AccueilMes livresAjouter des livres
Découvrir
LivresAuteursLecteursCritiquesCitationsListesQuizGroupesQuestionsPrix BabelioRencontresLe Carnet
3,9

sur 479 notes
Les livres audio ne font pas partie de ma pratique de lectrice. Pourtant, en achevant le roman d'Alfred Döblin (quelques 600 pages, paru en 1929 et qui a bénéficié d'une magnifique seconde traduction en français par Olivier le Lay en 2009), j'ai pensé immédiatement que j'aimerais écouter ce livre lu par des comédiens. Lire "Berlin Alexanderplatz", c'est en effet participer à un chaos sonore, un choeur de voix de registres très différents : l'argot berlinois, mêlé de yiddish, des conversations de bistrot ou de rue avec en fond sonore le bruit répétitif de la rame du tramway, des refrains ("clap clap clap font les mimines, tap tap tap font les bottines, des slogans publicaitaires, des nouvelles extraites des journaux, juxtaposées avec un récit mythologique (Oreste et Agamemnon) ou un autre biblique (les malheurs de Job, le sacrifice d'Isaac), Döblin allant jusqu'à reproduire des bulletins métérologiques, des extraits de jugements administratifs, ou même faire appel aux lois et formules de Newton pour décrire la dispute violente de Franz et Ida avec un fouet à pâtisserie et ses conséquences meurtrières !
"Berlin Alexanderplatz", j'en avais entendu parler il y a longtemps, lorsque je découvrais les films de Fassbinder. le cinéaste allemand a en effet tourné une adaptation du roman de Döblin pour la télévision allemande, diffusée en 1980 sous la forme de quatorze épisodes d'une durée totale de 15h30. Sans avoir vu cette série (disponible maintenant sur youtube), le titre m'évoquais donc une oeuvre monumentale ( de fait, le roman de Döblin est considéré comme une oeuvre majeure de la littérature allemande) à laquelle j'hésitais à me confronter. L'histoire est en elle-même banale. C'est celle de Franz Biberkopf, un ancien débardeur, qui sort tout juste de la prison de Tegel à Berlin, après y avoir purgé une peine de quatre ans pour avoir tué sa maîtresse Ida et qui se fait la promesse d'être honnête. Mais Biberkopf va vite retomber dans les combines, rencontrer un double maléfique en la personne de Reinhold, perdre un bras, se comporter en proxénète avec Mieze qu'il aime pourtant, atterrir à l'asile. Franz est-il un naïf ? A-t-il une "araignée au plafond" ? Ses monologues s'apparentent souvent à une sorte de bégaiement mental (même si c'est à Reinhold qu'il arrive de bégayer). C'est souvent la phrase même de Döblin qui se répète, saccadée comme le rythme du tramway. Franz Biberkopf semble emporté par le flux de la grande ville, sa volonté dissoute dans le kaléidoscope urbain. "Il en va de l'homme comme du bétail. Comme celui-ci meurt, il meurt aussi" (titre du châpitre sur les abattoirs de Berlin).
"Marche, marche, nous partons à la guerre, cent musiciens partent avec nous, fifres et tambours, roum badaboum boum, pour les uns ce sera droit, pour les autres de guingois, les uns restent debout, les autres se rompent le cou, les uns courent encore, les autres tombent raides morts, roum badaboum boum".
Commenter  J’apprécie          50
C'est avec grande fierté que j'annonce avoir lu au complet ce livre rempli de « disgression instructive sur certains événements publics et privés survenus à Berlin, printemps 1928. »
Ce n'est pas une mince affaire. Après un pénible échec de lecture d'Ulysse de James Joyce, j'ai mis mon ambition et mon orgueil au maximum pour vaincre les cents premières pages et trouver un rythme de croisière. Je me suis perdue et j'ai sombré quelques fois. Mais telle une Walkyrie, j'ai affronté le monde mystérieux d'Alfred Döblin pour me congratuler de ma persévérance.

Ce roman relate l'histoire de l'ancien débardeur Franz Biberkopf qui sort de la prison de Tegel. En gros, c'est cela. Mais tellement plus!
Il purgeait une peine de quatre ans pour avoir tabassé un peu fort sa femme Ida, battue à mort avec un rouleau à pâte. À sa sortie, il se promets d'être un nouvel humain, de ne pas reproduire les erreurs précédentes, bref, d'être honnête. Il doit donc réaménager sa vie pour échapper à sa prison intérieure et briser les cloisons imposées par la justice.

