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Connaissez-vous DAZAI Osamu (1909-1948), l'enfant terrible des lettres japonaises ? L'écrivain à la vie dissolue, qui se met à nu dans chacun de ses livres ?

Cette anthologie chronologique de dix-huit nouvelles à la première personne, « certaines étant plus fictives que d'autres"; précise Didier Chiche dans son introduction, permet de donner cent vues du personnage. L'introduction puis les préfaces pour chacune des nouvelles aident à se repérer dans la vie pour le moins chaotique de l'artiste et donnent également des précisions d'ordre culturel.
Osamu a fait de ses tourments, de ses faiblesses, de ses excès, de son dégoût de lui-même, de son désespoir incommensurable, la matière de ses livres. Il se dédouble sans arrêt, du début à la fin de sa vie. Il vous prend d'abord par la manche, vous guide chaleureusement dans sa vie comme dans ses voyages. Il fait de vous son confident, avec auto-dérision, simplicité et drôlerie. Et puis il vous assène des vérités terribles.
L' écriture de Dazaï a bien sûr évolué au fil des ans mais on la reconnaît. Elle a l'air prise sur le vif alors qu'elle est totalement maîtrisée, moderne, riche d'effets et va bien au-delà du récit-confession.
Osamu écrit sur les contradictions du Japon, sa bien-pensance et sa dureté mais aussi sur son désarroi et son humiliation et puis sur sa beauté de toute éternité. Son Japon multi-faces, est raconté dans la formidable nouvelle éponyme. le Fuji c'est Dazaï, quand il devient populaire. Iconique, stéréotypé, laid, vaniteux mais si on fait l'effort de bien le regarder, finalement beau et digne.
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J'ai passé de nombreuses semaines avec ce recueil d'Osamu Dazai. Mauvais signe ? Pas du tout ! Ici, c'était bien pour prendre le temps de déguster chacun des textes. Je ne reviendrai pas sur le contenu de chacun d'entre eux, tellement je me suis évertué à mettre en ligne de multiples citations. En fait, je n'en avais jamais mis autant tirées d'une même oeuvre. Sans être forcément toutes de pures perles littéraires, elles ont le mérite de dévoiler et reconstituer tel un puzzle la personnalité et le destin de cet écrivain finalement assez peu connu en France, et pourtant aujourd'hui très cher au coeur des japonais.

En effet, à travers ces récits, Dazai nous livre tout simplement ses mémoires : une rencontre, un moment dans sa vie, un état d'esprit, lui offrent autant de prétextes à se raconter. Pour saisir d'un trait sa vie particulièrement agitée et tragique, le récit « Huit tableaux de Tôkyô » est sans doute le plus éloquent et complet. Pour faire court, celui qui est né Shûji Tsushima, au sein d'une famille bourgeoise à la nombreuse fratrie, s'est très vite inscrit en rebelle contre son milieu, y compris politiquement, étant attiré par les idées communistes. Il rêve d'une carrière littéraire sans totalement s'en donner les moyens, faute de persévérance et surtout en raison d'un caractère fantasque, mêlant un fort égocentrisme et un manque de confiance en lui chronique. Amoureux des drogues, et de la bouteille, où il engloutit le peu d'argent qu'il gagne, il vit trop souvent grâce à l'aide financière d'un de ses frères. Il en profite, mais très endetté, il se sent coupable et bon à rien. Pourtant, il possède bien un talent littéraire naturel, qu'il gâche trop souvent. Il est obligé de bouger au moment de la guerre, deux habitations successives ayant été détruites par les bombardements. D'abord marié à une ancienne prostituée, il est trompé plusieurs fois, et finit par se séparer de cette femme qui finalement aura sans doute le plus marqué sa vie sentimentale. Il se remariera…Et après deux tentatives de suicide infructueuses plus tôt dans sa vie, il finira à la quarantaine par y parvenir, accompagné d'une jeune maîtresse. Car entre ses fréquents moments de dépression, le bougre est aussi un cabotin qui aime séduire. Une personnalité à la fois autocentrée et masochiste, qui se révèle au fil des pages à la fois agaçante et finalement très attachante, car lucide, mais un poil naïf avec les femmes, et non dénué d'humour et d'auto-dérision. Un adolescent ! Sa mort prématurée laisse à son oeuvre un goût d'inachevé et des regrets. Elle est riche de nombreuses nouvelles, mais force est de constater que ses deux romans phares, La déchéance d'un homme et Soleil couchant, ont été écrits dans les toutes dernières années de sa vie…alors même que, dans l'intuition qu'il ne vivrait pas vieux (il pense très souvent au suicide), il intitulera précisément son premier recueil de nouvelles bien structuré, publié en 1936, « Mes dernières années ». Cent vues du Mont Fuji est une oeuvre clé pour comprendre le parcours de vie de cet étonnant artiste.

