replaçant le texte dans le contexte qui a amené Osamu Dazaï à l'écrire. La lecture en est véritablement enrichi.
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Cette fois, ce n'était plus mon testament que j'écrivais. J'écrivais pour vivre. (…)
Et soudain me revint en mémoire l'idée de mes Huit tableaux de Tôkyô. Comme les motifs d'une lanterne magique, les images du passé se mirent à tourner en moi. (…)
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