Vous avez entre les mains un manuscrit enluminé de la fin du XVe siècle, un livre d'heures. Mais loin de contenir seulement des prières et des dédicaces, il vous conte une histoire : celle de la femme qui l'a réalisé, page après page, année après année.
Marguerite est fille et petite-fille d'enlumineur, elle vit sur le pont Notre-Dame à Paris, sous l'enseigne À l'Étoile d'Or, qui sert à la fois d'échoppe, d'atelier et de maison familiale. de sa fenêtre, elle observe le fleuve, le bleu du ciel, réalise des croquis des travailleurs qui s'agitent sur les rives. Dans la salle des broyeurs, elle apprend les pierres, les poudres, les gestes qui produisent la couleur, celle qui sera fixée sur le parchemin pour les siècles des siècles.
Marguerite ne se laissera pas arrêter par le malheur de n'être pas née homme. Ses modèles sont
Christine de Pisan et Jehanne la Pucelle. Son grand-père reconnaît son talent et tient tête à cette mère aigrie qui veut absolument la marier, la forcer à se ranger, se contenir, se résigner.
De son enfance à ses trente ans, on suit la vie de Marguerite, guidée par le désir de peindre "moultes hystoires" et la recherche de la couleur juste. Contrainte par sa mère et son frère malade qu'elle est seule à savoir soulager. Soutenue par le succès de l'entreprise familiale dont elle est l'avenir. Ce roman intime est porté par une narration originale et étonnante : l'autrice nous conte l'histoire comme si elle tenait le manuscrit entre les mains. Elle nous raconte les à-plats de couleur vive, nous décrit les lettrines, nous déchiffre les prières et nous raconte l'histoire de Marguerite, qu'elle attrape entre les lignes.
Mais c'est aussi une fresque historique, où l'on croise
Pic de la Mirandole, où l'on voit la fin du Moyen-Âge qui se profile, la chute de Constantinople, la naissance de l'imprimerie, la découverte des Amériques, où l'on rêve d'Italie et de Renaissance.
Une histoire lointaine, mais qui nous parle : juste, si juste, quand est décrite la peur du Turc qui mène à la guerre, la peur de la technique qui vient menacer les habitudes, la bêtise des femmes qui se ruinent la santé au nom de leur apparence, l'injustice des inégalités qu'elles subissent.
Et puis il y a l'amour, de couleur noire semée d'étoiles d'or, de poussière d'or que Marguerite a laborieusement ramassée mois après mois dans les chutes de l'atelier, pour cet instant précis, l'instant de sa rencontre avec celui en qui elle se reconnaît, qui ravit son coeur au premier regard, son amour, son ami, son double.
Ce livre est à la fois très beau, tout à fait fascinant, rempli d'émotion et d'espoir, brillant, intelligent, coloré ; il réussit la prouesse d'être totalement médiéval et absolument contemporain ; il nous parle d'histoire sans être un roman historique, et cette histoire pourrait être la nôtre, peu importent les siècles. Un bijou.