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sur 752 notes

Critiques filtrées sur 5 étoiles  
Del Amo développe un style ne mettant aucun gant pour plonger le lecteur dans la violence, l'âpreté du monde, la noirceur des sentiments qui l'habitent et, semble-t-il, l'apathie de ceux qui, confrontés à ces puissances destructrices, ne montrent que peu de velléité et de volonté à s'extraire de cette brutalité, négation même de leur personne !
Jean-Baptiste del Amo nous avait déjà montré cette furie avec « Règne animal », livre décrivant la violence bouseuse, merdique qui s'abattait sur un monde rural n'arrivant plus à vivre dignement du fruit de son labeur. Comme on était loin alors de la nature champêtre du brave laboureur ou du semeur au geste auguste qui, à midi, s'arrêtaient et ôtaient le chapeau pour prier l'Angelus avant de casser la croûte avec un bout de fromage , de saucisson et une franche goulée de vin du pays !
Ici, la violence de la nature, celle de l'environnement comme celle de l'homme, est rude, toujours présente même si larvée. ‘Elle' et le fils ne peuvent vivre que sur le qui vive ou l'abandon à l'horreur. Et malgré cette violence omniprésente, difficile à digérer, le lecteur suit l'auteur là où il nous entraîne tant sa plume est efficace, précise, évocatrice.
Hors de toute violence mais dans une recherche d'y échapper, ne fusse qu'un moment, je vous laisse découvrir une scène quasi cinématographique, montrant la puissance d'évocation de Jean-Baptiste del Amo.
« Dans la salle de bains, elle ouvre le débit du pommeau de douche, se ravise, ferme la bonde de la baignoire et tourne le robinet pour couvrir le bavardage lointain des hommes.
Elle s'assied sur le rebord du bac, gagnée par une grande lassitude, ses mains posées de chaque côté de ses cuisses sur les carreaux de faïence. Elle reste sans bouger, le regard sur le tapis de bain rose à ses pieds, bercée par le bruit de l'eau qui s'écoule à gros remous, par la vapeur légèrement chlorée qu'elle sent monter derrière elle, se déposer sur les cheveux de sa nuque et embuer la pièce. »
On voit cette scène, on la prendrait bien en photo, à la Hamilton, avec une belle jeune blonde embuée dans un décor pastel … Et l'auteur de poursuivre :
« Elle se déshabille, abandonne ses vêtements au sol, étend ses jambes alourdies, ses bras aux articulations noueuses endolories par les mêmes gestes répétés tout le jour. Elle entre dans le bain fumant … »
En une phrase, la blonde est partie. On a changé de film, on nous a troqué la jeune blonde pour une vieille fatiguée de vivre ! Hé oui, l'auteur excelle dans la description, mieux, la suggestion. On lit, on a le film en tête, on s'y voit, on y croit, totalement et tout bascule. del Amo évoque ses personnages. Il libère quelques particules d'idées ou de faits, nourrit l'imagination du lecteur et lui permet de comprendre, de suivre cette plume du beau au laid, de la quiétude à l'angoisse, de la sérénité à l'horreur. Une invitation à la réflexion sur ce qu'est l'Homme, sur les moteurs de son existence. de quoi, de qui faut-il se dépouiller pour tout simplement ‘Être' ?
Pour nous entraîner à sa suite, Jean-Baptiste del Amo met en scène trois personnages : le fils, dépourvu de prénom comme d'avenir, la mère, enceinte et au passé douloureux qui s'apprête à vivre un présent plus lourd encore, et l'homme, mari qui a disparu longtemps et qui, revenant, s'installe en Maître et Seigneur, reprend la place qui n'était plus la sienne. L'a-t-elle seulement été un jour ?
Ils n'ont pas de nom, ce ne sont que des « il, elle ou lui », sans patronyme pour se reconnaître uniques et dignes d'être ! La violence est, comme les voies du seigneur, impénétrable. On ne peut la comprendre, elle est là sans intention assumée , sans source potentielle de partage, de clarification ou de forces vives.
Et, même si le sujet est lourd, la plume de Jean-Baptiste del Amo nous tient en halène et nous captive jusqu'au bout. La fin nous laissant peut-être sur notre faim… mais dans ce bain d'agression permanente de la vie, une solution peut-elle sortir d'une plume comme un lapin du chapeau ? Peut-être est-ce à nous de fermer le livre et réfléchir pour trouver quelques ébauches de solution permettant de mieux panser le monde.

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Coup de coeur !
