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EAN : 9782070140626
144 pages
Gallimard (07/03/2013)
3.27/5   59 notes
Résumé :
'À la tombée de la nuit, je marche vers l'océan, longeant les murs parmi les ombres dans un grand silence. Je respire un effluve tenace, une essence aux notes d'abattis, de fleur pourrissante, un remugle charnel et végétal, mais je ne peux déterminer s'il émane de mon haleine ou de la ville, puisque je marche à cette heure où les murs suent et exhalent un long soupir.' Après Une éducation libertine (2008) et Le sel (2010), on retrouve avec Pornographia, récit d'une ... >Voir plus
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Critiques, Analyses et Avis (8) Voir plus Ajouter une critique
Après la leçon d'anatomie de Rembrandt voici celle, urbaine et définitivement plus obscure que claire de Jean Baptiste del Amo.

Nuits d'errances dans une Havane qui jamais ne se nomme. le Cuba interlope transpire par tous les pores de ces fugitifs vagabondages : le sexe, la puanteur, l'absence de moralité, les rites superstitieux, la corruption des âmes et des corps.

Mais le style lui, n'a rien de cru ou de sale, à l'opposé d'un Pedro Juan Gutierrez dont l'insulaire « Trilogie Sale de la Havane » fait figure de référence, le style du jeune auteur français est un peu enflé, on a parfois l'impression d'un livre écrit avec le dictionnaire des synonymes sous le coude, et bien plus souvent encore, le dictionnaire Vidal de médecine pour le champ lexical. Comme si la langue ne devait descendre à aucun prix dans les bas fonds de la narration.

Mais ça marche. La plaie béante, purulente et pestilente de cette sanguinolente ville fantasmée fascine.

Cela sans doute car del Amo décide de bazarder sa narration, caviarder sa chronologie pour ne garder que les impressions, les ressentis du personnage. Ainsi le lecteur aussi s'égare, se raccroche étourdi aux murs des ruelles étroites, s'affale, hagard contre la digue du Malécon. Tout se brouille : les regards impavides des cavaleurs débraillés ; les mirages des touristes vampiriques du front de mer aux ombres zinzolines sur les façades des immeubles délabrés, le souvenir tangible d'un Cuba réaliste s'efface sous la puissance ténébreuse, malaisante, révoltante et sans espoir d'une ville sans le sou, livrée aux misères scandaleuses de la chair.

Sous les hospices de la plume suave et rauque de l'auteur, les pages moites et hallucinées enlisent les mains du lecteur dans les semences organiques et odorantes qui, l'espace d'un instant, par la grâce de l'éclat d'une lune poétique sur le Malécon, prennent une lueur “d'écailles de nacre”.

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Une saison en enfer



"Il dort dans le soleil, la main sur sa poitrine
Tranquille. Il a deux trous rouges au côté droit."

Rimbaud, le dormeur du val





"Le giton m'empoigne rudement et ses mains couvertes d'une corne sèche rougissent la peau de mes bras et de ma nuque. Sa queue courbée retombe sur sa cuisse gauche. J'adore à genoux ce sexe brun couronné d'une tiare amère. Il a la bite épaisse et mordorée des mulâtres , mais la peau encore douce des adolescents. J'accepte la main posée sur mon crâne, elle me pousse à recueillir au fond de ma gorge la liqueur séminale. le gland gros comme le poing d'un petit enfant, lustré par la salive et les glaires cueillies à mon palais, pilonne mon pharynx et je ne respire plus que par à-coups, le visage révulsé par les hauts-le-coeur. le putain rauque comme une bête blessée. J'essaie d'avaler jusqu'à la garde, il saisit ma nuque et s'enfonce d'un grand coup de rein, son noeud empêché par une muqueuse, un os gainé de viande, et, les yeux noyés de larmes, je me contente de rabattre vers mon menton ses couilles pour en sentir l'odeur et la caresse. Je veux qu'il me regarde tandis que je force mon corps à être le réceptacle de sa virilité. J'aimerais modeler ma gorge et ma chair en un fourreau dans lequel il glisserait son sexe comme le meutrier range contre sa cuisse la lame de son couteau , et je le vois baisser son visage à demi ravalé par la pénombre. Il a élevé sa beauté en une forteresse inatteignable du haut de laquelle le consacre mon regard et il me toise des remparts où siège son âme. Son regard comme sa main armée par ma main fouaille une blessure à mon flanc."



On le sait, les livres sont chers, et on n'apprécie guère d' être mal conseillés en la matière... Il m'arrive de dire parfois: "Allez-y, vous ne le regretterez pas", mais cette fois, je vais faire preuve de la plus grande prudence, et c'est aussi la raison pour laquelle je vous ai d'emblée proposé un extrait du roman: si vous êtes choqué, gêné, mal à l'aise, ou tout simplement circonspect, je ne crois pas que l'ensemble vous plaira.