Un mot sur le style, qui selon moi est la marque d'un écrivain populaire qui ne sacrifie pas la qualité : à une dominante faite de simplicité, qui flirte parfois avec la platitude, se mêlent de nombreux passages de très haute tenue littéraire. La traduction influant évidemment sur l'impression laissée au lecteur français, il est difficile de dire si cette apparence d'une certaine inconstance en est le résultat où si c'est une caractéristique de la version nippone. C'est probablement le cas, ce qui traduirait l'instabilité de l'auteur dans sa personnalité même.

Un écrivain à découvrir sans faute en ce qu'il s'inscrit parmi les géants de la littérature japonaise du XXème siècle, et parce qu'il est une icône pour une partie de la jeune génération de Japonais.
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Les récits présentés dans cette anthologie sont tous autobiographiques. Dazai s'y met en scène, non sans malice, en se jouant des conventions et des apparences, sans fard, en étant brillant et drôle, mais aussi, le plus souvent, sarcastique et cruel, écrasé, après avoir mené une vie des plus dissolues, sous le poids de ses fautes et obsédé par la mort. Dazai devrait sans doute repousser le lecteur, tant il s'est abandonné à son pessimisme, à ses passions et ses vices. Or, il semble qu'il puisse aussi l'attirer comme un aimant, sans doute parce qu'il a mis dans son oeuvre autant de lui même, avec cette irrévérence et sincérité qui le caractérisaient.
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Tout d'abord, je vous propose une courte introduction sur l'auteur. Osamu Dazai est un auteur japonais incontournable de la première partie du XXème siècle. Ses écrits sont caractéristiques du style littéraire Watakushi shōsetsu, c'est à dire qu'ils sont rédigés à la première personne et comportent de nombreux éléments autobiographiques.
D'un point de vue plus personnel, c'est un auteur tourmenté qui est connu pour ses excès (alcools, drogues, femmes) et pour ses tentatives de suicides (la dernière ne fut pas qu'une tentative).

Les éditions Philippe Picquier ont choisi de réunir dans ce roman plusieurs nouvelles écrites par Osamu Dazai à des moments-clé de sa vie. Chaque texte est précédé d'une présentation de l'éditeur nous expliquant le contexte de celui-ci.
Ce choix me semble judicieux pour ce livre, car il renforce l'aspect biographique et dramatique de l'oeuvre.

Dramatique, c'est bien le mot pour décrire ce que l'on ressent à la lecture du livre. Les textes sont souvent noirs et pessimistes mais portés par une plume agile et poétique.

« On a dépassé la mi-septembre. Mon yakata immaculé n'est déjà plus de saison, et j'ai le sentiment que sa blancheur tranche sur les couleurs du soir avec un éclat trop brutal : mon chagrin n'en est que plus intense, et je prends la vie en horreur. le vent, dont le souffle vient rider l'étang de Shinobazu, est tiède et chargé d'odeurs d'égouts. Les lotus, que l'on a laissé croître sans prendre soin d'eux, commencent à pourrir : hideux tableau - ce sont autant d'images cadavériques ; et les promeneurs du soir affluent, le visage stupide et l'air épuisé : spectacle de fin du monde. »

Au début du livre, l'auteur ne m'était clairement pas sympathique. Il apparaît comme un jeune homme issu d'une famille riche avec un ego surdimensionné et qui de plus s'évertue à foutre sa vie en l'air...
Mais rapidement, on commence à comprendre son cheminement et sa souffrance. C'est un être fascinant, un homme qui cherche désespérément son chemin.