« Les murs se dressaient devant ses yeux, c'est eux qu'il contemplait sur le sofa, contemplait sans désemparer. C'est un grand bonheur d'habiter dans ces murs, on sait comment la journée commence et comment elle se poursuit. »

Tout se déroule passablement bien jusqu'à la rencontre avec Reinhold, souteneur et petite fripouille de bas étage. Ce sont des années de misère noire, le Berlin des années vingt. Ce Reinhold fascine Franz et lui crée des problèmes avec les femmes. Car Reinhold s'amourache rapidement et se débarrasse aussi vite. Franz accepte également un travail supposément honnête et qui s'avère être un cambriolage. Il vient de mettre un bras dans l'engrenage de la violence et de l'escroquerie.
Après de multiples aventures, il rencontre une jeune femme, Mieze, qui s'amourache de lui et le fait vivre. L'histoire de cette Mieze est à briser le coeur. Si l'auteur nous décrit des destins de femmes très durs, celui de Mieze bat tous les records.

Comme on dirait, ce roman est tout simple car
« l'essentiel, tout simplement, c'est la façon dont l'immensément banal et/ou invraisemblable est raconté ici. »
Et en même temps, ce roman est complexe de sensations, de méli-mélo d'émotions, de gens ordinaires avec des destins extraordinaires.
Le mélange d'événements historiques avec la fiction maintient l'intérêt car même insignifiants, tous les personnages ont une raison d'être. On sent vivre la ville, le passage des tramways, l'odeur de la misère. On arpente le cerveau de Franz, ses illusions, ses désirs, son aliénation. Un grand roman qu'il faut appréhender avec abnégation. Rester humble et ne pas vouloir tout saisir et comprendre. Pourquoi ne pas le relire un jour, question de faire la paix!

« bois, bois, frérot, bois, laisse tes tracas au boulot, évite douleurs, évité soucis, alors la vie n'est qu'plaisanterie, évite douleurs, évite soucis, alors la vie n'est qu'plaisanterie. »
Commenter  J’apprécie          258
Par où commencer pour parler de ce roman époustouflant ? D'abord je l'ai laissé traîner des années sans dépasser la première page. Je n'accrochais pas du tout. Et puis j'ai pris la nouvelle traduction, j'ai commencé la première page en la lisant à haute voix, et j'ai tout de suite apprécié cette prose que j'appréhendais tant : elle a du rythme, des accélérations, des ratés, on y sent les bruits et le va-et-vient incessant dans la ville, le parler populaire. Chapeau au traducteur !
Des tas de choses m'ont certainement échappés : certains des événements de l'époque mentionnés, à peu près toutes les références à des chansons de l'époque. Quelques notes n'auraient pas été inutiles, mais d'un autre côté cela aurait nuit au rythme de la lecture, si important ici. Alors, tant pis ! Et puis aussi il y a toutes ces références à des personnages bibliques ou mythologiques (Job, Oreste, ...). C'est certainement important pour le sens profond du roman, mais même indépendamment du sens, ces passages sont comme de grandes respirations dans le récit. S'il existe une version audio, cela doit être très intéressant ! En tout cas, c'est un livre que j'ai refermé en me disant qu'il faudra absolument que je le relise un jour.
Donc c'est un roman qui nécessite beaucoup de lâcher-prise de la part du lecteur pour passer outre ce qui lui échappe et se laisser porter par son ressenti par moments. Par ailleurs l'histoire est assez simple, comme l'écrit Fassbinder dans le texte qui accompagne cette édition, "l'histoire de Franz Biberkopf, fraîchement sorti de prison, en 1928, après avoir été condamné à quatre ans pour avoir tué sa compagne d'alors avec un fouet à pâtisserie, et qui fait le serment d'être désormais honnête, n'arrive pas à se tenir à cette décision, n'est jamais qu'une succession, parfois incroyablement brutale, de petites histoires en vrac, désaccordées et qui, pour chacune d'elles, pourraient fournir à la presse à scandale la plus immonde les gros titres les plus obscènes. L'essentiel, dans Berlin Alexanderplatz, n'est donc pas son histoire, voilà bien une chose que ce roman partage avec d'autres romans de la littérature universelle". Où est donc l'essentiel, en dehors de la langue et de l'histoire ? Dans l'atmosphère, dans le portrait de Berlin en 1928, la peinture du Lumpenprolétariat et des bas-fonds berlinois avant même la crise de 1929, tout un monde de faibles et de laissés pour compte que la ville va engloutir, un sentiment de catastrophe annoncée, de désastre en cours illustré par la descente aux enfers de Bibenkopf. Comme Bardamu il va au bout d'un voyage au bout de la nuit (ils ont en commun aussi d'avoir fait la guerre, ils sont de la même génération, les deux fréquentent des milieux populaires mais Bardamu a aussi d'autres fréquentations et passerait pour un intello à côté de Bibenkopf). Autre point commun : Döblin, comme Céline et son Bardamu, était un médecin des quartiers populaires. Aucune place n'est laissée au suspense, bien au contraire le narrateur nous annonce par avance la suite des événements ou que ça va encore aller plus mal, parfois simplement par les têtes de chapitre. La position du narrateur est riche et complexe, il n'est pas neutre, s'adresse au lecteur, invective ses personnages auxquels il laisse cependant une place prépondérante. Il y a des scènes incroyables et mémorables : la description des abattoirs, l'hôpital psychiatrique, …
Au premier degré la morale semblerait que l'homme n'a qu'à se soumettre sans lutter car de toute façon sa destinée, la vie, ce qui doit arriver, … l'emportera, quoi qu'il veuille. Mais en filigrane l'auteur nous dit aussi qu'il est bon et nécessaire de lutter de toutes nos forces sans jamais abandonner. Quand à la toute fin du roman elle résonne curieusement quand on songe à la suite de l'Histoire Allemande.
Berlin Alexanderplatz, quelle écriture ! C'est une lecture que je n'oublierai pas de sitôt.
Commenter  J’apprécie          542
Évitez cette traduction, elle est bien en dessous de la richesse de la langue de Döblin. Lisez la version d'Olivier Lelay, non expurgée, bien plus brutale, plus proche du texte de Döblin.

