Citations sur Les Eaux troubles du mojito et autres belles raisons .. (77)
"Oui, la vie est une comédie légère, avec des gags, beaucoup de ridicules sociaux et de la solitude. Oui, les gens se dévoilent et ne commencent à s'aimer qu'à la fin [...]."
Le vrai bonheur serait de se souvenir du présent.
Jules Renard, Journal, 9 octobre 1891
La réverbération des paroles sur l'eau et l'éclat des plongeons sont les deux bruits de l'été en vacances.
La voix. Au téléphone, la voix seule qui dit tout des êtres, bien davantage que leur présence physique, car il n’y a plus cette dramaturgie - fût-elle infime - qui cache ce qu’on ne souhaite pas révéler.
C’est incroyable, mais pour profiter vraiment du soir d’été, il faut que vienne au cœur l’idée de sa fragilité, la sensation qu’on le vit pour la dernière fois. (...) Souvenons-nous du présent. Vivons dans le présent. Avec le sentiment que c’est presque impossible.
La fraîcheur tombe. Ils se blottissent dos à dos, il reste encore des abricots. Des silences s’installent. C’était un beau dimanche, oui. Attendre que les derniers bouchons aient disparu avant le pont de Nantes. Attendre, reculer demain. Attendre que les joies dispersées laissent la place à l’idée du bonheur, qui donne le frisson.
On aime les choses telles qu’on les a trouvées, même les plus alambiquées, les moins utiles, les moins fonctionnelles. On veut les vies d’avant sa vie, et les faire siennes, épouser le décor et lui faire plaisir.
Fin juin. On va dîner dans le jardin. On a mis des photophores un peu partout, sur l'appui des fenêtres, accrochés aux branches du vieux cognassier, du pommier. Sur le coup de dix heures il a fallu enfiler un pull, mais il ne fait pas froid, et puis tout le monde a envie de rester là. On a bu un peu trop, mais les amis habitent à cinq cents mètres, ils sont venus à pied. Des amis de presque toute la vie, aucune gêne. On déguste même quelques instants de silence, après le fromage et le dernier verre de saint-joseph - j'aime bien ce vin, il a une sorte de chaleur douce.
Parfois, elles nouent leurs cheveux dans une salle de café, ou sur la plage. Elles ont le temps de préparer une épingle, et elles la gardent pincée dans leurs lèvres pendant qu'elles disciplinent leur coiffure. Il y a alors un joli décalage entre l'expression de leur bouche, tendue dans une moue presque grimacière, et la solennité royale de leur port de tête, de leur offrande à l'espace.
Rien de naturel dans tout cela. Elles font ce qu'elles veulent de leurs cheveux, et plus encore de nous, prisonniers éblouis. Elles savent.
Page 80 "elles savent"
À ne pas savoir danser, on sacralise la danse, on lui donne tout son pouvoir. Toutes les années perdues en apparence font le bonheur présent. Et l’on se venge enfin du carcan de l’adolescence.