Sinon...



On a rarement la chance, dans une vie de lectrice, de rencontrer une VOIX singulière, à nulle autre pareille, qui provoque en vous une marée d'émotions, un tsunami affectif et intellectuel, une sorte de reconnaissance et d'adhésion, presque primitives.



J'ai découvert ce livre par hasard, en lisant une entrevue de l'auteur, où il faisait montre d'une telle intelligence que j'ai été immédiatement intriguée. Sans savoir vraiment pourquoi, il me fallait absolument ce livre, au plus vite, et après avoir parcouru les premières pages, j'ai abandonnné ma lecture en cours (pourtant excellente) pour me plonger avec une sorte d'exaltation, de fièvre, de désespoir, et de tendresse mêlées, dans ce texte totalement inclassable, et d'une beauté pure, aveuglante, à pleurer. Un choc comme je n'en avais plus ressenti depuis très longtemps.



La couverture annonce un "roman", j'ai plutôt envie de dire: "poème en prose", tant la langue y tient la première place, fulgurante, furieuse, hallucinée, emplie d'images violentes et douces à la fois, en une succession de chapitres comme autant de fragments, forme d'ailleurs clairement revendiquée par l'auteur, qui envisageait d'abord d'accompagner le texte de photographies, mais qui a abandonné le projet initial, ainsi qu'un premier jet plus "classique", et qui ne lui convenait pas.



Jean- baptiste del Amo a bel et bien visité La Havane, mais il ne s'agit pas ici d'une description objective d'un voyage, ou d'une ville. On entre ici dans la Littérature, la seule qui vaille à mes yeux, et tant pis si ces mots -là sont mal interprétés, je les assume... Arrêtons, une bonne fois pour toutes, de dire que tout se vaut, et si vous recherchez uniquement le divertissemnt au sens pascalien du terme, passez votre chemin.



Quand je rencontre un auteur qui sait écrire, véritablement, qui a cette exigence de la recherche formelle, et aussi, sans doute, ce don éclatant, je n'ai qu'une envie: le promouvoir, le balancer sur la place publique, sans autre forme de procès, et je le fais d'autant mieux que je n'ai rien à y gagner, si ce n'est ce rappel: la Beauté doit se vivre comme un engagement indispensable.



Ce texte, c'est à la fois une épreuve, et un acte d'amour; le narrateur, jeune homosexuel occidental de passage dans une ville tropicale, vit une aventure fondatrice, décrite dans l'extrait que je vous ai livré: il a une relation sexuelle avec un "giton", et n'aura alors de cesse de le retrouver dans la ville, ou en bord de mer... Cette quête est évidemment toute symbolique...Que cherche-t-il vraiment, sinon l'essence même de la vie, et de la mort?





"Au soir des obsèques, le long du front de mer, je marche à travers les embruns, le fracas des vagues atomisées sur le béton dans le crépuscule, et je laisse mon regard errer à la surface des façades en lambeaux."



Voilà donc les premiers mots, le ton est donné. L'atmosphère est étouffante, les hommes et les femmes sont presque des animaux, les chiens ont des cris humains, tout se mélange, tout est charrié dans un déluge d'odeurs, de sensations, de peaux, de sexes, d'âmes en perdition, et d'amour, toujours, d'amour... Tellement d'amour dans ce texte, pour qui saura bien le voir, tellement de compassion pour ceux qui souffrent, ceux qui ne font que survivre, qui mendient, qui vendent leur corps, ou ce qu'il en reste, les enfants, les putains, les anges et le Diable.



Mais que dire, vraiment, de ce voyage superbe et désolant, puisque rien jamais, ne saura transcrire l'émotion toute personnelle qui saisit le lecteur face, toujours, au mystère d'un texte?



Rien au fond... Vibrer, ressentir, admirer, se sentir bien, au centre même de la fange. Les mots pour faire mal, mais les mots pour renaître , aussi.





"Les façades déclives semblent tendre vers moi la nef d'une crypte et chercher à effacer le ciel vide et pourpre. Je les observe avec réticence et suspicion, juchées au-dessus de ma tête. Je débouche sur le front de mer et la chaleur abrutissante se charge du sel des embruns. Je me glisse parmi les arcades, dans les ténèbres poisseuses, sous les hautes voûtes suspendues aux accores comme les cales renversées de bateaux fantomatiques. Là, fument des métisses adossées aux colonnes."








