Elle mangeait sa nourriture sans la goûter parce qu'elle avait décidé, des années plus tôt, que le goût n'était pas l'essentiel. L'essentiel, c'était de vider son assiette.
jouissif. L'écriture de Don Delillo, touffue et volatile pour reprendre les mots d'un critique, m'apparait come un bloc compact d'intelligence. Et si on s'y perd un peu dans ce grand ballet des personnages et des époques, on savoure le présent du moyen, peu importe le dessein. Mon chouchou américain.
Sœur Edgar avait toutefois cessé de frapper les enfants depuis des années, bien avant de devenir trop vieille pour enseigner.
Et de quoi se rappelle-t-on, finalement, quand tout le monde est rentré chez soi et que les rues sont vides de dévotion et d’espoir, balayées par le vent du fleuve ?
Consommer ou mourir. Voilà le commandement de la culture. Et tout ça se termine à la décharge.
L'idée c'est de mourir bien préparé, mourir dans la légalité, avec tous les papiers signés. Mourir liquide, pour qu'ils puissent convertir en espèces.
Des hommes qui entrent et sortent des toilettes, des types qui referment leur braguette en se détournant de l'urinoir et d'autres qui s'en approchent, en pensant à où ils veulent se mettre, à côté de qui et pas à côté de qui, et la bonne vieille puanteur du stade et sa moisissure sont réunies ici, des marées de bière, de merde et de cigarettes, d'épluchures de cacahuètes, de désinfectant et de pisse par millions au fil des générations, et leurs pensées suivent ce cours ordinaire qui permet aux gens de glisser tout au long d'une vie, des pensées sans rapport avec les événements, le bourdonnement poussiéreux de qui on est, des hommes qui se fraient un chemin dans les toilettes pendant le match, les allées et venues, les bites qu'on sort et la mine pensive de ceux qui pissent.
- Je réfléchissais, je travaillais, je dessinais, je faisais des petites huiles et des grands fusains, et finalement je me suis rendu compte. Ce n'est pas Marilyn que je veux, c'est une fausse Marilyn. Je voulais un air fabriqué. Je ne voulais pas Monroe, je voulais Mansfield. Toute en lèvres gonflées et des nichons d'enfer. Je veux dire, c'était tellement évident et ça m'a pris l'éternité, merde.
-Est-ce que j'ai déjà vu un film avec Jayne Mansfield ?
-Non, personne. Aucune importance. Elle ne pouvait pas tenir dans un film, dit Acey. Et il y a eu toutes les autres Marilyn. D'un côté on ne peut jamais avoir trop de Marilyn. D'autre part dès l'instant où Marilyn est morte, toutes les autres bombes sexuelles sont mortes avec elle. Elles ont été comme bannies philosophiquement de l'existence. Jayne n'a survécu à Marilyn que cinq ans, et pendant près de quatre ans et demi sur cinq elle a été exclue, lessivée, battue par son mari numéro je ne sais plus combien, et il ne restait plus rien d'autre que les films de récupération et la boisson à mort.
Ce sont les trains qu'il faut taguer. Les trains arrivent en grondant dans les passages aux rats tous pareils et puis tu te fais un train et il t'appartient, il se voit partout sur le réseau, et tu entres dans la tête des gens et tu leur vandalises les yeux.
Il a fallu trouver des moyens de nous débarrasser de nos rebuts, d'utiliser ce dont nous ne pouvions nous débarrasser, de retraiter ce que nous ne pouvions pas utiliser. Les ordures résistaient. Elles s'élevaient et se répandaient. Et elles nous forçaient à développer la logique et la rigueur qui allaient conduire à des études systématiques de la réalité, à la science, à l'art, à la musique, aux mathématiques.