« Immobile, je pleurais. J'eus l'agréable sensation que mes larmes faisaient fondre cette frénétique raideur qui m'habitait.
Oui, j'avais perdu - et tant mieux : il le fallait. La victoire de ces êtres illuminera la route que je suivrai demain.»

Dans cette quête d'identité, on sent par moments qu'il s'apaise. Son écriture devient plus légère et il joue alors avec ses lecteurs.

« Lecteur, écoute moi : si tu es avec ta bien-aimée et qu'elle éclate de rire, tu peux t'en féliciter. Ne le lui reproche surtout pas : la signification de ce rire, c'est tout simplement qu'avec toi, elle se sent parfaitement en confiance et que ce sentiment la submerge.»

Il retombe cependant bien rapidement dans la frustration, la peur et le dégoût de lui-même. Ce cheminement est parfaitement rendu par ce livre, où l'on découvre la vie de l'auteur par le prisme déformant de ses textes. La fiction se mélange à la réalité, les faits sont déformés mais au travers de son style et de ses écrits l'auteur se met à nu. Il nous fait partager ses sentiments, nous fait entrevoir sa solitude.

« Qu'on veuille bien me pardonner. Je suis allé trop loin. Devant la vie, je n'ai pas à me comporter en accusateur ni en juge. Je n'ai pas qualité pour condamner mes semblables. Je suis un enfant du mal. Je suis maudit. J'ai commis sans doute cinquante ou cent fois plus de péchés que vous. C'est un fait : à l'heure présente encore, je suis en train de faire le mal. J'ai beau être vigilant, c'est peine perdue : il ne se passe pas de jour que je ne fasse le mal.»

Pour conclure, Cent vues du mont Fuji est le livre fort et poignant d'un auteur tourmenté dans une période chaotique. Un livre indispensable pour qui veut découvrir les grands auteurs japonais.