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Après une lecture du prix Fnac roman 2021 de l'auteur, je découvre une oeuvre antérieure de l'auteur, Jean-Baptiste del Amo, « Pornographia », elle aussi couronnée par le prix Sade 2013.
Un roman court, je dirais plutôt une nouvelle, d'une certaine puissance, qui dérange dans sa description sans fard de la prostitution sous-prolétarienne de la Havane, et de la corruption des corps et des âmes.
Certains passages m'ont rappelé la description de Londres de Paul Morand.
Dans le style « anachronique », propre à l'auteur, et déjà à l'oeuvre dès son premier roman : « Une éducation libertine ».
A ne pas mettre dans toutes les mains.
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Très belle écriture, roman décousu et dédale d'un personnage sur une île cubaine.
Rencontres d'hommes et de femmes qui s'adonnent à la prostitution.
Vertige, sueurs, sexe, violence des corps, mort, dégoût, urine, saleté, merdes et bien d'autres encore font de ce livre un recueil d'atrocités, de l'envie de l'homme, de la femme des possédés ou revenant du sexe.

Trop pour moi, il y a très peu de moment où les corps se reposent et s'ils le sont c'est pour mieux ressentir leurs souffrances physiques et jamais une lueur d'espoir !
Un ramassis d'odeurs putrides et pourquoi cette folie ? … et après et bien rien.
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Ce roman m'a laissé suspendue, sans fin, comme si l'auteur voulait nous laisser là, empreint de cet univers hostile, austère et sensuel, où les plaisirs de la chair côtoient la froideur de la mort, où les hommes comme les femmes cherchent désespérément à survivre, avec la jouissance comme seul moyen de se sentir exister. Alors oui, nous restons sur notre faim, suspendu comme après la jouissance, constatant après coup, que ce n'était "que" ça, et, dans les minutes qui suivent, nous savons que nous allons replonger et nous confronter à la dure réalité de notre propre existence.
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Citations et extraits (6) Voir plus Ajouter une citation
Elena apprend à ignorer le goût de rouille des doigts que les hommes enfoncent dans sa bouche. Elle lèche leurs ongles noirs de graisse automobile tandis qu'ils sucent ses seins. Elle nettoie son sexe du sable et de la terre qu'ils y abandonnent et elle apprend à masquer les marques de morsures et les hématomes au creux de ses cuisses et de son cou. (...) Qu'un client mette ou non une capote l'indiffère, l'éventualité de sa mort également. Lorsqu'elle sent le sexe de l'homme convulser, elle se retire et termine le client à la main, par crainte de tomber enceinte. Le sida est une probabilité moins redoutable, elle n'aurait plus qu'à se tuer, alors qu'un gosse... Un gosse, ça s'entretient. (...) Tard dans la nuit, Elena longe la route. On la voit surgir par instants dans la lumière jaune des phares. Elle n'est qu'une ombre parmi d'autres, esquissée et minuscule sous les anacardiers et la silhouette des pins.
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Petit garçon je marche au pied des mogotes, le long des champs de tabac, un chien jaune à mes côtés, attentif à me suivre. Des bœufs paissent au bord d’un fossé. Un bâton à la main je frappe sur mon passage les pousses vertes de tabac. J’ai trouvé là, au pied d’un palmier, dans un bosquet d’herbes grasses, une jeune jutía égarée que ma main peut contenir et qui repose maintenant contre mon ventre, dans un repli de mon tee-shirt. Je sens frémir sur mon nombril ses moustaches et son museau, ses pattes griffent ma peau quand elle se love.
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Le désir geint et lancine dans mon ventre, nourri par la pourriture de la chambre, l’odeur de sexe crasseux, de bois piqué, de fruit talé, d’urine rance, de sueur tropicale. J’éprouve le besoin de me vautrer dans cette souillure, d’en jouir impunément. Je ferai alors de moi un homme libre et dévasté.
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La jouissance froisse les traits de son visage. Il tombe à mes côtés sur le matelas, arbre abattu, les muscles de son corps bandés encore. La sève expulsée de nos entrailles froidit sur moi et, les yeux clos, je laisse cette mer de foutre pulvériser mon esprit. (...)
Je reste à l'observer dans cette illusion qui succède à la jouissance, où l'on croit qu'en ne bougeant plus, en ne nommant rien, on peut encore retenir l'instant.
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Plus tard, elle s'éveille et se relève. Elle débande ses bras, puis les rince à l'eau claire et y verse en grimaçant un peu d'alcool, un fond de bouteille. Elle nettoie son entrecuisse et ses aisselles avec l'un des linges souillés. Elle coiffe ses cheveux en observant son reflet dans un miroir en plastique. Elle se contorsionne pour se glisser dans la petite robe en Skaï et enfile un gilet à manches longues pour cacher ses bras. Enfin, elle ramasse les billets sur la table et les glisse sous une statue de Notre-Dame de la Charité. Puis, elle quitte la chambre.
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