Un homme, une femme, un fils. Jamais on ne connaîtra le nom des trois protagonistes mais on se souviendra de leur histoire.

Presque un an après avoir lu je suis encore hantée par ce récit singulier.

Un roman noir, une histoire que l'on voit noircir au fur et à mesure que l'on tourne les pages. Une tension palpable qui monte crescendo jusqu'au dénouement final.

Friande du genre, j'ai toujours simplement adoré !







































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Le fils de l'homme de Jean-Baptiste del Amo
Après plusieurs années d'absence, un homme resurgit dans la vie de sa compagne et celle de leur très jeune fils, habitant tous les deux dans une cité ouvrière. A force d'une sourde et inquiétante persuasion Il les entraine aux Roches après un périple angoissant dans un vieux véhicule en mauvais état. Pendant de parcours la mère veille précieusement sur son enfant comme une louve sur ses petits. L'on sent bien en ces quelques lignes que ce voyage ne va pas être une simple balade un temps de vacances en montagne. D'autant plus que le père prend des précautions avec une bâche de planquer sa voiture dans un sous-bois. Equipés de lourds sacs à dos, la famille grimpe dans cette nature luxuriante. Comme elle nous allons découvrir leur futur habitat celui que l'on nomme Aux roches. Ici le temps à fait son oeuvre et le moins que l'on puisse ajouter, cette baraque isolée est totalement délabrée. C'est dans ce lieu que cet homme appelé le père dans le roman, aucun des protagonismes n'ayant un prénom ormis une seule fois pour la mère, a vécu auprès de son propre père un patriarche impitoyable. Celui-ci ne s'étant pas remis de la mort de sa femme est qui s'est blessé dans l'entreprise de bois qui l'employait vit en total autarcie sans aucune règle. L'on apprendra qu'aucune autorisation administrative n'a été délivrée pour cet habitat qui avait une tout autre destination que celle d'une maison. L'on comprend que l'arrivée de cet homme perturbe l'équilibre de cette famille qui s'était construite de la mère et de son fils et de son oncle Tony. Tony est un ancien copain de l'homme, l'on découvrira qu'en fait c'était un complice dans des faits de délinquance. Ce qui peut nous laisser supposer que l'homme absent pendant plusieurs années ait été en fait en prison. Cela peut être rapproché à un moment dans ce livre, ou il demande à sa femme de préparer des affaires et de quitter avec son fils en pleine nuit leur domicile avant l'arrivée prévue le matin d'hommes. Entourés par une nature sauvage, la mère et le fils voient le père étendre son emprise sur eux et édicter des lois mystérieuses pour leur nouvelle existence. C'est le premier livre que je lis de Jean-Baptiste del Amo. Ma première impression que j'ai eu en le lisant c'est l'extraordinaire précision de ses descriptions et la qualité absolue d'un riche vocabulaire, au point d'avoir regretté de ne pas avoir en main un crayon à papier pour souligner les passages de ce livre, issue de la petite bibliothèque de mon village. En nous plongeant dès les premières lignes à la préhistoire, nous pouvons nous interroger du propos de ce livre, sauf que l'évocation de la rudesse du climat, de la lutte pour la survie, celle des règles sauvages et violentes transmises du père au fils donnent une portée intemporelle au récit. La nature, la chasse, les armes, l'accouchement seront des pistes explorées dans ce roman le fils de l'homme de Jean-Baptiste del Amo, en les transposant au monde contemporain. A quelques pages de la fin, un savant retour à l'Age de la préhistoire m'a beaucoup plu. Dans ce livre l'on peut y voir également : le destin de l'Homme, son insignifiance par rapport à l'univers dans cette contrée minérale et glacée. Un destin fait de bonheur mais aussi de malheur. Comme si cette tragédie devait être rejouée indéfiniment à chaque génération. Comme si l'homme devait transmettre la douleur, la violence et la haine. Hanté par son passé, rongé par la jalousie lorsqu'il apprend de son fils de 9 ans, que sa femme Cristina qui fut maman à dix-sept ans alors qu'elle ne voulait pas d'enfant, et qui a maintenant vingt-six, quand il revient, est enceinte. Au fur et à mesure l'on sent le père sombrer lentement dans la folie, comme le fut d'ailleurs son propre père aux Roches. L'on pourrait penser que le drame va se nouer, lorsque le père initie le fils au tir au pistolet. Un pistolet retrouvé dans l'appentis soigneusement préparé pour vivre aux Roches bien au-delà de ce que pouvait penser la mère et le fils. Ou lorsque la famille sous l'orage, voit le maigre abri consolidé par le père de bric et de broc découvert par l'orage, déclenchant l'envie à la mère et à son fils de partir en pleine nuit. Mais c'est sans compter sur l'auteur de ce livre qui délivrera les derniers actes de cette tragédie qui vous laissera sans voix. Sans vous en rendre compte, le rythme de ce récit s'est accélère et il m'a été impossible de le lâcher tellement j'avais envie de suivre les pas de ce fils de l'homme. Ne chercher pas le mot fin à ce roman, il n'y en a pas. C'est à vous de conclure ce livre dont voici les dernières lignes « le garçon tient la crosse à deux mains, ne cille pas, on regard brille d'une ancienne rage familière et depuis trop longtemps contenue. le père fouille ses poches de ses doigts arachnéens, noir de crasse et de terre, et il porte à ses lèvres, avec des gestes tremblants, une cigarette froissée. » Je vous invite à lire ce superbe roman, celui du fils de l'homme, qui sera un de mes livres préférés cette année ayant apprécié la qualité de l'écriture et son vocabulaire. Un hymne à la nature, une histoire poignante entre un fils et sa mère confrontés au père dans ce retour ou tout est impossible. Bien à vous.