Note : 8/10

Pour lire mes chroniques :
Lien : http://www.les-mondes-imagin..
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Très belle lecture, avec de faux airs de "facilité". on ne peut pas parler de ce livre sans aborder la vie de son auteur; Osamu Dazai, car c'est de lui qu'il s'agit dans cette série de nouvelles plus ou moins courtes. Dazai est né au sein d'une famille privilégiée du Japon, il a trois frères aînés,et je ne sais plus combien de soeurs, deux je crois,et ce n'est pas anodin d'en avoir oublié le nombre , il n'en parle quasiment jamais, contrairement à ses frères.Le père meurt assez tôt dans la vie de cette famille influente, et c'est au frère aîné, âgé alors d'environ vingt ans, de s'occuper de la famille. Dès le début, Dazai montre des signes de "turbulences". Il est l'enfant terrible au coeur tendre, incapable d'exprimer ses émotions, mort de timidité avec tout le monde, la tête pleine de rêve et de projets, mais aussi de dégoût envers tout le monde et de "malaise" quant à ses origines. Il balance sans arrêt entre l'absolue certitude de son génie, et le désespoir complet devant sa "nullité", entre le mépris pour ce que pensent les autres -écrivains ou non- de son oeuvre, et le désir secret, douloureux d'avoir leur approbation. Alors il se comporte honteusement, s'endette, boit, ne finit pas ses études alors qu'il la promis tant de fois- et sincèrement- à son frère afin que celui ci continue de l'aider financièrement. Et quand rien ne va (c'est à dire presque tout le temps), que la douleur l'envahit, il tente de se suicider, plusieurs fois, seul ou accompagné, et se rate à chaque fois , (mais pas celle qui l'accompagne), jusqu'à cette dernière tentative. Sans oublier les maladies, la toxicomanie, la guerre. Cent vues du mont Fuji parle de tout ça, sans détour, simplement, très simplement, avec un style qui semble être l'évidence même de l'écriture, directe, mais tout en profondeur et sincérité. Les descriptions sont limpides, lumineuses. Les nouvelles sont tantôt drôles, tantôt touchantes, et d'autres fois douloureuses (avec l'impression de voir le Tombeau des Lucioles). Et c'est toujours Dazai qui se lamente, se plaint, promet de faire des efforts, avoue ses torts, mais reprend ses vieilles habitudes....et pas une fois il n'est condamnable, parcequ'il souffre, profondément, et c'est superbement retranscrit dans ce livre, donnant envie de voir ce que ça donne avec une oeuvre de fiction.
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Osamu Dazai (1909–1948) dont le vrai nom est Shuji Tsushima est l'un des écrivains japonais les plus célèbres du XXe siècle, où il fait l'objet d'un véritable culte. Cent Vues du mont Fuji est paru en 1993.
L'ouvrage est un recueil de dix-huit nouvelles largement autobiographiques où l'écrivain se livre sans complexes. Il faut admettre qu'il a matière à écrire car si sa vie fut courte, elle fut aussi riche en expériences éprouvantes. Très jeune attiré par l'écriture, le suicide de son écrivain préféré Akutagawa Ryūnosuke en 1927, changera son destin. Il délaisse alors ses études et s'enfonce lentement dans une vie dissolue tout en tentant d'écrire et se faire publier. Fils de bonne famille, l'un de ses frères entrera à la Diète (parlement japonais) durant quelques mois, il est rejeté et ne survivra que grâce à la modeste somme qui lui est versée chaque mois. Communiste, alors que ce parti est clandestin au Japon, il est souvent arrêté par la police, amateur de femmes, il se mariera plusieurs fois et aura plusieurs enfants, il boit beaucoup, se drogue un peu. Sorte de dandy nippon, son caractère dépressif le poussera au suicide à de nombreuses reprises sans suites tragiques, jusqu'à ce 13 juin 1948 où il se noie avec sa dernière compagne dans un canal.
Ce sont ces éléments de vie qui nourrissent l'inspiration de Dazai, mais s'il part de faits réels et vécus, il sait faire oeuvre d'écrivain en leur ajoutant sa touche ou disons plutôt, en les transposant pour en faire de la littérature. On découvrira ses années de jeunesse dans Mes frères, sa profonde détresse dans Paysage doré ou encore le Tokyo d'après-guerre dans Merry Christmas pour ne citer que quelques exemples.
Nouvelles ou journal intime, le lecteur a du mal à faire la différence car tous les textes sont écrits à la première personne du singulier, d'une écriture très fluide sans afféterie. Ce qui peut surprendre par contre, ce sont ces traits d'humour qui parfois éclosent à la surface de ce fleuve sombre, car ne nous leurrons pas, l'idée du suicide est omniprésente induite par son pessimisme profond et sa souffrance perpétuelle, « ma vision du monde, l'art, la « littérature de demain », la « nouveauté », tout cela donnait lieu à des interrogations répétées, qui m'angoissaient et – je n'exagère pas – me torturaient ».
Le bouquin est complété par une introduction biographique de Ralph F. Mc Carthy particulièrement intéressante puisqu'elle permet de remettre dans leur contexte les nouvelles qu'on s'apprête à lire. Mais c'est surtout la courte postface du traducteur Didier Chiche qu'il ne faut pas rater, et même parcourir en premier car nous expliquant comment lire l'écrivain. « Dazai n'arrive peut-être pas à donner le meilleur de lui-même lorsqu'il recherche le lié, le suivi. Mais il est incomparable dans le fragmentaire et le discontinu. En somme ce qu'il y a de plus important chez Dazai, c'est peut-être le rythme. »