La raison est dans cet extrait d'interview d'Olivier Lelay:

Dans la traduction de 1933, il manque des chapitres entiers – les plus difficiles à traduire -, les contresens abondent et surtout deux éléments disparaissent : l'écriture simultanée et polyphonique de Döblin et la langue drue, heurtée des personnages. Zoya Motchane, sans doute par souci de confort pour le lecteur, renonçait à ce brouillage permanent des fréquences qu'opère Döblin. Les changements de niveau de langue ne sont pas rendus, la langue bâtarde de Döblin est unifiée et épurée. Surtout, le langage de ces gens de la rue, Franz, Reinhold, Mieze, ce parler rugueux, rocailleux, se change en une langue de petit-bourgeois qui s'encanaille. On est transporté d'un coup chez Dabit et Carco, dans un fantasme de langue populaire. Les écorchures et la violence du texte de Döblin s'estompent. C'est ce que j'entends par les exigences modernes d'une traduction : ne pas s'aligner sur une quelconque homogénéité collective, ne pas anéantir au nom d'une quelconque lisibilité tout ce qui fait l'originalité d'un texte.

Source dans le lien ci-dessous
Lien : https://aberlin.fr/berlin-al..
Commenter  J’apprécie          90
Voulez-vous  de l'original, du jamais lu voire du bizarre ? Vous êtes au bon endroit. La nouvelle traduction sortie en 2009 est un travail d'orfèvre tant la langue ici restituée est singulière. Imaginez des dialogues marseillais traduits en allemand...! La lecture de ce récit est ardue, elle demande de la patience et de la persévérance à la limite de l'obstination. L'énigme de ce livre est un chemin de curiosité qui repose sur la capacité de l'auteur à nous emmener dans de longues disgressions, tantôt des sortes de notices techniques, tantôt quelque chose ressemblant à un article de presse, voire un dépliant touristique. Tout cela avec le plus grand sérieux en mode pince sans rire. Dublin a une inépuisable énergie pour nous mener par le bout du nez jusqu'au bord de l'ennui puis nous replonger dans l'histoire avec de longs dialogues et quels dialogues ! Joutes oratoires entre des gens qui partagent des existences minables dans une ville honteuse de sa défaite, en proie à d'inextricables collapses économiques et politiques, bientôt au sommet de l'échelle du pire. L'histoire de Franz Biberkopf (tête de castor en francais) qui sort de prison pour tenter d'affronter le destin du malheur est une lente descente aux enfers, comme un symbole de cette époque fatale.
Berlin Alexander Platz est l'oeuvre majeure d'un écrivain juif allemand réfugié aux États Unis pendant la période nazie. Il témoigne de la gangrènisation inéluctable d'une société humiliée. Laissons le dernier mot à Fassbinder dans la postface :"L'essentiel dans Berlin Alexander Platz n'est pas dans son histoire (...) c'est la façon dont l'immensément banal et invraisemblable est raconté ". Voilà tout est dit ou presque. le reste, c'est entre autres l'histoire qui s'écrit à Berlin dans l'après 1918.  Biberkopf est spectateur et acteur des luttes entre communistes et nazis, lent délitement d'une population appauvrie, amoindrie, apeurée sans espoir d'une vie meilleure. A lire ou à fuir ? A lire comme quelque chose d'unique.
Commenter  J’apprécie          131
Ca clopine, clop, clop et des carrefours s'immiscent sans crier gare, le narrateur s'invite, il raconte ce qu'il voit et ce qu'il veut que le lecteur voie. Une place, un endroit autour de quoi les choses vibrent et vivotent, et virevoltent (suite logique). le ton est presque bonhomme, les langages sont naturels, sont ce qu'ils sont à l'oreille, ce qu'ils sont sur une place. Les bruits, ça bruite. Et sous ce ton ou avec ce ton, des horreurs se passent, la brutalité, la violence, la mort sonnent comme les petits tracas quotidiens, desquels Döblin n'a pas ôté les petits tracas du quotidien. C'est bien ça pour moi le tour de force.