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Lorsque j'ai lu la quatrième page de couverture, elle m'a évoqué le film ‘'Shinning'' de Kubrick. Un homme emmenant sa famille loin des villes, et penchant vers la folie petit à petit. J'affirme m'être trompé. La folie entre ses deux oeuvres n'est pas du tout la même. C'est une belle tragédie.
Ce que je relève de ce livre ce sont les détails des mouvements de la faune et de la flore, les ressentis émotionnels des personnages et bien sûr la transmission de la violence sur trois générations.
De plus, l'auteur évoque la volonté d'être un bon enfant mais aussi la peur d'être un bon parent. Forcément, on peut ici se remémorer la figure de la mère. Où dans ses rêves, elle n'a que deux issues face à son enfant : une qui la fera culpabiliser et une qui la libèrera.
L'écriture de Jean-Baptiste del Amo vous plonge dans cette maison, Les Roches, mais il vous plonge aussi tout droit dans la forêt. On pourrait même émettre une comparaison avec ‘'L'étranger'' de Camus où le soleil est omniprésent. Ici, on peut dire la même chose, la forêt parle aux personnages, elle rentre en contact avec le père, la mère et le fils.

Bref, j'ai passé de très bons moments avec ce livre et je le recommande.
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La rudesse de ce roman, c'est la rudesse de la nature vierge, sauvage qui enveloppe les personnages et les dévore sans pitié, c'est la rudesse et la folie de l'homme qui emporte tout comme un orage en montagne, c'est la rudesse de l'enfance de l'homme et sa souffrance, une souffrance comme un héritage et qui rend fou, qui déshumanise et qu'on transmet à son tour comme pour s'en défaire ! le propre de l'homme, c'est de recevoir toute cette violence et de se débrouiller avec ! Nous sommes tous les fils de l'homme: un roman fort qui vous marque l'âme !
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Un homme revient chercher sa femme et son jeune fils pour les emmener aux Roches, l'endroit où il a vécu jadis lui-même avec son père. Mû par la rancoeur, la jalousie (sa femme l'a trompé avec son meilleur ami) il est déterminé à réparer les torts, avec ou sans le consentement de sa femme. Écrit sans un style épuré et d'une force rare, le thème, cher à l'auteur de la transmission de la violence de père en fils, est merveilleusement abouti. J'ai été particulièrement impressionné par la qualité des descriptions naturalistes de Jean-Baptiste del Amo. Il vous décrit un ciel comme si aucun auteur ne s'y était collé auparavant. J'ai beaucoup apprécié la tension qui ne cesse de monter au fil de ce voyage cauchemardesque.
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« Parvenu au milieu de la prairie, il fait volte-face, contemple la lisière impassible d'où semblent le guetter mille yeux tapis dans la coulisse sombre, qui tous ensemble formeraient le regard de la montagne ».
L'enfant est aux premières pages un objet, car on ignore tout de lui et savons surtout qu'il est la raison pour laquelle le père est revenu, la raison de l'histoire. Puis comme si on était au-dessus de lui nous le voyons cheminer, ressentir, l'impression d'être dans un Truman show.