Malgré la réputation littéraire de l'écrivain et la postface déjà évoquée, j'avouerai que ce n'est pas mon Japonais préféré. Les artistes maudits et autodestructeurs, certes, certes…
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Première lecture de cet écrivain très célèbre au Japon. Je dois dire avoir eu un peu de mal avec cette lecture. Ce recueil de 18 nouvelles retrace une grande partie de la vie de l'auteur : Il parle de ses vingt ans, de son premier suicide d'amour (raté), de sa poursuite (laborieuse) dans ses études, de ses premiers pas en tant qu'écrivain, de sa famille et de sa vie pendant la seconde guerre mondiale. L'auteur est très centré sur lui même, il se cherche, boit énormément. D'une famille aisée, il reçoit une maigre pension d'un des ses frères : il est donc à la fois riche par rapport à de nombreux de ses contemporains car il n'a pas réellement besoin de travailler et pauvre par rapport à ce dont il a eu l'habitude dans sa jeunesse. Dans l'édition que j'ai emprunté à la bibliothèque , un court passage présente chaque nouvelle dans le contexte de l'époque et cela m'a bien aidé à comprendre la vie de cet écrivain.
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J'ai aimé certaines de ses réflexions sur sa façon d'écrire et de rechercher l'inspiration (Par exemple dans cet extrait de la nouvelle "I can speak") : "Comme elles sont pénibles, ces nuits d'efforts obstinés et ces aubes de désespérance! Qu'est-ce donc que vivre en ce monde : se contraindre à la résignation ? Supporter la misère ? Ainsi, au fil des jours disparaît la jeunesse, rongée petit à petit. Il faut pourtant trouver le bonheur en ce monde....
Ma voix était devenue muette ; et dans le désoeuvrement de ma vie tokyoïte, je me mis à écrire, fragment par fragment, des textes qui, à défaut d'être des chants, méritaient bien d'être appelés "morceaux de vie" : ainsi ma propre création m'aida-t-elle à prendre conscience de la voie qui serait désormais la mienne en littérature. Petit à petit, un sentiment qui ressemblait à de la confiance s'empara de moi".P91
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J'ai également aimé certaines descriptions très poétiques comme celle- ci dans la nouvelle "Belle enfant" : (Cette nouvelle se passe dans un sanatorium où Dazai accompagne sa femme, soignée pour une maladie de peau).
"A l'angle opposé du bassin se trouvaient trois personnes, accroupies et formant un groupe serré : un vieillard d'à peu près soixante-dix ans, au corps tout noir et raide, et au visage étrange, parcheminé et rétréci ; une vieille du même âge, petite et maigre, et dont la poitrine laissait deviner les côtes, saillantes comme les lattes d'un volet. Avec sa peau jaunie et ses seins qui évoquaient des sacs de thé flétris, elle faisait pitié. Ce couple n'avait pas même figure humaine : on aurait dit des blaireaux réfugiés dans un trou et regardant tout alentour. Mais entre eux, il y avait , tranquillement installée, une jeune fille qu'ils semblaient protéger - leur petite fille, peut être...Et elle était d'une merveilleuse beauté : une perle attachée à ces coquillages hideux- ou plutôt, protégée par ces coquillages noirâtres. Comme je ne suis pas homme à épier les choses et les gens du coin de l'oeil, je l'observais bien en face. Elle devait avoir seize ou dix-sept ans, dix-huit, peut-être....Son corps, un peu pâle, ne donnait cependant aucune impression de faiblesse : grand et ferme, il me faisait penser à une pêche verte. Shiga Naoya dit quelque part que le moment où la femme est la plus belle est celui où elle devient nubile - expression qui m'avait surpris par sa hardiesse. Or, maintenant qu'il m'était donné de contempler le corps nu de cette beauté, je me disais que dans les mots de Shiga, il n'y avait pas la moindre lubricité : comme pur objet d'observation, ce corps me parut d'une splendeur qui touchait au sublime." p98
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"Le chien" est la seule nouvelle qui m'ait fait rire : par son sens de l'autodérision, l'auteur, tout en déclarant détester les chiens se comporte comme s'il les aimait. Il se voit poursuivi par un chien qui peu à peu prend une place très importante dans sa vie, sous le regard un peu narquois de sa femme.
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J'ai également aimé la nouvelle Pa-pa où l'auteur raconte sa vie pendant la seconde guerre mondiale, il perd deux fois son logis dans des bombardements, se retrouve hébergé dans de la famille, sa fille étant gravement malade aux yeux. Dazai Osamu écrit de très belles pages sur le sentiment de responsabilité d'être parent (ce qui ne l'empêche pas de "gaspiller" ses économies en achetant 10 bouteilles de whisky)
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En conclusion : Malgré quelques très bons passages, j'ai ressenti une (petite) déception donc avec ce recueil (peut être en attendai-je trop? ). L'auteur est trop tourmenté ou trop narcissique (c'est d'ailleurs le titre d'une nouvelle : Narcissisme et cigarettes) pour moi peut être.....

