Pas une parcelle d'humain n'est intouchable et, certains jours, je me dis même que je ferais bien de me dépêcher de mourir avant qu'ils n'inventent et n'appliquent des folies diaboliques pour maintenir les vieux dans un état surnaturel.
"Il s'est produit quelque chose qui a grandi, qui de livre en livre s'est mis à accaparer mes yeux, mon souvenir et toutes les parties de mon corps. Je me souviens d'avoir été fascinée par le miracle des bons livres qui arrivaient au bon moment de la vie. Ceux qui parfois tombaient des étagères pour venir répondre à des questions que me posait l'existence. J'ai récupéré ainsi la patience à une époque où je serais partie dans l'exaspération, découvert les vertus de l'amour rêvé, abandonné le voyage à d'autres vies, rangé le meurtre au rayon de l'impossible. J'ai tout vécu, j'ai mille ans et je le dois aux livres."
Comment pourrait-elle comprendre que lire, à mon époque, c'était avant tout dépenser de la lumière, perdre son temps à ne rien faire ?
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Il ne peut y avoir de décisions innocentes quand les enfants deviennent les parents de leurs parents. J'ai maintenant cessé d'être votre refuge pour devenir votre fardeau.
Les miroirs n'ont aucune importance quand on vit depuis très longtemps dans le regard amoureux d'un être que l'on connaît par cœur.
En amour plus qu'ailleurs, le silence est préférable aux mots dits. Je goûte l'instant, je jouis du silence pour conjurer le temps.
Ma jolie Denise a fait refaire son nez. Elle a tourné la tête pour fuir mon regard quand je m'en suis étonnée. Elle ne pensait pas que je le verrais ! Comment la fabrication d'un nez par un chirurgien aurait-elle pu abuser une mère auteur de l'original ? Moi qui ai si souvent passé mes doigts sur cet appendice qui lui donnait un profil de statue égyptienne. Je n'ai rien dit, mais elle a perdu cette grâce qui émanait de la gêne qu'elle en avait, une sorte de timidité adolescente qui s'est dissoute dans son assurance d'être enfin débarrassée d'un handicap.
La plupart des lecteurs de romans sont des lectrices et je crois moi que si les femmes lisent tant c'est parce qu'elles peuvent entendre ce qui n'est pas dit et qu'elles n'ont jamais peur que les sentiments laissent sur elles ces traces qui existent déjà dans leur coeur.
Je me souviens d'avoir été fascinée par le miracle des bons livres qui arrivaient au bon moment de la vie. Ceux qui parfois tombaient des étagères pour venir répondre à des questions que me posait l'existance. J'ai récupéré ainsi la patience à une époque où je serais partie dans l'exaspération, découvert les vertus de l'amour rêvé, abandonné le voyage à d'autres vies, rangé le meurtre au rayon de l'impossible. J'ai tout vécu, j'ai mille ans et je le dois aux livres.
Albert est un homme "Il était une fois" et c'est à la suite de ce début plein de promesses que ma vie ressemble depuis que je le connais.