L'histoire se déroule et contrairement à un vipère au poing, comme Juliette me l'a fait remarquer, le lecteur a tous les points de vues dans sa main et non seulement celui de l'enfant, et c'est plutôt génial : même celui du grand-père, raconté par le père, tout le monde y passe et c'est zolien presque.
Particulièrement sensible à l'image des bouleaux ternis de la hache - les métaphores bouleversantes pullulent, certes, comme celle des papillons dans le creux de la main de l'enfant ou des chevaux, le renard.
Question qui traverse le livre et mon esprit : comment la mère et son « inertie réprobatrice » se livrent à la construction d'un mirage, vieux d'une décennie (« la ville s'est refermée sur nous, si tant est que nous ayons jamais eu l'occasion de nous en échapper vraiment ») ? Cette idée d'un destin à accomplir, qui emprunte les allures d'une corvée dont se débarrasser. Et le fils, le fils qui sait et qui divertit la mère, comme pour l'empêcher de se mourir.
Le génie de la narration de la mère dans le bain, entendre gémir l'histoire de manière plutôt linéaire et ses phrases, rares paroles qu'elle livre et qui s'arrêtent brusquement lorsqu'elle emerge d'un coup.
Enfin, la course et les bois, les bouleaux encore. Et la folie qui coule, jusqu'au fils, enfermée dans les pages.
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Je retrouve Jean-Baptiste del Amo, l'auteur de Règne animal, un roman marquant par sa puissance, respirant la frange rurale profonde, d'une langue rare, celle littéraire française qui se perd dans une fainéantise communautariste où certains revendiquent le génie par complaisance et surtout par aveuglement sociétal, la pauvreté littéraire française est le fruit de ces critiques consanguines sans grands intérêts, des prix édulcorés et la nostalgie d'un passé flamboyant, Jean-Baptiste del Amo avec le fils de l'homme a obtenu le prix Fnac 2021, l'année où je ne fais plus partie du jury, j'aurais aimé contribuer à cette récompense, saluer cet auteur par son audace littéraire et le sujet difficile de la filiation humaine et de son héritage, la violence. Je suis encore perplexe par ce roman psychologique oppressant, épurant à l'extrême l'humanité de nos personnages, distillant un paysage sauvage, rude, même les animaux sont éborgnés par la vie.
Le fils de l'homme, ce titre est de tout temps une figure religieuse, une représentation abordée par le christianisme et le judaïsme, représentant pour l'un, l'humanité de Jésus, pour l'autre, une allégorie eschatologique communément illustré dans les milieux apocalyptiques judaïques dès la période post-exilique, soulignant la souffrance et la précarité de la condition humaine, Jean-Baptiste del Amo par ce titre comme dans son roman précédent, Règne animal aborde la souffrance humaine et sa violence, une hérédité immuable au fil du temps. Jean-Baptiste entame son roman par l'épopée d'une tribu nomade, se mouvant au fil de la saison en quête de nourriture, ce court préambule laisse le narrateur incertain par ce récit intemporel, la chasse est le coeur mouvant de ces hommes et femmes sous leurs habits de fourrures, l'auteur évoque l'initiation du fils, marqué du sang de l'animal pour son baptême de chasseur. Ces premiers mots s'incrustent dans notre chair comme ceux de Règne animal, la prose crue, sans fioritures, comme ce paragraphe sur l'accouplement de ces êtres, une violence animale, un acte de procréation sans plaisir.
L'écriture est une force tranquille, elle transporte l'esprit, Jean-Baptiste del Amo maitrise cet art des mots, diffusant son thème de prédiction, celui de l'homme-animal, cette violence humaine qui nous habite, cette crasse incrustée au plus profond de nos pores sont le miroir lointain d'une étoile qui brille au coeur de la nuit, celle de nos aïeux, ce miroir génétique traverse les générations pour prendre possession de nos âmes, nous devenons le reflet de nos ancêtres à travers cette violence naturelle qui nous habite au plus loin de notre être, l'être humain est cet animal qui tente de se domestiquer.