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Dazai Osamu est mort en 1948, mais il fait toujours l'objet d'un culte au Japon. Pour avoir été en révolte contre une société rigide et conformiste, il demeure l'éternel favori des jeunes gens. C'est un riche héritier d'une famille de classe dirigeante; qui le bannit pour avoir sympathisé avec les idées communistes. de ce fait, il restera très souvent dépendant de son frère, chef de la famille et devra toujours trouver les moyens pour survivre. Ses relations avec les femmes ont été sources de beaucoup de scandales : il a vécu avec une geisha de basse extraction, puis a laissé une jeune femme, qu'il connaissait à peine, mettre fin à ses jours dans le premier des trois "suicides d'amour" et, comble du scandale, il a exploité ces événements pour en faire la source de son inspiration littéraire. Tout cela est décrit ou suggéré de façon romancée dans Les Cent vues du mont Fuji.
Mr Dazai est un écrivain maudit, qui s'est noyé dans l'alcool, les femmes et autres. Ce que l'on ressent à travers ce livre c'est surtout son désespoir, une lucidité cruelle sur ses insuffisances et tout ce qu'il détruit (lui-même et autour de lui). Mais en même temps, les épisodes se succèdent harmonieusement, de façon c'est dynamique, et c'est bourré d'humour et d'auto-dérision. L'épisode du chien errant est hilarante et très savoureuse. Enfin, j'aime la nostalgie dans les descriptions de la vie quotidienne du Japon au début du siècle.
Lien : http://toshoedwige.blogspot...
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La première fois que j'ai entendu parler d'Osamu Dazai, c'était en regardant l'adaptation animée du manga Bungô Stray Dogs, de Kafka Asagiri et Harukawa 35. Les personnages principaux de ce seinen portent en effet le nom de grands auteurs de la littérature japonaise, et ont un pouvoir nommé d'après une de leurs oeuvres. Dazai est sans conteste le personnage le plus emblématique de cette série, et apparaît comme un jeune homme complexe. Sous ses airs de séducteur impertinent et puéril, se cache un fin stratège au passé trouble et habité par de constantes pulsions suicidaires.