Je vous assure : ce livre est une plaie à lire. Il faut vouloir le continuer et le finir. C'est dur, ça souffre. Malgré je le répète un ton de semblant badin, baladin (suite logique) quasi désinvolte. Qui me plaque presque un sourire alors que tout est affreux et pathétique. Enfin, c'est faux, car il y a une amitié incroyable, des sentiments d'amour aussi...
Et tout ça dans un Berlin qui s'enfonce. Un univers qui s'écroule en presque douceur.
Joyce croisé avec Kennedy Toole et Rabelais, ou aussi ou plutôt, un reportage journalistique sans commentaire(s) (mais avec quand même quelques commentaires.)
Tout ça mais pas ça non plus. Bref, Je ne sais pas trop ce que j'ai lu.

Alors Bruno, chef d'oeuvre ? Chef d'oeuvre, allez, oui. Ca ne peut pas être autre chose.
Commenter  J’apprécie          152
Après avoir purgé sa peine pour avoir tué sa femme, Franz Biberkopf sort de prison.
Malgré ses bonnes intentions de mener une vie tranquille, il cède au chant des sirènes et sombre dans l'obscure et sordide vie nocturne berlinoise.

Avis :
Immersion totale dans la noirceur du Berlin des années 1920, à déguster au son des albums de la période berlinoise de Bowie, Low, Heroes et Lodger.
Lien : https://delicesdelivres.go.y..
Commenter  J’apprécie          40
BERLIN ALEXANDERPLATZ d' ALFRED DÖBLIN
Franz sort de prison bien décidé à rester honnête et à ne pas y retourner, mais dans le Berlin de la fin des années 20 en pleine crise économique, suite à la première guerre mondiale, la vie d'un ex taulard est bien compliquée. Il va essayer autant qu'il pourra mais la rencontre avec Reinhold va sceller son avenir.
C'est un roman fait de sensations, de détails, on suit Franz dans son quotidien, les filles qui vont l'aider, celles qu'il va faire travailler, ses dérives alcoolisées dans les bistrots berlinois et tous ses plans plus ou moins foireux.
Berlin alexanderplatz, c'est surtout et avant tout, un style incroyable, quiconque a lu le Voyage de Céline ou l'Ulysse de Joyce, ne peut s'empêcher de penser à ces deux ouvrages. Döblin éructe les mots, les phrases, il les balance comme des pavés, on sort de cette lecture épuisé,sonné mais enrichi de constater qu'on aurait pu passer à côté de ce bijou. Écrit en allemand, le pauvre traducteur a dû bien souffrir.
Commenter  J’apprécie          110
Mais quelle purge!!!
je l'ai lu. En entier. Je me suis forcée pour en arriver à bout ... c'est finalement peut-être ce que voulait l'auteur... que le lecteur galère autant que son personnage...
Et pourquoi ai-je voulu aller au bout? Pour essayer de comprendre ce qui lui vaut tant de louanges. Bon, ben je n'ai pas compris. Ou alors je n'ai rien compris.
Il faudra qu'on m'explique ce qui fait qu'un auteur reste dans les annales de la littérature, ce en quoi ce roman est un monument de la littérature allemande. En tant qu'ancienne étudiante en lettres, je peux comprendre l'intérêt stylistique d'étudier un passage, de l'analyser... mais 613 pages... Une purge, je vous dis!!! (et tant pis si je me mets à dos ceux qui ont aimé!)
Passez votre chemin... vous avez mieux à lire.
Commenter  J’apprécie          11
Il parait que c'est un chef d'oeuvre... Et que le style est fascinant, novateur, bouleversant. Encore un exercice de style qui n'a pas su m'emporter.
Commenter  J’apprécie          10




Lecteurs (1749) Voir plus



Quiz Voir plus

Quiz: l'Allemagne et la Littérature

Les deux frères Jacob et Whilhelm sont les auteurs de contes célèbres, quel est leur nom ?

Hoffmann
Gordon
Grimm
Marx

10 questions
416 lecteurs ont répondu
Thèmes : littérature allemande , guerre mondiale , allemagneCréer un quiz sur ce livre

{* *}