La nature semble être un personnage dans cette intrigue de ce huis-clos au coeur de ce paysage montagneux, perdu sur un versant hostile rocailleux où gît une bâtisse en semi-ruine, un vestige familiale, berceau de la chute des pères, pour y accéder, il faut s'y rendre à pied, suivre les sentiers enherbés et un paysage sauvage, Jean-Baptiste del Amo laisse cette nature se dessiner sous ses mots, nous pouvons la sentir, ressentir sa force et sa faiblesse, comme ces chardons brunis par l'hiver, des orties bordant des raidillons, des pieds de bourrache et de consoude parsème les prairies, des pervenches en boutons tapissent les sous-bois, des primevères s'y invitent, la mousse orne certains arbres, le lierre en feuille attaque ces arbres dans sa hauteur majestueuse, l'eau d'une source est la meilleure du monde selon le père, ce paysage est sauvage sous un regard aveugle, l'enfant entrevoit sa beauté au fil du roman, il entre en osmose avec celle-ci à travers la mousse, cet échange frisonne l'enfant, cette transmission de vie avec la végétation est rayonnant, faisant écho au roman Mousse de Klaus Modick, livrant un testament de notre relation intime à la nature, comme la somnolence de l'enfant dans les bras d'une souche d'arbre. Tout le roman s'articule autour de ce paysage à la description minutieuse, hostile selon la saison, la forêt se pare de ces habits de printemps, les bourgeons, les fleurs, les insectes et le pollen dansent dans l'atmosphère harmonieuse sous le doux regard du jeune fils, épris de liberté, errant dans ce paysage à la découverte de la faune et de la flore, échappant à l'emprise du père et à l'inertie de l'instant, cette liberté de découvrir la cartographie de ces errances pour les mémoriser, ces explorations l'emportent dans des vestiges que la nature dévore comme cette bergerie en ruine et l'entrée d'une mine d'extraction, sans oublier sa rencontre avec ses chevaux sauvages, la jument allaitant un poulain, un étalon borgne, chef du troupeau, qu'il va au fil du temps apprivoiser pour soigner son handicap. le soir est un spectacle, la voute céleste s'ouvre dans une obscurité parfaite le fils regarde ce spectacle dans cette éternité de vie qui l'emporte dans ces multiples vies qui l'ont précédées, il traverse les siècles et se trouve submergé dans la spirale du monde, Jean-Baptiste del Amo laisse le fils être le témoin du temps et de l'espace, ce vecteur de ce monde en mouvement, il sent la présence de la terre sous lui, « des vies qui s'y consument », il garde de ces instants « le souvenir d'une épiphanie », juste la caresse d'un rêve pour disparaitre ensuite comme s'il avait « le sentiment de quelque chose qui lui aurait été donné puis aussitôt repris. » le fils s'accommode de la nature, il la découvre, il la vit au plus profond de son être, la nature vient à lui naturellement, même si elle est sauvage, elle l'accueille dans ses bras comme un de ces enfants, comme l'a été son père, son grand-père et tous ses aïeux qui coulent dans le flot de son sang. Son grand-père paternel est resté dans cette nature pour y mourir, y pourrir, nourrir les charognards, laissant sa haine le consumer de l'intérieur, l'exaltant dans le saccage d'un carré de bouleaux perdus dans le dévers de la forêt, d'une hache tenue par le seul bras valide, la nuit venue, il va dans la nature, lacérer à coups de haches ces arbres blancs et lumineux comme la rage qui l'anime, celle qui le dévore de l'intérieur, ce grand-père veuf, estropié, gangréné de violence, massacrant ces bouleaux, laissant ces arbres dans la tristesse de leurs stigmates, pleurant des larmes de sèves, ce lieu devient le tombeau du grand-père, enterrant sa vie d'homme responsable pour la bête qui va l'habiter jusqu'à sa mort.
Les Roches, ce lieu maudit, où le décor du livre s'articule autour, le grand-père a élevé le père dans ce paysage sauvage, assez rebelle, le père vient poursuivre la folie éducatrice meurtrière du fils en embarquant la mère enceinte d'un autre que lui, l'intrigue est ce huis-clos oppressant de ces trois êtres, un couple désuni et leur progéniture, le fils sans prénom, ils sont les attributs, anonymes, ce trio plonge vers l'antre de la Roche dans la pénombre où l'enfant laisse son imagination vagabonder, Jean-Baptiste del Amo distille la violence sourde qui sommeille dans le père depuis sa jeune enfance, cette violence se matérialise dans ce lieu les Roches, vestige du père, le grand-père de l'enfant, muet derrière ces neuf ans, se laissant prendre par la force de la montagne et de sa végétation, par l'héritage du lieu que son père lui narre, ce père raconte la géologie, la tectonique des plaques, ces mouvements façonnant le décor du paysage où la montagne vient pour disparaitre et laisser la place à une autre, la montagne est souvent nommée tout le long du roman, elle est une force, une « masse inconcevable », son odeur imprègne l'enfant qu'il apprend à reconnaitre, elle est « une immense créature assoupie, sur le dos de laquelle l'enfant cheminerait », la montagne est vivante avec ces milliers d'yeux qui regardent le fils, sa voix gronde dans le coeur de la forêt et celle de l'enfant, qui est accepté par cette montagne, le fils semble désormais faire partie intégrante de la montagne, pour y suivre sa destinée, devenir un chasseur pour survivre.