Intrigué par ce personnage, j'ai donc décidé de découvrir le véritable Osamu Dazai par ses livres. Son roman le plus connu, La déchéance d'un homme, n'ayant pas été réédité depuis longtemps en France et étant donc difficile à trouver, j'ai finalement jeté mon dévolu sur ce recueil de nouvelles, attiré par son titre et sa belle couverture.

Cent vues du mont Fuji s'ouvre sur une préface de grande qualité, permettant au lecteur de faire connaissance avec l'auteur et son oeuvre. J'ai ainsi appris que la majorité des écrits de Dazai sont de la fiction autobiographique, directement inspirée de sa vie. Cette introduction fut extrêmement instructive et m'a donné de nombreuses clés pour comprendre ma lecture. Il me paraît donc indispensable de débuter cette chronique en vous exposant brièvement ce que j'y ai appris sur la vie de Dazai.

De son vrai nom Tsushima Shûji, Dazai est né en 1909, huitième enfant d'une des familles les plus influentes de la préfecture d'Aomori, au nord de Honshû. S'il a commencé à écrire très jeune, Dazai se forgea une réputation de dandy décadent dès sa vie étudiante, recherchant la compagnie des belles femmes et l'ivresse plutôt que la réussite dans ces études. Cette réputation lui collera à la peau toute sa vie, et sera aggravée par ses multiples tentatives de suicide. Certains d'entre eux étaient des "suicides amoureux", ce qui lui a causé plusieurs démêlés avec la justice. Son activité d'écrivain alternait entre des moments très prolifiques et d'autres quasiment exempts du moindre écrit significatif, Dazai étant sujet à la dépression nerveuse et au syndrome de la page blanche, qui avaient pour effet d'aggraver ses addictions à la morphine et à l'alcool. Cette irrégularité dans sa production littéraire, complétée par une vie dissolue et scandaleuse, sans parler de son comportement outrageux en public, provoquèrent le mépris de la majorité de ses pairs, qui ne lui ont attribué aucune distinction prestigieuse de son vivant. En revanche, les écrits de Dazai, ainsi que son personnage, étaient très populaires auprès du grand public, notamment dans la dernière décennie de sa carrière et de sa vie. Accablé par la maladie et par les démons de ses addictions, il acheva son chef d'oeuvre en forme de testament, La déchéance d'un homme, un mois avant de se suicider avec sa dernière compagne le 13 juin 1948.

Après cette introduction commence le recueil, composé de 18 écrits, où Dazai se raconte. Ces récits, souvent très courts, sont introduits par une note du traducteur et illustrés par une photographie d'archive, qui permettent de les restituer dans leur contexte historique et dans la vie de l'auteur. J'ai trouvé cet effort didactique, soutenu tout au long de l'ouvrage, très appréciable !

Si les textes de ce recueil sont présentés dans leur ordre chronologique de publication, la narration fragmentaire de Dazai, caractéristique de son style, a tendance à perdre le lecteur. En effet, à partir de l'exposition d'un événement particulier de sa vie, l'auteur se remémore des anecdotes, des impressions, des sensations, des petites choses apparemment sans importance, mais qui donnent, à mon sens, tout leur intérêt à ces récits ! On est ainsi à la croisée du journal intime, du témoignage et de l'album photo : Dazai note ses opinions (souvent très tranchées, on sent le goût de la provocation !), confie ses joies, mais aussi ses faiblesses et ses angoisses, tout ceci étant mêlé à des souvenirs de lieux, de personnes, souvent sans structure apparente et avec pas mal d'humour et d'autodérision. L'ensemble est ainsi brut et très vivant, et bien qu'une certaine poésie empreinte de beaucoup de nostalgie plane sur ces écrits, il y a ici peu de place pour le lyrisme ou le fantastique. Les épisodes de la vie de Dazai exposés ici ne se sont peut-être pas déroulés exactement de cette manière, mais tout est si parfaitement crédible et ancré dans la réalité que l'on y croit.

J'ai beaucoup apprécié cette première rencontre avec Dazai, son personnage et son époque. Chaque texte de ce recueil peut être abordé de différentes manières, et je suis certain que, derrière l'apparente simplicité de leurs propos, se cachent plusieurs niveaux de lecture, difficiles à cerner la première fois. C'est typiquement le genre d'ouvrage que l'on peut lire plusieurs fois au cours d'une vie, en trouvant toujours quelque chose de différent. En ce qui me concerne, les images qui se sont dégagées de cette lecture si réaliste m'ont laissé une empreinte forte. À travers le regard cynique et ironique de Dazai, davantage témoin qu'acteur des événements plus ou moins banals de son quotidien, j'ai vu revivre le Japon du siècle dernier, de l'insouciance des années 1930 jusqu'aux premières années de l'après-guerre dans un pays endeuillé de sa gloire passée. Je lirai très probablement ses autres recueils avec le même plaisir, et je me souviendrai sans doute longtemps de ces Cent vues du mont Fuji

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J'avoue ma méconnaissance de la littérature japonaise, quelques auteurs, un ou deux livres par-ci par-là, quelques mangas tout au plus. Et puis ce livre d'Osamu Dazai qui me tombe dans les mains par hasard, plus attiré par le titre et la couverture, mais sans savoir que l'auteur y déverserait son désespoir et s'y moquerait de l'icône nationale japonaise.
C'est la découverte d'un homme tout d'abord, car les nouvelles du recueil ont une large base autobiographique. Dans un pays encore rigide et conformiste, Dazai s'est livré à la débauche dans une vie qui lui apparaissait comme un enfer sans fin. Criblé de dettes et vivant aux crochets de sa riche famille, il avait la passion de l'excès : femmes, alcool, drogue, tentatives de suicide. Mais cet homme pouvait écrire les textes les plus beaux, les plus douloureux et les plus drôles. Ce qui m'a frappé à leur lecture, c'est l'honnêteté brutale qui s'en dégage. Pas celle liée à la véracité des faits, car on s'arrange toujours plus ou moins avec la réalité. Mais une honnêteté dans les réactions de Dazai face aux événements, comme s'il était à la recherche d'une vérité au-delà des apparences, la vérité sur l'âme humaine.
Les premières nouvelles ne m'ont pas plu et j'étais décontenancé par leur présentation éditoriale. Séparées par des photos de l'auteur et introduites par un bref paragraphe précisant le lien entre le texte et la biographie, j'étais perdu ne sachant ce qui relevait du littéraire ou du documentaire. Puis petit à petit, la magie de l'écriture a fait son effet et j'ai fini envoûté. Tout le contraire d'un voyage chez les Bisounours, "Cent vues du mont Fuji" est une plongée dans le désenchantement, une suite d'histoires largement autobiographiques dans lesquelles Dazai, très tourmenté, dresse de manière intime son portrait d'artiste impénitent et nous raconte sa vie de décadent en mélangeant sans cesse humour, émotion murmurée et emportement.
Les nouvelles sont classées par ordre chronologique, ce qui permet de comprendre comment l'écrivain a évolué. J'ai trouvé qu'au fil des années son écriture se simplifiait pour aller vers plus de brièveté et de naturel. Homme au caractère tourmenté, il est dans ses nouvelles à l'affut des blessures de ses contemporains (la voix d'un ivrogne dans « I can speak », la vallée de larmes entre les seins d'une femme dans « Les cerises »), de leurs afflictions (les adieux sur les quais de gare dans « Le train »), de leurs déchirures (les retrouvailles avec la fille d'une ancienne maitresse morte dans « Merry Christmas »). La nouvelle la plus terrifiante est pour moi « Huit tableaux de Tokyo » dans laquelle Dazai décrit sa longue déchéance. Sorte de brève esquisse biographique, il y détaille ses diverses tentatives de suicide pendant une dizaine d'années dans une écriture simple, claire, qui va droit au but et qui m'a touché.
Dans la nouvelle « Cent vues du mont Fuji », il tente de transmettre le charme des paysages japonais peut-être pour apaiser son mal de vivre, mais il en ressort surtout un surprenant et irrévérencieux plaisir de l'auteur à démolir l'icône nationale qu'est le mont Fuji en se plaignant des artistes qui l'embellissent toujours dans leurs représentations. Dans « L'aurore », Dazai raconte de manière franchement émouvante l'histoire d'une famille qui tente de survivre aux bombardements américains pendant la guerre. Son écriture est directe, mais en aucun cas sèche, donnant à la lecture de cette nouvelle l'allure d'un reportage poignant et captivant sur les lieux de bombardements.
Des éclaircies illuminent de temps à autre cet univers obscur : une histoire cocasse avec un chien errant dans « Le chien », la beauté d'une jeune fille dans une station thermale dans « Belle enfant ».
Même si ce recueil de nouvelles ne brille pas par ses manifestations de joie, ces histoires sarcastiques m'auront été précieuses pour me faire une idée de cet auteur désespéré à l'écriture franche et directe, et plus largement pour m'intéresser à ce courant de la littérature japonaise qui, sur le mode de la confession, décrit l'enfer de la société japonaise et expose le côté sombre de la vie des auteurs et le style de vie décadent qu'ils mènent. Une surprenante découverte pour moi.
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Thèmes : suicide , biographie , littératureCréer un quiz sur ce livre

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