La chasse pour Jean-Baptiste del Amo, dans le fils de l'homme a une part de survie, comme une nécessité, pour se nourrir, c'est un rituel ancestral, un vecteur de l'amitié et un passage important pour la transmission, surtout un rituel pour devenir adulte, le fils va sans la savoir y être initié, par déjà les deux photos trouvées dans les affaires de sa mère, l'un d'elle représente ces jeunes parents, amoureux dans l'insouciance de leur jeunesse, l'autre des hommes posant devant un trophée animalier lors d'une partie de chasse, son père s'y retrouve avec l'oncle Tony, son ami, qui viendra aider la mère lorsque le père sera en fuite, parti du nid conjugale, laissant le fils seul sans explication, pour revenir quelques années plus tard, pour distiller sa haine, sa colère, sa jalousie, sa violence sur cette mère et son fils va entrainer le fils vers sa destinée héréditaire, libérer cette violence, cette « ancienne rage, familière et depuis trop longtemps contenue. » Il y a ce préambule sur la chasse, puis l'initiation à l'arme à feu, avec le révolver du grand-père, les anecdotes sur cette arme, que va raconter au fils, le père et la découverte de la fresque sur la chasse, qui parait être la boucle entre cette tribu qui chasse et le fils qui devient chasseur pour survivre, une chasse pour ne pas se nourrir, nécessité pour survivre, une chasse à l'homme, Jean-Baptiste del Amo nous emporte dans un final haletant, une poursuite héroïque, j'ai presque la sensation de regarder un film de Sergio Léone, avec une musique d'Ennio Morricone !
Je ne vais pas m'éterniser sur l'aspect psychologique du roman et cette oppression que le père fait subir au fils et à la mère, cette femme fragile, aimante, fébrile comme un oiseau tombe de son nid, prise par des migraines la coupant des jours durant du monde, il y a dans cette femme-enfant, une forme de bipolarité qui s'en dégage, elle a un amour sans bornes pour son fils et pour sa futur fille qui survit dans son ventre, cette soeur que va protéger le fils au péril de sa vie d'enfant pour franchir la pas vers le monde des adultes. le père est dans ce roman, un homme perdu par sa filiation paternel, orphelin de sa mère, son père sombre dans la folie du chagrin et de la colère , pour ensuite perdre son bras au travail de sape de la scierie, l'enfance du père se déroule aux Roches , dans l'isolement complet de la société, son père est devenu l'ombre de lui-même, le passage de l'employé administratif est glaçant par sa révolte, celui du renardeau est cruel, puis enfin lors du départ du père à l'âge de quinze est émouvant.
Il me manque un passage dans ce roman, que l'auteur laisse en suspens, comme si la violence était ailleurs, comme si la pudeur de cet acte naturel de l‘accouchement devait être intime à la mère, pourtant Jean-Baptiste del Amo sait dans sa prose décrire l'insondable, dans une écriture froide, sans édulcorer la scène, comme dans Règne animal. Ce roman est multiple, il a des horizons de lecture polyphonique, celui de la nature est celle que j'ai aimé avoir et vous quel a été le vôtre !

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Après de longues années d'absence, un père de famille resurgit dans la vie de son ancienne compagne et de son fils de 9 ans. Ce texte sombre, sensoriel et organique décrit terriblement bien la toxicité d'un homme perdu. Comme dans ses précédents romans, Jean-Baptiste del Amo enchâsse sa narration dans une écriture magnifique où chaque mot est choisi avec le plus grand soin – un délice. Et offre à la faune (chevaux, oiseaux, ours…) et à la flore une place souveraine. Chez l'auteur, végétalien et antispéciste, les animaux et leur environnement sont en effet décrits avec autant de soin que les humains.
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Je ne vais certainement pas raconter tout ou partie de l'histoire ; d'autres s'en sont très bien chargés. Mon propos est simplement de faire part de mon ressenti.
J'ai le sentiment d'avoir lu un livre puissant. A certains moments, j'ai pensé à Giono : la nature est exaltée, le vocabulaire est très choisi ; par instants, nous sommes dans de la pure poésie.

D'après moi, c'est un livre à ne pas rater
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